La prison d’0akalla à Burnaby est une forteresse. Y sont enfermées cinq personnes : Julie Belmas. Gerry Hannah. Ann Hansen. Dong Stuart et Brent Taylor.
Au Canada, le mouvement les désigne en général comme les Cinq de Vancouver (les Cinq). Ils sont inculpés de multiples actions :
L’attaque revendiquée par Direct Action contre l’entreprise Litton qui fabrique les « têtes » de missiles Cruise américain.
Les actions contre des boîtes de vidéo spécialisées dans la distribution de films de viol, actions signées « Wimmin Fire Brigade ».
Ils sont aussi accusés de conspiration en vue du sabotage de la base de Cold Lake (Etat d’Alberta). : c’est sur cette base que sont installés les missiles Cruise.
De préparation d’une attaque contre la Brinks.
De possession d’armes volées et interdites, de détention d’explosifs.
L’arrestation
Le 20 janvier 1983. alors qu’ils roulaient sur une route de montagne les « Cinq » ont été arrêtés au cours d’un véritable rapt, organisé par « L’Unité de coordination pour l’application de la loi ». Ils ont été arrachés du camion, certains passés par une vitre cassée par les flics, jetés à terre, des calibres pointés sur la nuque et dans le dos, dans la plus pure tradition policière.
Les Cinq
Ann Hansen, Dong Stuart et Brent Taylor sont des militants connus de la communauté radicale de Vancouver.
Ils avaient milité dans mouvements comme celui contre l’extradition du militant indien Leonard Peltier, contre l’isolement dans les prisons, ils ont participé à la campagne contre la construction des Trident. à la marche antinucléaire du 26 avril 1983 qui a rassemblé 65000 personnes, aux initiatives de solidarité avec le Tiers-Monde. Et Gerry Hannah était membre d’un groupe de musique punk. A la sortie de la première audience. un membre de « Viol-secours » déclarait « les Cinq étaient avec nous, avant pour défendre les peuples aborigènes, pour condamner la violence sexiste et pour se battre pour la paix, nous demandons leur libération immédiate ».
L’attaque de l’Etat
C’est d’abord. comme de coutume. l’attaque concertée dés médias et la traditionnelle accusation de terrorisme, de complot international, la toute aussi traditionnelle condamnation préalable au seul vu des sources policières. II faut dire que la collaboration presse-police est totale : un reporter de la radio de Toronto CBC a même accès aux logements de quatre des prisonniers, fouillant dans les poubelles et fourrant son sale nez dans leurs papiers. C’est surtout une attaque généralisée de la police contre tout le mouvement dans toutes ses composantes : écologistes, pacifistes, féministes. En effet, avant, pendant et après les arrestations des Cinq, les perquisitions, interrogatoires et interpellations se multiplient, souvent sans aucune référence aux actions, mais sous le seul prétexte d’appartenance à un groupe extrémiste, anarchiste. Des exemples :
Le groupe « Projet de conversion des missiles » voit ses locaux perquisitionnés, un de ses membres est interrogé.
Un membre d’un mouvement écologiste est arrêté en plein cinéma. Les locaux du mouvement sont fouillés.
Perquisitions aux domiciles de quatre membres du « Groupe pour la libération des Cinq », et visite policière dans le local du groupe.
Vancouver, une femme est kidnappée et les flics tentent de lui extorquer des aveux et des preuves contre les autres en la menaçant d’inculpation au cas où elle ne parlerait pas.
Les amis des Cinq sont constamment suivis et ouvertement photographiés. Cette pression exercée contre ceux qui soutiennent ou pourraient être proches des Cinq constitue une mesure d’intimidation. C’est aussi le pretexte et le moyen pour surveiller de près et sans cesse tous les groupes pacifistes, écologistes et féministes.
Le soutien et le mouvement
II faut dire que le soutien au Cinq est énorme, à la mesure de l’importance de ces mouvements et de l’intégration des cinq prisonniers dans ceux-ci.
Ce soutien a pris de multiples aspects, il y a ceux qui condamnent le comportement des médias et organisent des actions, telles que la manifestation devant la radio CBC pour dénoncer les journalistes fouille-merde de la station, ou l’édition de fausses premières pages du « Sun », qui parodient celui-ci en révélant les détails d’un sinistre complot international impliquant les industries Litton et d’autres membres de la conspiration nucléaire. II y a ceux qui se placent sur le terrain judiciaire, insistant sur le fait qu’un jury impartial sera impossible à trouver, dénonçant la répression systématique dont sont victimes les militants politiques et qui font appel aux organisations démocratiques. II y a ceux qui sont engagés dans des luttes en relation avec les actions dont les Cinq sont accusés. Comme ces actions étaient le prolongement de larges mouvements de protestation existant dans tout le pays, la défense des Cinq devient une véritable défense de ce mouvement face à l’action policière-. Et l’occasion d’un vaste débat sur ces questions et le développement d’un autre niveau de lutte.
Le soutien prend des formes pratiques et concrètes : des comités se créent dans toutes les grandes villes au Canada et ailleurs : Edmouton, Calgary, Hamilton, Toronto, Ottawa, Montreal, Seattle, Santa Cruz, Philadelphie, Detroit, San Francisco, New-York, Londres, etc. De nombreuses publications mènent la discussion politique avec les Cinq, publiant déclarations, lettres, interviews. Les Cinq entretiennent des relations régulières par lettres avec les militants. Des manifestations sont organisées comme celle devant le Consulat du Canada à San Francisco. July Belmas, Gerry Hlànnah, En fait les sabotages de B.C. Hydro et de Litton deviennent le moteur d’une discussion politique sur les buts et les moyens de la politique affichée par tous ces groupes, sur l’apport de l’action des Cinq à la lutte révolutionnaire. donc l’occasion d’une avancée politique réelle. Ainsi un pacifiste de Toronto affirmait : « L’attentat contre Litton n’a pas été un acte isolé du mouvement pacifiste de masse. Les individus qui ont agi au nom de Direct Action n’étaient nullement des individus frustrés. Ils ont agit en pleine conscience pour ouvrir un autre front contré la machine de guerre. »
Extrait de L’Internationale (N°5 - mars 1984)