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Mise à jour le 23 juin 2005
Journée Internationale du Révolutionnaire Prisonnier Voilà plus de dix ans que de nombreuses forces de solidarité avec les prisonniers révolutionnaires célèbrent le 19 juin comme « Journée Internationale du Prisonnier Révolutionnaire ». C’est le 19 juin 1992 qu’a eu lieu l’insurrection des prisonniers révolutionnaires péruviens détenus à El Fronton, Lurigancho et Callao. L’offensive du régime contre les prisonniers venait de loin. Le gouvernement social-démocrate d’Alan Garcia était revenu sur plusieurs accords passés avec les collectifs de prisonniers et avait commencé des transferts vers la nouvelle prison de Campo Grande, véritable camp de la mort, et dans des prisons de province où, dispersés, ils auraient été à la merci des militaires. La vie des prisonniers était clairement menacée, et ceux-ci ont décidé de lutter pour maintien des communautés de prisonniers à El Fronton, Lurigancho et Callao. Les prisonniers avaient bénéficié de l’expérience des insurrections carcérales de 1986. Ils s’étaient donc organisés soigneusement : creusant des tunnels de dortoir en dortoir, fabriquant des mélanges incendiaires (avec le kérosène des réchauds), des grenades artisanales dans des boîtes de conserve, des frondes, des barres de fer et des arbalètes. Lorsque le gouvernement eut confirmé sa volonté de briser la communauté des prisonniers, ceux-ci s’insurgent, capturent des gardiens et barricadent les bâtiments sous leur contrôle. A El Fronton, ils s’emparent même de quatre fusils et d’un revolver. L’assaut dure des heures. Les commandos de l’armée, de la marine et de la garde républicaine utilisent du TNT et des armes automatiques pour écraser la résistance barricade après barricade. Malgré une lutte inégale, les prisonniers ont lutté une journée entière, perdant des dizaines des leurs. Mais le pire était encore à venir. Après la reddition des insurgés d’El Fronton, les soldats font sortir des rangs tous les cadres du Parti et, par groupe de cinq, ils les fusillent séance tenante. Ils jettent quarante corps de prisonniers dans une fosse et font exploser des grenades sur le tas de corps pour achever les blessés. Les prisonniers qui, au moment de la reddition, escortaient les otages sont tous abattus. Les survivants sont emmenés à l’île de San Lorenzo où un prisonnier sur deux est assassiné. A Lurichango, les commandos abattent 112 prisonniers désarmés après la reddition, et notamment tous les cadres du Parti. Ils demandent à un des prisonniers lequel, parmi eux, est Antonio Diaz Martinez - qui avait dirigé la résistance dans la prison. Le prisonnier ne dit rien : il est aussitôt abattu d’une balle dans la bouche. La même question est posée à un second prisonnier qui refuse également de répondre : il est abattu de la même manière. Un troisième refuse à son tour de répondre : il est abattu. A ce moment survient un mouchard qui désigne Diaz Martinez, blessé, gisant sur le sol. Les soldats l’interrogent, il refuse de répondre, ils l’abattent. Au total 250 prisonniers trouveront la mort ce 19 juin 1992. Ce massacre a eu lieu sur ordre du gouvernement social-démocrate APRA de Alan Garcia pendant la tenue à Lima du Congrès de l’Internationale Socialiste, dans la continuité de la sanglante tradition social-démocrate du massacre des prisonniers révolutionnaires. Ainsi l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg à Berlin en 1919 par les junkers aux ordres des ministres social-démocrates Noske et Scheideman ; ainsi l’assassinat des prisonniers de la Fraction Armée Rouge à la prison Stammheim en 1977 sur ordre du chancelier social-démocrate Helmut Schmidt. La volonté de briser les prisonniers révolutionnaires (et donc, avant tout, de briser les communautés qu’ils peuvent former en prison) n’a rien d’accidentel. Les prisonniers révolutionnaires sont un tel enjeu important dans la lutte des classes que les régimes réactionnaires n’hésitent pas à recourir à la torture et aux assassinats en masses pour atteindre leurs buts. Les buts du régime sont multiples : le militant emprisonné et isolé voit son activité politique arrêtée ou en tout cas fortement réduite, le régime déforce ainsi le camp de ses adversaires ; la détention de militants sert à intimider des personnes politisées mais hésitantes, à les dissuader d’entrer dans la lutte contre le régime ; le régime s’attaque à la personne même du militant prisonnier, il tente de briser sa volonté de lutte ; le régime veut instrumentaliser ceux des prisonniers politiques qui ne résisteront aux pressions physiques et/ou psychologiques (les prisonniers qu’il amènera à se renier seront utilisés dans sa propagande pour répandre dans les classes opprimées le découragement, la résignation, la démobilisation). Les enjeux sont aussi multiples du point de vue des révolutionnaires, un prisonnier libéré est un militant aguerri en plus dans le camp de la révolution (ou même, la levée du régime d’isolement permet à un prisonnier de se rendre utile à la lutte révolutionnaire par ses écrits) ; arracher la libération d’un prisonnier démontre que la lutte solidaire et la mobilisation peuvent être efficaces ; les campagne de libération est un moyen de diffuser les idées des prisonniers révolutionnaires ; le soutien aux prisonniers révolutionnaires a une valeur idéologique, elle sape les illusions petites-bourgeoises sur l’État « neutre », « au-dessus des classes », « de droit », « démocratique » ; la défense des prisonniers permet de conscientiser et de former des personnes jusque là extérieures à la lutte révolutionnaire. [Extrait d’un article du Secours Rouge International]
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