Interview avec Murat Karayilan, président du Conseil Exécutif du Confédéralisme Démocratique du Kurdistan (KKK). Interview parut le 11 octobre 2005. Ozgur Gundem.
L’annonce d’intention faite par le Premier Ministre Erdogan à Diyarbakir peut-elle être mise en pratique ?
MK : Non. Il n’a rien montré personnellement qui puisse le faire penser.
Le cessez-le-feu des Forces de Défense du Peuple (HPG) a été étendu du 20 septembre au 3 octobre. Des progrès ont-ils été notés ?
MK : Malgré tout nous avons demandé aux HPG de ne rien faire pour augmenter les tensions existantes avant le 3 octobre. Ceci a été interprété comme le fait que nous ayons prorogé le cessez-le-feu. Nous avons demandé au peuple et aux guérillas de ronger leur frein jusqu’au 3 octobre, de tenir bon, pour maintenir une attitude de self-défense comme cela était définit, et de ne rien faire pour empoisonner l’atmosphère. Depuis le 20 septembre il n’y a aucun signe d’une quelconque trace d’avancée positive dans les actions ou les déclarations du gouvernement.
Est-ce à dire qu’il y a des contradictions entre l’armée et le gouvernement AKP ? Par exemple, il a été dit que le gouvernement est dans le souhait de franchir certaines étapes, mais que l’armée l’a mis en garde. Que diriez-vous quant à tout ça ?
MK : Nous ne pouvons rien voir que nous pourrions interpréter comme une bonne volonté de la part du gouvernement. La police supporte le gouvernement, et c’est la police qui a attaqué et massacré le peuple. Dans le même temps, dans toutes les rencontres internationales et dans les négociations avec les forces du Kurdistan Sud, le gouvernement fait en sorte de ne pas nous prendre en compte. Cela montre comme une maladie chronique. Pendant que nous soutenions un message de paix, leurs efforts diplomatiques faisaient en sorte d’annuler notre message. Nous ne pouvons pas dire que se sont là de bonnes intentions. Nous voulons restez optimistes, et nous veillons au moindre signe qui pourrez alimenter notre optimisme. Il est fort possible qu’il y ait des contradictions entre l’armée et le gouvernement. A mon avis il y a des cercles qui supportent une solution à la question kurde. Mais au moment présent il n’y a aucune aile du gouvernement ou aucune force à l’intérieur de ce gouvernement qui souhaite voir une solution. Ils mènent une politique de pure répression.
Quelle sera votre position après le 3 octobre et dans la perspective d’une adhésion à l’UE de la Turquie ?
MK : Parlant du point de vue kurde, nous sommes favorables que la Turquie rejoigne l’UE, mais sur la base qu’il y ait une solution pour la question kurde. Il est définitivement illusoire de supposer que la Turquie puisse se démocratiser sans résoudre la question kurde. Il est dans l’intérêt de toute la population de Turquie que la démocratisation se réalise et qu’une solution soit trouvée à la question kurde. Dans le but de montrer que nous sommes sérieux, nous avons annoncé que nous ne ferrions rien qui puisse accentuer les tensions existantes en Turquie avant le 3 octobre. Ce qui est important c’est quelle attitude est montrée pendant les négociations. Si il n’y a aucun développement qui puisse mener à une solution après le 3 octobre, la Turquie en portera l’entière responsabilité. Il est très clair qu’une intervention urgente est nécessaire en relation avec la question kurde. L’UE est particulièrement attendue pour exposer clairement et sans ambiguïté ce qu’est sa politique kurde. La décision prise par l’Etat turc est clair elle : la question kurde doit être réglée par la force et l’annihilation. En face de ceci nous sommes obligés de nous défendre nous-mêmes.
Il existe des initiatives envisagées pour résoudre la question kurde sans Ocalan ?
MK : Il y a un conflit, et c’est une partie de la réalité du Kurdistan et de la Turquie. Les guérillas existent depuis 21 ans. Il y a eut de grandes spéculations quant aux forces numériques des guérillas. Il peut être établi clairement que nous avons une armée de 7 000 combattants hommes et femmes. Une partie d’entre eux a été déployée en Turquie pendant 20 ans. Le combat ne peut être arrêté par une partie qui déciderait de faire le pari de la non-violence. Cela ne pourrait mener qu’à la destruction de l’une des parties. Personne n’accepterait sa propre destruction, cela nécessite un effort des deux parties pour faire cesser le combat. Les guérillas sont une part de la réalité de la Turquie. Les guérillas existent, la population kurde existe, et Abdullah Ocalan existe. Il doit y avoir une discussion sur la manière dont ce problème doit être résolu. Ce n’est pas une solution d’isoler Ocalan et de détruire les guérillas. Au contraire, cette attitude montre une inaptitude à trouver une solution de la part de la Turquie. Plusieurs cercles supposés proches de nous, des institutions internationales, des intellectuels et des démocrates, nous ont suggéré de faire un appel en faveur d’un cessez-le-feu inconditionnel et indéfini, dans le but de contrer les provocations de l’Etat Turc ou de certains cercles à l’intérieur de l’Etat turc. Plusieurs annonces ont été faites de l’intérieur de cercles officiels disant que rien ne pourrait se faire avec les armes et les bombes. Je suis convaincus que ces amis et les autres gens soit ne comprennent pas notre réalité, soit n’ont aucun respect pour nous. Des appels ont été faits sans essayer de regarder pourquoi ce combat a lieu. Imaginez un moment que des guérillas se trouvent dans un lieu, poursuivis par l’armée. Les guérillas essayent d’éviter le combat, vont de ci, de là. A la fin, ils ne peuvent plus éviter le combat. Ils ne peuvent que se rendre et être sûrs d’être abattus, ou alors se défendre.
Allez-vous faire de nouveaux appels aux HPG ?
MK : L’armée a utilisé la période du cessez-le-feu des HPG pour pénétrer dans les zones de la guérilla et l’attaquer. Face à une telle situation nous ne pouvons appeler à un nouveau cessez-le-feu. Comment pourrais-je le faire ? Nous avons demandé au peuple d’adopter une posture de self-défense, et nos pertes ont augmenté en quadruplant. Les attaques contre le peuple ont également augmenté. Les gens possèdent le droit démocratique de descendre dans la rue et d’exprimer son opinion. Mais si ils le font on leur répond par la violence. Plusieurs personnes ont ainsi perdu la vie. Il y a eu 200 personnes blessées et un nombre similaire d’arrestations. Plusieurs responsables d’organisations démocratiques ont été arrêtées. Si les choses continues dans cette voie, la violence ne peut que s’accroître.