Kazim Koyuncu, l’enfant rebelle de la Mer Noire nous a quitté
Les peuples et les forces démocratiques de Turquie viennent de perdre un
de leurs précieux chanteurs : Kazim Koyuncu.
Il nous a quitté inopinément, hier, à l’hôpital américain d’Istanbul,
terrassé par un cancer aux testicules.
Il n’avait que 33 ans.
Kazim Koyuncu était connu pour ses positions anti-capitalistes et pour
son engagement infatigable aux côtés des plus faibles. Il était l’un de
nos proches amis. Il était une merveille de la nature, un alliage de
modestie, de tendresse et de bonne humeur à toute épreuve.
Kazim est né en 1972 à Hopa, dans la province d’Artvin. Il faisait partie
de cette minorité appelée les Lazes, un peuple soumis à une politique
d’assimilation farouche de la part de l’Etat.
En 1993, il créa le premier groupe de rock laze au monde, Zugasi Berepe
(ce qui signifie en laze, les enfants de la mer). Le groupe Zugasi
Berepe a réalisé deux albums : Va Miskunan (Nous ne savons pas) en 1995
et Igsaz (il s’en va) en 1998. Kazim a fort contribué à la promotion de
la culture laze, une culture ancestrale que les tyrans de notre pays ont
essayé d’éradiquer par tous les moyens. En 2001, il réalise un album en
solo intitulé Viya, puis Hayde en 2004. Il était également Cela
faisait 6 mois qu’il luttait contre sa maladie qu’il a découverte par pur
hasard. Mais c’était déjà trop tard. Nous n’avons pas pu te sauver
Kazim...
Kazim a participé à de nombreux concerts de protestation contre la guerre
en Irak, contre l’OTAN, contre la pollution engendrée par les grandes
entreprises et les centrales thermiques, électriques et nucléaires. Il
était en outre l’un des membres fondateurs de la de l’association pour
les droits fondamentaux et les libertés (Temel Haklar).
Kazim souffrait d’un cancer comme beaucoup de membres de sa famille et
plus généralement, comme beaucoup d’habitants de la Mer Noire.
Dans cette région, le taux de mortalité dûe au cancer s’est sensiblement
accru après la tragédie de Tchernobyl survenue en 1986. Les autorités
turques n’ont pris aucune mesure contre l’irradiation de la région. Il
leur a été en effet plus lucratif faire des shows télévisés en buvant du
thé produit dans la région et de tromper ainsi la population sur les
réels dangers qui existaient. Tu n’as cessé de les dénoncer tout au long
de ta courte vie.
Aujourd’hui, nous avons perdu un frère inoubliable, une fontaine de vie
aussi libre et intarrissable que la Mer Noire.
Tu étais et tu resteras ce que tu dis toi-même de la Mer Noire : une
vague géante aux eaux libres.
Au revoir Kazim et repose en paix.
HÖC Info
Le 26 juin 2005
Ci-dessous, nous vous faisons parvenir à nos lecteurs les messages de
condoléances de ces proches amis avec qui il a collaboré dans la lutte
pour un monde meilleur :
Communiqué de Grup Yorum
Encore une fois, la Mer noire a emporté un enfant rebelle dans ses vagues
folles. Nous venons de perdre notre ami, notre fère Kazým Koyuncu. Notre
douleur est incommensurable...
Nous avons été tellement de fois ensemble. Ensemble nous avons chanté
pour les enfants écrasés sous les bombes américaines à Bagdad ou à
Falloudjah ... Combien de fois ne nous sommes nous pas accroupis devant un
banquet fraternel, à chanter à la vie et aux peuples ...Tu étais aussi
rebelle que les enfants dont on interdit la langue. Tu étais un homme
aussi merveilleux que ton coeur pur Kazim...
Ton absence sera difficile pour nous Kazim.
Tout notre groupe souffre de ta perte.
En te rendant hommage, nous saluons tous ceux qui croient en la victoire
des anchois au dos violet et des pains de maïs...
Au revoir le Laze !.. Repose en paix sur l’autre rivage ...
25 juin 05
Grup Yorum
Communiqué de presse de la radio « Voix de l’Anatolie » (Anadolu’nun
Sesi)
A la presse et à l’opinion publique
L’enfant rebelle de la Mer Noire s’est éteint.
Cela faisait plusieurs mois que le maître de la chanson en langue laze et
de la musique de la Mer Noire, Kazim Koyuncu était hospitalisé.
Aujourd’hui, vers midi, la maladie a eu raison de lui. Demain, il sera
conduit vers sa terre natale pour son sommeil éternel.
Oui, la voix tumultueuse de la Mer noire s’est « tue »
Kazim Koyuncu a œuvré avec beaucoup d’hardiesse pour nous faire connaître
la musique de la Mer Noire.
Jamais, ta voix ne quittera nos ondes. Dans nos micros, ta voix
continuera à retentir et à inviter les auditeurs à danser le « horon » ...
Ceux qui t’aiment continueront à s’enfiévrer au son de ta voix ...
Nous exprimons nos plus sincères condoléances à toute la Mer Noire et à
toute l’Anatolie ...
25 juin 2005
Radio Anadolunun Sesi (Voix de l’Anatolie)
Communiqué de l’Association pour les droits fondamentaux et les libertés
(Istanbul Temel Haklar)
« Nous avons perdu Kazim Koyuncu »
Hier, un précieux artiste de notre pays, Kazim Koyuncu est décédé à
l’hôpital, alors qu’il traitait un cancer.
Kazim était l’un des membres fondateurs de notre association.
Nous tenons à exprimer notre douleur, notre tristesse et nos plus
sincères condoléances à sa famille et à ses amis.
Kazým Koyuncu est un artiste et intellectuel connu pour son identité
d’opposant.
Kazým Koyuncu sera toujours parmi nous, avec ses chansons et ses idées.
Son décès n’est en tout cas pas l’oeuvre du destin. C’est un meurtre dû à
l’absence totale de mesures contre les contaminations dûes à l’explosion
survenue en avril 1986 dans la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Dans ses dernières interviews, Kazim parlait souvent des responsables de
sa maladie.
« Il y a des cas de cancer dans quasi toutes les familles (de ma
region NDT). Ces messieurs se pavanent devant devant les caméras en
buvant du thé pour nous convaincre que nos plantations de thé n’est pas
contaminé. Ces types sont soit des imbéciles, soit ils rendent service à
des groupes lucratifs. Si au lieu d’essayer de nous convaincre à boire du
thé contaminé, ils avaient procédé à des dépistages, on n’en serait pas
arrivé là. N’est-ce pas un meurtre ? Le fait de ne pas prendre des
mesures, n’est-ce pas plus grave que ce fameux terrorisme qu’ils
craignent tant ? Les véritables traîtres à la patrie qu’ils craignent
tant, ce sont les dirigeants de ce genre qui font souffr ir le peuple
depuis l’Empire ottoman »
Les Zuðaþi Berepe (enfants de la mer) se meurent !
Ne nous taisons pas !
(*) Les Lazes forment un peuple qui vit dans le nord-est de la Turquie et
le sud-ouest de la Géorgie. Ce territoire correspond à la mythique
Colchide, la terre où Jason et les Argonautes recherchèrent la Toison
d’Or. Les Lazes parlent le « lazuri », une langue caucasienne proche du
mingrélien. Leur nombre s’élève à près d’un million et demi rien que pour
ceux qui vivent dans la partie turque. Il s’agit d’une langue
exclusivement orale. Les défenseurs de la culture laze ont toujours fait
l’objet de persécutions en Turquie.
Les Lazes cultivent le thé, le tabac et la noisette mais c’est
essentiellement un peuple de pêcheurs. A ce titre, il voue un véritable
culte à la mer et à son poisson fétiche, l’anchois (hamsi).
Même leur danse nationale, le horon, imite le frétillement de l’anchois
pris dans les mailles du filet.