A Paris, cinq militants d’extrême gauche ont été condamnés vendredi pour « association de malfaiteurs ».
« Il faut prendre des notes là », ordonne José Antonio Ramon Teijelo, debout, solennel, à son avocat. Au procès des militants d’extrême gauche italiens et espagnols poursuivis pour « association de malfaiteurs » et « falsification de documents administratifs », Ramon Teijelo vient de découvrir qu’il avait été condamné deux fois par défaut en Espagne, en 2003 et 2006 pour « destruction, incendie en bande organisée ». « Si j’avais été condamné, je le saurais », fait-il, incrédule.
Le tribunal correctionnel de Paris l’a condamné vendredi à 40 mois de prison, dont 20 avec sursis. Sa compagne Manuela Ontanilla Galàn a écopé de 18 mois, dont 12 avec sursis. Jugés également et absents à l’audience, les militants italiens Giuseppe Maj et Giuseppe Czeppel sont condamnés à cinq ans dont deux avec sursis. Quant à Angelo D’Arcangeli, expulsé de la salle mercredi, il a pris deux ans de prison, dont un avec sursis.
Quand on les a arrêtés fin 2005, José Antonio était l’ « assistant de vie » d’un vieux bourgeois parisien, et Manuela faisait des ménages dans le VIIe arrondissement. Sous de fausses identités. Lui, cheveux gris courts, lunettes fines, se fait appeler Carlo Prada. Elle, coupe au carré, Anna Moretti. Ce couple d’Espagnols de soixante ans, discrets et sérieux, n’attire pas l’attention. Chez eux, la police trouve des matrices de faux papiers, italiens et espagnols, et du matériel pour en fabriquer plaques de cuivre, encre de chine... « ça vous rappelle des souvenirs, monsieur ? » lance la présidente Anne-Marie Beaugion. José Antonio approuve. Les Italiens, des maoïstes du Nouveau Parti communiste (NPCI), passaient à la clandestinité. Par « solidarité », il se chargeait de leur en « apprendre » les rudiments. « Le plus important, c’est la compartimentation », dit-il. Mais l’un des Italiens se fait repérer avec sa carte de crédit. L’autre par un coup de fil en Italie.
« Vous envisagiez de créer une entité de commune européenne », dit la présidente. « Ecoutez, cette histoire, c’est l’histoire de la police. Nous n’avons jamais rien voulu "fédérer". Nous ne parlons pas comme ça », fait-il, haussant les épaules. Lors de l’instruction, le juge Gilbert Thiel renoncera aux poursuites pour activité terroriste. Soupçonné d’être un leader de Grapo [Groupe de résistance antifasciste du premier octobre], Ramon Teijelo a déjà fait quinze ans de prison en Espagne. Il a failli y rester lors d’une grève de la faim, en 1991. Il rejoint la France peu après, clandestin. « De quoi avez-vous vécu jusqu’en 2000 ? » demande la présidente. « J’étais fonctionnaire du Parti », répond-il. Exclu en 2000, il crée un nouveau courant avec Manuela, la Fraction Octobre. Ils sont deux. Manuela a aussi fait de la prison pour braquage dans les années 70. « J’ai une fiche de renseignements très accablante sur vous, dit la présidente. En novembre 1995, vous devenez responsable du commandement central des groupes armés. » Et la liste est longue : attentat à Madrid, vol à main armée, vol d’une ceinture de munitions, d’un engin explosif... « C’est Ben Laden que vous décrivez ! » dit l’avocat. Ramon Teijelo aurait été exclu du parti « pour son refus de la lutte armée », mais il refuse d’en parler. « Ce sont des questions internes à notre gouvernement »