La justice française a condamné mercredi à de la prison ferme et fait immédiatement incarcérer deux avocats basques espagnols pour leurs liens avec l’ETA, une décision dénoncée par la défense comme une atteinte aux droits de la profession d’avocat.
Accusés d’avoir transmis en 2003 des documents de l’organisation séparatiste basque à quatre clients incarcérés en France, Mes Unai Errea Berges, 33 ans, et Itziar Larraz Mozo, 31 ans, ont été condamnés respectivement à quatre et trois ans d’emprisonnement ferme par la 10e chambre correctionnelle de Paris.
Ces deux membres du barreau de Saint-Sébastien (Espagne) ont en outre écopé de dix ans d’interdiction d’exercer la profession d’avocat et de dix ans d’interdiction du territoire français.
Le tribunal a en outre décerné un mandat de dépôt à l’audience contre les deux prévenus, qui ont été immédiatement arrêtés, ce qui est relativement rare dans les prétoires, a fortiori s’agissant d’avocats.
Le 6 décembre, le parquet avait requis quatre ans de prison ferme contre les deux prévenus, mais sans demander de mandat de dépôt, pour remise illicite de correspondance à des détenus et complicité d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.
Les quatre clients de ces avocats, membres déclarés de l’ETA, ont été condamnés à cinq ans de prison ferme.
Miren de Orcolaga Echaniz, 51 ans, Jose Maria Otegui Arrugaeta, 33 ans, Laurenxa Beyrie, 31 ans, et Ainhoa Mugica Goni, 36 ans, ont été maintenus en détention. Le parquet avait requis à leur encontre au moins six ans de prison.
A l’issue du jugement, une des avocates de la défense, Me Irène Terrel, a dénoncé "une répression déraisonnable" à l’encontre de ses deux confrères espagnols.
"Ce sont des gens libres, qui présentent toutes les garanties de représentation et on ne leur laisse même pas le temps d’exercer toutes les voies de recours avant de les mettre en prison", a protesté Me Terrel qui a annoncé qu’elle ferait immédiatement appel du jugement et déposerait une demande de mise en liberté.
Lors des débats du 4 au 6 décembre, Me Terrel avait dénoncé une "criminalisation de la défense". Les deux avocats espagnols avaient expliqué n’avoir fait que leur travail.
L’accusation se fondait principalement sur la découverte en 2003 de documents sur des détenus de retour de parloirs.
Le 13 mai 2003, la fouille de Jose Maria Otegui, qui venait de s’entretenir avec Me Errea Berges, avait permis la découverte d’un document de l’ETA consultant ses membres sur la stratégie de l’organisation.
Quelques jours auparavant, un autre document découvert à Fresnes sur une détenue, qui venait de voir Me Larraz Mozo, informait Ainhoa Mugica Goni qu’elle continuait de faire partie du comité exécutif de l’ETA en tant que chef de l’appareil militaire de l’organisation. Des empreintes digitales de Me Larraz Mozo avaient été retrouvées sur ce document.
Pour le parquet, les avocats se sont rendus coupables d’une "transmission opérationnelle" de documents qui ont "aidé à la poursuite de l’action terroriste de l’ETA".
Le jugement intervient alors que la presse basque a fait état mercredi d’une première réunion officielle entre émissaires du gouvernement espagnol et de l’ETA, que Madrid a refusé de confirmer ou démentir, depuis l’annonce d’un cessez-le-feu le 22 mars.