Quatre ans de prison ferme ont été requis mercredi soir contre deux avocats basques espagnols, pour avoir transmis des documents à des détenus membres présumés de l’ETA, et la défense a dénoncé une volonté de la justice française de "criminaliser" le travail d’avocat.
Une interdiction de travail et du territoire français "d’au moins dix ans" a également été réclamée devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris à l’encontre de maîtres Unai Errea Berges et Itziar Larraz Mozo, du barreau de Saint-Sébastien au Pays basque espagnol.
Accusé d’avoir transmis en 2003 des documents relatifs à l’organisation séparatiste basque à leurs clients incarcérés en France, ils doivent répondre de remise illicite de correspondances à des détenus et de complicité d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.
A leur côté comparaissent, détenus, quatre activistes présumés de l’ETA qui auraient été destinataires des documents. Six ans de détention ont été demandés contre ceux-ci.
Le procureur Jean-Michel Bourlès a détaillé le fonctionnement de la structure, qui au sein de l’ETA est en charge des relations avec les détenus.
Cette structure est baptisée "H" ou "HALBOKA", qui est l’acronyme en basque de la sentence "en faisant tomber les murs, bientôt les combattants seront en liberté", a expliqué le représentant du parquet.
Dépendant de l’appareil politique, "H" a pour fonction principale "d’assurer le maintien des liens avec ETA pour permettre la communication de documents aux activistes détenus", selon le parquet.
Des documents saisis lors d’arrestations en France en 2003 ont permis d’établir que "H" comprenait en son sein "une structure composée d’avocats pour s’occuper de la défense des activistes interpellés" en France, qui sont environ 150. Sur un de ces fichiers informatiques cryptés, saisi dans les Pyrénées-Atlantiques en janvier 2003, figurait le nom d’Unai Errea Berges.
Le 13 mai 2003, la fouille d’un détenu, Jose Maria Otegui, qui venait de s’entretenir avec son défenseur Me Errea Berges, a permis la découverte d’un document de l’ETA consultant ses membres détenus sur la stratégie de l’organisation.
Quelques jours auparavant, un autre document avait été découvert à Fresnes en possession d’une autre activiste présumée, qui venait de voir son avocate, Me Larraz Mozo. Ce document informait Ainhoa Mugica Goni qu’elle continuait de faire partie du comité exécutif de l’ETA en tant que chef de l’appareil militaire de l’organisation.
Des empreintes digitales de Me Larraz Mozo ont été retrouvées sur ce document.
Pour le procureur, les avocats sont coupables d’une "transmission opérationnelle" de documents de l’ETA visant "à lui permettre de poursuivre ses activités". "Ils ont aidé à la poursuite de l’action terroriste de l’ETA", a-t-il insisté.
"Je n’ai pas connaissance de ces documents. Il y a des avocats qui s’occupent des prisonniers basques. On fait notre travail et vous voulez nous criminaliser", a affirmé de son côté Me Berges.
Son avocate, Me Irène Terrel, a fustigé une "vision globale consistant à criminaliser un certain type de défense politique".
Le jugement sera rendu dans plusieurs semaines.