Anne-Marie MENDIBOURE / Avocate de Filipe Bidart
« Plus la mobilisation sera forte, plus Filipe Bidart aura des chances d’
obtenir la liberté »
Lundi prochain, 2 octobre, l’avocate du prisonnier basque Filipe Bidart,
Anne-Marie Mendiboure, devra plaider à 230 kilomètres de son client pour essayer
d’obtenir sa libération conditionnelle. Elle sera au siège du nouveau
Tribunal d’application des peines de Paris alors que le militant Baigorriar restera
à la centrale de Clairvaux. Une audience par vidéoconférence qui décidera du
sort de l’ancien membre d’Iparretarrak, libérable depuis le 21 février
2003. La mobilisation [samedi à 15h et lundi à 19h devant le Palais de justice de
Bayonne] peut jouer un rôle important, selon le prisonnier baigorriar.
Filipe Bidart présentera son dossier pour la liberté conditionnelle le 21
octobre prochain. Mais ce ne sera plus un tribunal de droit commun qui va l’
examiner, mais un nouveau tribunal d’application des peines créé pour se saisir
des affaires dites de terrorisme.
En effet, il y a eu un changement de compétences à la suite des nouvelles
dispositions mises en place à partir du 1er mai 2006 en vertu d’un décret qui
date de mars. Désormais, il y a une seule et unique juridiction d’application
des peines, dont le siège est à Paris. Tous les dossiers considérés comme des
dossiers de terrorisme et qui concernent des demandes de libération
conditionnelle seront jugés par cette nouvelle juridiction. Il s’agit d’une
juridiction à caractère dérogatoire du droit commun, donc il s’agit d’une
juridiction exceptionnelle et politique.
Toutes les conditions fixées par le Tribunal d’application des peines de
Troyes pour concéder la liberté conditionnelle sont semble-t-il remplies. Est-ce
que le changement de juridiction aura des conséquences sur les critères
exigés à Filipe Bidart pour sa mise en liberté ?
Tout est possible. Le jugement du 26 janvier 2006 précise que Filipe Bidart
a rempli quasiment l’ensemble des conditions pour permettre une libération
conditionnelle. Maintenant, un nouveau tribunal est saisi. Il faudra replaider
totalement le dossier. Et il peut avoir, je ne l’espère pas, une appréciation
différente. Il se peut que ce tribunal exige de nouvelles conditions.
Craignez-vous que les conditions soient politiques ?
Il faut être clair. Nous nous trouvons devant une juridiction qui a un
caractère politique. Si le dossier juridique est bon, et il est extrêmement bon,
on peut se retrouver face à une décision politique qui va statuer sur d’autres
motifs que le motif juridique, ou qui en tout cas mettra en avant des motifs
juridiques qui en vérité seront des motifs politiques. Parce que peut-être l’
Etat français n’a pas envie de libérer un prisonnier politique.
Croyez-vous que le contexte politique en Pays Basque aura une quelconque
influence sur l’avis du tribunal ?
Compte tenu du caractère politique du tribunal, l’argument que l’on pourra
développer devant cette juridiction c’est en effet ce contexte politique avec
la trêve qui a été décrétée par l’ETA, avec une situation politique qui
évolue vers une tentative de solution politique de ce que les Etats français et
espagnol appellent le problème basque. A mon avis, le contexte politique
devrait être un élément déterminant.
Outre le caractère politique du tribunal, vous dénoncez les entraves faites
à la défense par cette nouvelle juridiction, notamment l’impossibilité pour
vous de plaider aux côtés de votre client.
Tout à fait. L’on va se retrouver face à un mode d’audience très
particulier, parce qu’elle va se dérouler par vidéoconférence. Je ne sais pas comment
cela va se passer, parce que pour moi c’est la première fois que je vais
plaider dans ce type de situation. Et d’ailleurs ça sera une des premières
décisions de cette nouvelle juridiction d’application des peines. Concrètement,
Filipe Bidart sera à la centrale de Clairvaux, assisté par l’avocat Filipe
Aramendi, alors que moi je serai au tribunal d’application des peines pour plaider
son dossier. Donc il y a aussi un obstacle physique et il n’y aura pas de
contact direct entre le juge et la personne qu’il va juger. Ce sera donc un
contact très amorti et très distancé.
Quel est le sentiment de Filipe Bidart en ce moment ?
Lui a tout à fait confiance dans le fait d’avoir un bon dossier, mais il a
aussi tout à fait conscience d’être un prisonnier politique et que s’il y a
une décision elle sera politique.
Est-ce qu’il est au courant des mobilisations qui vont avoir lieu samedi et
lundi ?
Oui, il en a été informé par ses proches et par ses avocats. La mobilisation
est un point sur lequel il a insisté : il pense que plus la mobilisation
sera forte, plus il aura des chances d’obtenir sa libération conditionnelle.