Plusieurs milliers de personnes ont défilé, dimanche soir 13 août à San Sebastian, au Pays basque espagnol, pour réclamer le droit à l’autodétermination. Cette manifestation avait finalement été autorisée après plusieurs jours d’incertitudes, ses organisateurs étant proches du parti indépendantiste interdit Batasuna, vitrine politique de l’organisation séparatiste clandestine ETA.
Les conditions mises par la justice pour la tenue du rassemblement ayant été globalement respectées, ce défilé sans incident a permis à la gauche nationaliste de tester ses capacités de mobilisation, cinq mois après l’amorce du processus de paix déclenché par le cessez-le-feu proclamé le 22 mars par l’ETA.
En cette fin de dimanche tempéré et familial, le seul coup entendu dans tout San Sebastian aura été celui d’un canon : à 19 heures précises, la déflagration des artilleurs marque chaque année le début des fêtes traditionnelles annuelles, la Semana grande. Rituellement également depuis quelques années, la mouvance indépendantiste saisit l’occasion pour un rassemblement autour de ses thèmes de prédilection : l’autodétermination, les prisonniers basques et, cette année, les démarches engagées depuis la trêve de l’ETA.
Batasuna étant une formation politique interdite depuis une décision de la justice espagnole le 26 août 2002 et la loi sur les partis promulguée sous le gouvernement conservateur de José-Maria Aznar, un "particulier" avait cette fois déposé une demande d’autorisation pour le défilé. Compétent sur son territoire, le gouvernement autonome basque, dirigé par les nationalistes modérés du PNV, avait, le 7 août, donné son feu vert si cette mobilisation se faisait "dans les limites légales" et "sans banderoles ni slogans qui puissent représenter une menace ou une intimidation". Le 11 août un collectif de 50 personnes prenait le relais en appelant au rassemblement avec pour thème "Le Pays basque a la parole et la décision". Ces mots figuraient, dimanche, sur la banderole de tête du défilé.
Saisi, le juge de l’Audience nationale de Madrid, Baltasar Garzon, n’avait pas interdit le défilé, après avoir entendu son organisateur officiel et mis en garde le gouvernement basque et les responsables de Batasuna contre toute immixtion voyante d’organisations interdites.
AVEC LE LEADER DE BATASUNA
Les manifestants ont parcouru les rues de San Sebastian, canalisés dès le départ par un important dispositif de l’Ertzaintza, la police basque. Nombre de dirigeants indépendantistes, dont le leader de Batasuna, Arnaldo Otegi, étaient présents. Aucun n’a pris la parole. Une heure plus tard et après des slogans plutôt sobres, la dispersion intervenait sans incident et les badauds prenaient possession des rues pour les fêtes, en attendant le premier des feux d’artifice quotidiens, tiré ce dimanche par les Ukrainiens de Pyro Show.
Avec cette manifestation, la mouvance indépendantiste veut tenter de se poser comme interlocuteur politique obligé dans le processus de paix engagé au Pays basque. Officiellement, pour le gouvernement socialiste au pouvoir à Madrid, les négociations ne portent que sur le désarmement de l’ETA. Mais des figures de Batasuna ont rencontré très officiellement en juillet les dirigeants du PSOE d’Euskadi, dont son leader Patxi Lopez, à la grande fureur de l’opposition de droite, le Parti populaire, et des associations de victimes du terrorisme qui lui sont proches : les uns et les autres accusent le président du gouvernement, José-Luis Rodriguez Zapatero, "de se faire dicter l’agenda par l’ETA".
Pour Batasuna l’enjeu est aussi de surmonter son interdiction avant les élections municipales et locales du printemps 2007 au Pays basque espagnol. A défaut d’obtenir la levée de son illégalité qui passerait par une condamnation sans équivoque de la violence, il lui faudra trouver une autre personnalité juridique pour conserver ses mandats et les sources de financement qui leur sont attachés.