Le JPB > Pays Basque
2005-01-27
Le ministère public pour la remise du porte-parole d’Askatasuna
Le parquet a demandé à la cour de "faire confiance à la justice espagnole, même pour juger des faits qui en France ne seraient pas susceptibles de recevoir une qualification pénale"
Le parquet général de la Cour d’appel de Paris s’est déclaré favorable hier à la remise, à terme, aux autorités espagnoles, du porte-parole de l’association de défense des prisonniers politiques basques Askatasuna, Jean-François Lefort, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen signé par le juge de l’Audience Nationale espagnole Baltasar Garzón.
Délivré le 23 décembre 2004, ce mandat d’arrêt réclame la remise de Jean-François Lefort pour des faits de "participation à une entreprise terroriste" et en raison même de ses fonctions de porte-parole d’Askatasuna, association publique qui a été déclarée illégale en Espagne en février 2002 suite à la procédure 18/98. L’argumentaire, résumé, de ce macro-dossier instruit par le juge Garzón établit que "toute association ou personne appartenant à la gauche abertzale a les mêmes objectifs politiques que l’organisation armée ETA. Par conséquent, ces associations ou personnes font partie d’ETA".
Hier, lors de l’examen de cette demande par la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Paris, le parquet général a estimé que la Cour d’appel avait la possibilité de rejeter la demande espagnole, mais a demandé au tribunal de "faire confiance à la justice espagnole, même pour juger un Français, même pour juger des faits qui en France ne seraient pas susceptibles de recevoir une qualification pénale", l’association Askatasuna n’étant pas interdite en France.
Criminalisations
La défense a rappelé qu’Askatasuna est une association qui fait partie du mouvement pour l’amnistie en Pays Basque, et que "depuis près de 25 ans, ce mouvement organise la solidarité envers les prisonniers et réfugiés politiques basques au Pays Basque impliquant des milliers de personnes dans cette dynamique. C’est un organisme à caractère populaire et public dont le but est de dénoncer les atteintes aux Droits de l’Homme perpétrées par l’Etat espagnol et français : défense des droits et des conditions de détention des prisonniers politiques basques, dénonciations de la torture toujours en vigueur depuis la fin du régime de Franco, dénonciations des violations des libertés démocratiques. Askatasuna assure également la solidarité, en apportant par exemple un soutien financier aux familles qui subissent les coûts de la dispersion et de l’éloignement de leurs proches". L’avocat Jon Enparantza a situé l’arrestation de Jean-François Lefort dans le cadre du macro-dossier 18/98 et d’une stratégie politique de l’Etat espagnol
destinée à "criminaliser ce travail de solidarité" et à arrêter "son engagement personnel dans la dénonciation de la répression en Pays Basque".
La défense a déclaré que le délit de Jean-François Lefort est celui d’"être le porte-parole d’une organisation qui dénonce les atteintes aux droits et libertés fondamentales". L’avocat a évoqué les soutiens apportés au porte-parole d’Askatasuna par un grand nombre d’organisations politiques, syndicales et sociales comme la Ligue des Droits de l’Homme.
"Ce sont des pratiques et des activités strictement politiques et sociales qui sont jugées", a souligné Me Enparantza avant de demander à la Cour de refuser l’exécution du mandat d’arrêt.
La décision a été mise en délibéré au 2 février.