vendredi 19 mai 2006, 18h21
Par Catherine TRIOMPHE
BRUXELLES (AFP) - L’Union européenne s’apprête à placer les Tigres tamouls sur sa liste d’organisations terroristes, même si le négociateur en chef des séparatistes a prévenu que cette mesure entraînerait une escalade de la violence au Sri Lanka.
L’UE a pris jeudi la décision de principe d’inscrire les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) du Sri Lanka sur sa liste d’organisations terroristes, comme le lui avaient demandé les Etats-Unis, a-t-on indiqué vendredi de sources diplomatiques.
L’adoption formelle de cette décision par les 25 "pourrait intervenir très vite", peut-être dès lundi, et en tout cas "avant juin", ont précisé ces sources.
Elle intervient dans un contexte de reprise des violences entre l’armée et les Tigres tamouls depuis avril. Ces violences menacent un cessez-le-feu négocié sous l’égide de la Norvège en 2002, suspendant un conflit qui a fait plus de 60.000 morts depuis 1972.
Le négociateur en chef des LTTE auprès des autorités, Anton Balasingham, a cependant prévenu que cette mise au ban, au lieu de calmer les violences qui ont fait plus de 200 morts depuis avril, ne ferait "qu’exacerber les conditions de guerre et mettre en danger la vie des civils tamouls piégés par les forces d’occupation (de la majorité) cinghalaise".
Se sentant "renforcés" par le soutien de l’UE, "les éléments extrêmes de la communauté cinghalaise vont sans aucun doute prendre des mesures qui auront pour conséquence une escalade de la violence et de déclencher une guerre dont ils espèrent qu’elle mènera à la destruction des LTTE", a mis en garde M. Balasingham, via le site pro-rebelle Tamilnet.com.
"Si cela a lieu, les LTTE ne pourront faire autrement que de résister", a-t-il averti.
La décision européenne devrait avoir pour principal effet de permettre de "surveiller les avoirs et les transferts de fonds" à destination des rebelles tamouls, ont indiqué plusieurs sources diplomatiques.
Les Etats-Unis avaient appelé l’UE à mettre les LTTE sur sa liste d’organisations terroristes, estimant qu’il fallait leur couper les fonds.
"Nous pensons que cela contribuera à interrompre leurs circuits financiers, leur approvisionnement en armes et ainsi de suite", avait expliqué mardi à Colombo le secrétaire d’Etat adjoint pour l’Asie centrale et du sud, Donald Camp.
Le ministre des Affaires étrangères du Sri Lanka Mangala Samaraweera avait de son côté spécifiquement exhorté les Etats-Unis et l’Union européenne à empêcher les LTTE de lever des fonds auprès de la diaspora tamoule, afin de les obliger à revenir à la table des négociations.
"Même si tous ne soutiennent pas les LTTE, beaucoup (d’immigrés tamouls) sont intimidés et doivent verser chaque mois une partie de leur salaire à la cause du terrorisme", a-t-il expliqué jeudi lors d’un déplacement à Tokyo.
Les LTTE revendiquent une large autonomie du nord-est du Sri Lanka, région peuplée en majorité de Tamouls et qu’ils contrôlent déjà en grande partie, dans un pays où la communauté cinghalaise domine.
Les Tigres tamouls figurent déjà sur la liste des organisations terroristes du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
Pour que l’ensemble des 25 acceptent de les inscrire sur leur liste commune, il a fallu surmonter la réticence des Suédois et des Finlandais, qui hésitaient par solidarité avec leurs voisins norvégiens, médiateurs de la trêve de 2002, selon une source diplomatique.
Le médiateur norvégien Erik Solheim a estimé vendredi que la décision de principe de l’UE allait isoler un peu plus la Norvège "parce que nous serons l’un des rares pays à pouvoir traiter d’une manière totalement impartiale à la fois avec les autorités (de Colombo, ndlr) et avec les Tigres tamouls".