vendredi 19 mai 2006, 9h21
SAO PAULO (AFP) - La police a poursuivi jeudi sa contre-offensive contre la délinquance, qui a fait plus d’une centaine de morts parmi les assaillants présumés, tandis que l’Etat de Sao Paulo continuait de connaître des attaques contre des cibles civiles et policières.
Selon un nouveau bilan officiel, 170 personnes ont été tuées dans les violences, dont 107 "suspects" présumés, 41 agents des forces de l’ordre, 18 prisonniers et quatre passants.
De nouvelles attaques ont visé 28 autobus qui ont été incendiés et les domiciles de deux policiers qui ont essuyé des coups de feu dans plusieurs villes. La police a procédé à 124 arrestations depuis le début des violences et a saisi 146 armes, notamment des grenades, des fusils et des mitraillettes.
La tension est montée jeudi après la diffusion d’une interview qui aurait été réalisée par téléphone portable avec le cerveau des attaques contre la police depuis la prison de haute sécurité où il se trouve en cellule d’isolement.
"Nous sommes prêts à faire beaucoup plus", a déclaré Marcos Williams Camacho, dit Marcola, chef de l’organisation criminelle "Premier commando de la capitale" (PCC), à la télévision TV Bandeirantes. Il a revendiqué la responsabilité des attaques lancées à partir de vendredi soir contre la police et des objectifs civils et des mutineries pour protester contre le transfèrement de 765 détenus vers une prison de haute sécurité.
Assurant qu’il cherchait "un moyen de régler la situation", Marcola a estimé que les autorités policières "ne le veulent pas" et ont "déclaré la guerre". Le secrétariat de l’Etat de Sao Paulo a mis au défi TV Bandeirantes de "prouver l’authenticité de l’enregistrement". "Nous avons l’absolue certitude que Marcola n’a accès à aucun téléphone", a assuré un porte-parole de l’administration.
La police, dont une quarantaine de membres ont été tués au début de l’offensive du crime organisé, a engagé une riposte sanglante qui a fait plus de 100 morts, sans qu’il soit possible de déterminer si les suspects tués étaient tous des assaillants. Les autorités n’avaient toujours pas publié jeudi les noms des personnes tués.
Par ailleurs, il est apparu que le PCC disposait d’informations secrètes sur le transfèrement de prisonniers dangereux provenant de la déposition de hauts responsables de la police devant une commission parlementaire, avant le déclenchement de son offensive. Les avocats du chef du PCC ont acheté pour 200 reals (70 euros) à un technicien du Parlement l’enregistrement de la déposition effectuée le 10 mai par des responsables de la police, qui a ensuite été diffusé en audio-conférence dans les prisons de Sao Paulo.
Les organisations de défense des droits de l’Homme se sont émues des témoignages d’exécutions d’innocents par la police rapportés par la presse. "Nous sommes préoccupés par les assassinats par des gens en cagoule. Tous les homicides non élucidés, dont la police n’assume pas la responsabilité, peuvent être le fait de commandos parallèles ou de policiers vengeant leurs collègues", a déclaré à l’AFP le contrôleur de la police de Sao Paulo, Antonio Funari Filho.
Selon Ariel de Castro Alves, coordinateur du Mouvement national des droits de l’Homme, "des groupes d’extermination encagoulés opèrent en ville". Le gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, Claudio Lembo, membre du Parti du front libéral (PFL, droite), en première ligne dans cette crise, nie toute exécution sommaire. Il affirme qu’il a résisté aux partisans de l’application de la loi du talion. "Nous agirons dans le respect de l’état de droit", assure-t-il dans un entretien avec le journal Folha de Sao Paulo.
Les quelque 20 millions d’habitants de Sao Paulo, première métropole d’Amérique du Sud, vaquaient normalement jeudi à leurs activités, mais restaient sur le qui-vive, à l’affût de la moindre rumeur de reprise des attaques.