dimanche 14 mai 2006, 8h45
Par Par Uncas FERNANDEZ
SAO PAULO (AFP) - Trente personnes, dont 23 policiers, ont été tuées et 29 blessées dans la nuit de vendredi à samedi dans une cinquantaine d’attaques armées menées par le crime organisé contre la police de Sao Paulo.
Les autorités policières de l’Etat de Sao Paulo ont attribué à la principale organisation criminelle de la région, le "Premier commando de la capitale" (PCC), cette véritable action de guerre lancée apparemment en représailles au transfèrement de centaines de prisonniers vers un établissement pénitentiaire de haute sécurité.
Cinq des assaillants ont été tués et 16 d’entre eux, dont 15 blessés, ont été arrêtés. Deux personnes ont été victimes de balles perdues.
La police a recensé entre vendredi soir 20h00 (23h00 GMT) et l’aube samedi 55 attaques contre des commissariats, des bases de la police militarisée (PM), une caserne de pompiers, plusieurs véhicules de la police et des agents patrouillant en ville. Quarante attaques ont été menées à Sao Paulo même, les autres dans des villes de l’Etat comme Mogi Mirim, Sao José de Rio Preto, Ribeirao Preto, Osasco, Cubatao et Guaraja.
Parallèlement, l’administration pénitentiaire a enregistré samedi des mutineries dans 22 prisons de l’Etat, avec la prise en otage de quelque 150 personnes. En début de soirée, la police avait réussi à libérer 25 otages dans les prisons d’Avaré et Iaras, et a annoncé avoir repris le contrôle de six établissements.
Le secrétaire à la sécurité de l’Etat de Sao Paulo, Saulo de Abreu, a déclaré à la presse que les autorités s’attendaient à une telle "réaction criminelle" après la décision de l’administration pénitentiaire de transférer 765 prisonniers vers une prison de haute sécurité.
"La corrélation du transfèrement avec les attaques a été immédiate", a souligné M. Abreu.
L’opération de transfèrement avait été décidée par les autorités pour prévenir un vaste plan d’évasion lors d’une "méga-rébellion" prévue pour ce dimanche dans les prisons par le PCC à l’occasion de la Fête des Mères brésilienne, jour où augmente traditionnellement le nombre de mises en liberté provisoire et les visites de proches.
Dans une conférence de presse, le gouverneur de Sao Paulo Claudio Lembo a reconnu que la police savait le risque qu’elle prenait en procédant à l’opération. "Mais il était nécessaire de l’effectuer. La population de Sao Paulo peut être absolument tranquille et faire confiance à l’expérience de la police civile et de la police militarisée", toutes deux sous l’autorité de l’Etat de Sao Paulo. "Sao Paulo ne pliera pas devant le crime", a-t-il dit.
"Nous avions l’information qu’il pouvait y avoir des actions de ce type et nous étions en état d’alerte depuis jeudi", a révélé le commandant de la police militarisée, Elizeu Teixeira Borges.
Le juge Walter Maierovitch, président de l’institut brésilien de sciences criminelles Giovanni Falcone, a parlé de "méthodes terroristes".
"Il est préoccupant que le crime organisé déclare la guerre à l’Etat", car "immédiatement on passe d’attaques contre les policiers aux attaques contre la population", a-t-il dit.
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a déclaré depuis Vienne où il participait au sommet de l’UE-Amérique latine/Caraïbes que la violence au Brésil était attribuable à un manque d’investissement dans les programmes sociaux. Il a indiqué avoir demandé à son ministre de la Justice, Marcio Thomaz Bastos, "de mettre fin aux rébellions à Sao Paulo et d’éviter plus de morts".
Le PCC serait à l’origine de la plupart des mutineries récentes dans l’Etat de Sao Paulo, au nombre de 42 depuis le début de l’année selon l’administration pénitentiaire, 50 selon un syndicats de gardiens de prison, le Sifupesp.
"Cette année, plus de 460 fonctionnaires des prisons ont été pris en otage par des prisonniers mutinés" dans différentes prisons, a indiqué ce syndicat.