vendredi 12 mai 2006, 15h36
AJACCIO (AFP) - La Corse a renoué avec ses "traditionnelles" nuits bleues avec 16 attentats ou tentatives recensées dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que les deux derniers mouvements indépendantistes clandestins rivalisent de communiqués vindicatifs contre l’"Etat colonial français".
La dernière série d’attentats coordonnés remontait à octobre 2002, avec une quinzaine d’actions.
Mais avec au moins 16 explosions ou tentatives avortées, certaines visant des symboles de l’Etat - perception, rectorat, agence EDF - ainsi que des résidences secondaires, la "mini-nuit bleue", comme la qualifiaient la plupart des enquêteurs vendredi, n’a rien à voir avec celles perpétrées "à la belle époque du ou des FLNC", dans les années 1980 et 1990, commente un officier de police en poste de longue date dans l’île.
Sur les 16 cibles recensées, cinq attentats ont échoué, dont un visant le rectorat de Corse à Ajaccio, manifestement en raison de la maladresse des poseurs de bombes, s’amuse un enquêteur. Quant aux autres, elles n’ont provoqué que des dégâts très légers, qu’il s’agisse d’une perception du Trésor Public en plein centre d’Ajaccio, d’une agence d’EDF à Porto-Vecchio (Corse-du-Sud) ou de la Poste à Corte (Haute-Corse).
"Les conséquences matérielles sont généralement légères voire minimes", a confirmé le préfet de Corse, Michel Delpuech.
"Ils ont manifestement voulu montrer qu’ils pouvaient encore frapper simultanément à des endroits très dispersés en Corse (de l’extrême-nord à Luri, à l’extrême-sud), mais dans certains cas, cela sent l’amateurisme et n’a rien à voir avec les nuits bleues historiques, quand les charges provoquaient de sérieux dégâts et explosaient toutes ou presque", analyse un haut responsable de la police qui se souvient d’avoir vécu celle du 19 au 20 août 1982, avec "118 attentats, le record !"
Car même si le FLNC-Union des Combattants (FLNC-UC) et le FLNC dit "du 22 octobre", les deux derniers groupes clandestins en activité, multiplient ces derniers temps les attentats, ils visent très majoritairement des résidences secondaires de familles vivant sur le continent ou à l’étranger et plus rarement que ces dernières années des bâtiments symboles de la présence de l’Etat, notent généralement les enquêteurs qui parlent d’"affaiblissement" des mouvements armés et de "difficultés à recruter".
Pourtant, les deux FLNC ont rivalisé ces derniers temps de communiqués très vindicatifs, promettant d’intensifier la "lutte armée" contre l’"Etat colonial français", sa "politique répressive" et la "colonisation de peuplement" de la Corse.
Le député-maire PRG de Bastia, Emile Zuccarelli, a quant à lui fustigé "quelques marginaux, renvoyés à leurs dérives" pour "tenter de se prouver à eux-mêmes qu’ils existent encore" mais qui "prennent la Corse et les Corses en otage".
"De tels actes, à quelques semaines de la saison touristique, sont un coup porté à la Corse. Ceux qui l’ont perpétré n’aiment pas la Corse, ils jouent contre la Corse", a renchéri le préfet Delpuech, reprenant les propos tenus le 28 avril par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, en visite dans l’île. "Les auteurs seront recherchés, appréhendés et présentés devant la justice comme il se doit", a promis le représentant de l’Etat.
Quant à Camille de Rocca Serra, député UMP et président de l’Assemblée de Corse, il a accusé les auteurs des attentats de "prendre le risque insensé de mettre en péril des vies humaines", "tourmentant davantage l’avenir de l’île".
"Tout en prétendant défendre les intérêts de la Corse, les clandestins détruisent, menacent et terrifient la population", a martelé Ange Santini, président de l’exécutif de Corse.