jeudi 27 avril 2006, 11h03
COLOMBO (AFP) - Des milliers de villageois sri-lankais ont été jetés sur les routes après les représailles gouvernementales exercées dans le nord-est de l’île en réponse à l’assassinat manqué du chef de l’armée, ont annoncé jeudi les rebelles et un responsable des Nations unies.
"Plus de 40.000 personnes ont été déplacées et se morfondent comme réfugiés", ont affirmé dans un communiqué les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE, séparatistes tamouls)).
Le porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Lyndon Jeffels, n’était pas en mesure de confirmer ce chiffre, mais a évoqué un "très important déplacement (de population)". "Il semble qu’il y ait un déplacement (de population) très important à la suite des frappes aériennes", a-t-il déclaré à la BBC.
"Les autorités locales de Trincomalee ont annoncé le chiffre de 40.000 personnes qui fuyaient à Muttur, situé dans l’est du district. Mais nous n’avons pas pu vérifier ce chiffre, tout simplement parce que nous n’avons pas accès à la zone", a ajouté M. Jeffels.
L’armée sri-lankaise a exercé mardi et mercredi des représailles aériennes et navales contre des positions tamoules dans le district de Trincomalee (260 km au nord-est de Colombo) au cours desquelles au moins 18 civils ont été tués, selon des sources rebelles et gouvernementales.
De son côté, Fabrice Carbonne, le responsable d’Action contre la faim (ACF) à Trincomalee, avait évoqué mercredi une "situation interethnique très très tendue entre les populations cinghalaises et les populations tamoules et musulmanes" qui a conduit au départ de la moitié des ONG depuis le début du mois d’avril.
Les frappes avaient toutefois cessé jeudi matin à Trincomalee où aucun avion de chasse ne sillonnait le ciel, selon la police et des habitants. Les frappes ont été ordonnées après l’attentat commis mardi contre le convoi du chef de l’armée, Sarath Fonseka, au QG de l’armée à Colombo. Dix gardes du corps du général, lui-même grièvement atteint, ont été tués et une trentaine d’autres personnes blessées. L’attentat, non revendiqué, mais imputé aux rebelles par les autorités, a été commis par une femme prétendument enceinte qui a déclenché sa ceinture d’explosifs au passage du convoi du général dans une zone sous haute sécurité.
Ce nouveau coup dur à la trêve intervient au moment où la Norvège multiplie les efforts diplomatiques pour ramener les parties autour de la table des négociations. Les rebelles ont annoncé la semaine dernière qu’ils suspendaient leur participation aux pourparlers avec le gouvernement prévus à Genève fin avril pour tenter de consolider le cessez-le-feu conclu en février 2002. Malgré le regain des attaques, de nombreux observateurs estiment que la guerre n’a pas forcément repris ses droits dans l’île et que les belligérants n’ont pas définitivement écarté la négociation.
Ainsi, le principal médiateur au Sri Lanka, le Norvégien Erik Solheim, a-t-il souligné mercredi que les bombardements ne devaient pas être interprétés comme un signe de la reprise de la guerre civile. "Cela est très loin de ce que le Sri Lanka a vécu pendant la guerre. A ce moment-là, au plus fort (des combats), 1.000 personnes étaient tuées en une semaine. Donc, il ne s’agit vraiment pas de guerre", a jugé le médiateur.
Ces dix derniers jours, plus de 80 personnes ont été tuées dans des explosions de mines attribuées aux rebelles tamouls qui affirment pour leur part que 70 civils ont été tués par des milices progouvernementales ou les forces de sécurité, ce que dément l’armée. Les LTTE demandent une large autonomie du nord-est sri-lankais, peuplé en majorité de Tamouls et qu’ils contrôlent déjà en grande partie, dans un pays où la communauté cinghalaise domine. Depuis le début du conflit ethnique, plus de 60.000 personnes ont été tuées.