samedi 8 avril 2006, 15h24
KATMANDOU (Reuters) - L’armée népalaise a ouvert le feu samedi sur des militants qui protestaient contre le roi Gyanendra, tuant un homme selon le Parti communiste, alors que des mesures de sécurité très strictes empêchaient la tenue de grandes manifestations en d’autres points du pays.
Le manifestant a été abattu à Pokhara, à 200 km environ à l’ouest de Katmandou, au cours d’un rassemblement pour la démocratie, a déclaré à Reuters Yogesh Bhattarai, l’un des dirigeants du Parti communiste du Népal (UML). "Il a été atteint à la tête et a été tué sur le coup", a-t-il dit.
D’importantes manifestations ont eu lieu toute la journée dans la ville de Pokhara, où des batailles rangées ont opposé des activistes à des soldats qui ont fait usage de grenades lacrymogènes pour les refouler, ont indiqué des témoins.
Ces violences coïncidaient avec le 16e anniversaire de l’instauration du pluralisme dans le royaume himalayen, où les sept principaux partis politiques ont lancé jeudi une grève générale de quatre jours.
Les partis avaient prévu samedi une démonstration de force dans la capitale pour demander au souverain de renoncer au pouvoir. Mais ils ont été tenus en échec par des dispositifs de sécurité draconiens, avec déploiement de blindés transport de troupes et de mitrailleuses.
Soldats et policiers quadrillaient les rues désertes de Katmandou, dont les habitants avaient pour instruction de rester chez eux pendant le couvre-feu de onze heures décrété à partir de 10h00 (04h15 GMT).
"Nous avons révisé nos projets et organisons des manifestations plus petites, loin du lieu de rassemblement principal, en raison du couvre-feu", a dit Bhattarai.
MANIFESTATION PREVUE DIMANCHE
"Nous invoquerons l’incident mortel de Pokhara et tiendrons une grande manifestation dimanche à Katmandou", a-t-il ajouté.
A la périphérie de la capitale, des dizaines de jeunes activistes affrontaient la police anti-émeute en violation du couvre-feu.
"Gyanendra, quitte le pays", "Mort à Gyanendra", "Vive la République démocratique", criaient les jeunes manifestants avant de lancer des pierres sur les policiers. Ceux-ci ont chargé en faisant usage de matraques et de grenades lacrymogènes.
Les partis ont formé une alliance plus ou moins viable avec les rebelles maoïstes pour évincer le monarque, et les insurgés ont annoncé un cessez-le-feu sans limitation de durée dans la région de Katmandou pour faciliter les manifestations.
Le roi dit avoir été contraint de s’arroger tous les pouvoirs parce que les partis ne parvenaient pas à écraser un soulèvement maoïste qui a fait plus de 13.000 morts depuis 1996.
Le 8 avril 1990 avait marqué un tournant dans l’histoire du royaume. Le pluralisme politique avait été instauré ce jour-là après plusieurs journées de violentes manifestations contre le roi d’alors, Birendra, frère aîné de Gyanendra. Des dizaines d’opposants avaient péri dans ces manifestations.
Selon des habitants, les services de téléphonie portable et d’internet ont été perturbés avant le grand rassemblement qu’avaient envisagé les sept grandes formations politiques. Aucune coupure n’a toutefois été officiellement annoncée.
La tension avait monté ces derniers jours dans le pays, où des opposants avaient affronté les forces de l’ordre chargées de faire respecter l’interdiction de manifester.
Les grands partis politiques espèrent que la grève nationale obligera le roi à abdiquer, 14 mois après sa prise de contrôle de l’ensemble des pouvoirs et le limogeage du gouvernement.