Des attentats font 12 morts et quinze blessés dans la province du Baloutchistan
04 Avril 2006
Six attentats à la bombe ont fait douze morts, dont cinq civils, et treize blessés dans plusieurs localités de la province du Baloutchistan, théâtre d’une rébellion autonomiste active depuis près de deux ans.
Deux explosions quasi-simultanées se sont produites dimanche dans une ferme gérée par des paramilitaires dans la municipalité de Kohlu, à environ 300 km à l’est de Quetta. Trois civils, un homme, une femme et une fillette, ont été tués et sept blessés.
Kohlu est le bastion de la tribu Marri, l’une des trois tribus, avec les Bugti et les Mengal, engagées dans la lutte contre le régime du président Moucharraf. Le cycle de violence actuel a commencé le 17 décembre dernier avec l’inauguration par le président pakistanais d’une nouvelle base militaire à Kohlu. Pervez Moucharraf avait été accueilli par des tirs de roquettes.
Les rebelles et des organisations pakistanaises de défense des droits de l’Homme accusent les forces de sécurité d’avoir lancé des opérations de représailles visant la population civile. Selon la commission pakistanaise des droits de l’Homme, 12 villageois ont été exécutés le 11 janvier par des paramilitaires du Frontier Coprs dans le village de Pattar Nala. Quelques heures plus tôt, l’explosion d’une mine à proximité du village avait coûté la vie à plusieurs paramilitaires. Deux « anciens » du village désignés pour aller chercher les corps à la base ont également été abattus. Finalement, les 14 dépouilles ont été remises aux femmes de Pattar Nala. Selon la rébellion, 42 personnes ont été tuées dans des actions de représailles de ce type depuis le début de l’année.
Dans le district de Bolan, cinq policiers et un civil membre d’une société chargée de la sécurité d’un site pétrolier et gazier ont été tués dans un attentat à la bombe, a indiqué Mohammed Anjoum, responsable de la police tribale.
Par ailleurs, une mine a explosé au passage d’un tracteur dans la région de Nasserabad, tuant le conducteur et blessant deux personnes, selon la police. Lundi, un démineur appartenant aux forces paramilitaires a été tué alors qu’il tentait de désamorcer un engin piégé dans le village de Taraman, dans le district de Kohlu. Enfin, un camion-citerne d’eau des forces paramilitaires a sauté sur une mine à proximité des champs de gaz de Loti. Deux paramilitaires ont été blessés.
La rébellion baloutche, qui se compose de plusieurs mouvements tribaux et d’une organisation, l’Armée de libération du Baloutchistan (ALB) dont les liens avec les structures tribales semblent plus lâches, milite pour un meilleur partage des ressources naturelles extraites du riche sous-sol de la province. Elle demande également l’arrêt de la construction de nouvelles infrastructures militaires dans la province. Le gouvernement fédéral a fait l’acquisition d’importants terrains destinés à la construction ou à l’extension de casernes à Gwadar, Dera Bugti, Kohlu, Quetta et Khuzdar. La rébellion craint également une colonisation qui ne dit pas son nom et combat l’implantation au Baloutchistan de Pakistanais originaires des autres provinces, particulièrement de celle du Pendjab.
Le gouvernement pakistanais a répondu aux aspirations des autonomistes baloutches en envoyant l’armée et en refusant de dialoguer avec les rebelles qui leur ont pourtant fait parvenir leurs doléances. La province du Baloutchistan est la plus grande et la plus pauvre des quatre provinces pakistanaises.
Cette crise à une dimension internationale pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les Baloutches vivent au Pakistan, en Iran et en Afghanistan, mais l’irrédentisme n’y est pas vécu de la même manière. Il est peu présent en Afghanistan tandis que dans la province iranienne du Sistan-Baloutchistan à majorité sunnite, une organisation violente, Joundallah (les Soldats de Dieu), lutte pour une meilleure reconnaissance des droits des sunnites. Des organisations criminelles font la loi dans cette province par où transite la drogue afghane. Les autorités iraniennes craignent une alliance entre Joundallah, les tribus baloutches iraniennes et les organisations criminelles. C’est pourquoi elles accusent Joundallah de recevoir un soutien de la part des services secrets britanniques et américains.
Par ailleurs, Islamabad accuse l’Inde d’utiliser ses consulats implantés en Afghanistan pour aider la rébellion baloutche. Islamabad pointe également du doigt la faiblesse du régime du président afghan Hamid Karzaï pour expliquer la détérioration de la situation sécuritaire. « Malheureusement, le gouvernement central est faible dans les provinces », déplore le gouverneur de la province du Baloutchistan . Ainsi, « les barons de la drogue et les chefs de guerre acheminent des armes au Baloutchistan », affirme-t-il.