Bruxelles, le 2 avril 2006
12 morts et près de 2000 blessés parmi les manifestants kurdes
Pendant que les autorités belges se défoulent sur quiconque ose se
solidariser avec les militants et sympathisants du DHKC sur leur territoire,
notamment en interdisant une manifestation comme elles l’ont fait hier,
l’Etat turc continue ses crimes contre l’humanité en toute impunité et
principalement contre le peuple kurde.
Dans les provinces kurdes, la révolte gronde depuis le 24 mars 2006, date à
laquelle 14 combattants du HPG (forces de défense du peuple, branche armée
du PKK) ont été tués par l’armée turque dans le district de Solhan en
province de Bingöl.
Certaines sources parlent de l’usage de gaz chimiques contre les
guérilleros.
Les funérailles organisées à Diyarbakir, Siirt, Batman et Adana, ont donné
lieu à une véritable explosion de colère, soutenue par une majorité de
commerçants qui fermèrent leurs échoppes par solidarité envers les
combattants assassinés et leurs familles.
L’armée a, quant à elle, déclaré le couvre-feu dans la plupart des provinces
kurdes tandis que la police lançait ses panzers sur la foule et tirait à
balles réelles, tuant à ce jour pas moins de 12 manifestants.
Parmi les « terroristes » tués, on compte plusieurs adolescents et notamment
trois enfants en bas âge. Il s’agit respectivement Fatih Tekin, un enfant de
trois ans, tué par la police à Batman le 31 mars dernier, Enes Ata, 6 ans et
Abdullah Duran, 9 ans, tués la veille à Diyarbakir. Les tirs de la police
n’ont épargné personne, pas même les vieillards : aujourd’hui même, Halit
Sögüt, 78 ans, a lui aussi perdu la vie suite aux tirs de la police de
Diyarbakir.
Dans les heures qui suivirent le meurtre du petit Enes, Recep Tayyip Erdogan
a justifié les massacres commis par la police et l’armée par ces termes : «
Nos forces de sécurité feront ce qu’elles ont à faire, quelles que soient
les personnes servant d’instrument au terrorisme, fussent-elles des enfants
ou des femmes. » Loin d’en démordre, lors d’une réunion des cadres de son
parti à Ankara, Tayyip Erdogan, a déclaré, plus inflexible que jamais que «
ceux qui jettent leurs enfants dans la rue ou donnent aux organisations
terroristes l’occasion de les instrumentaliser pleureront demain en vain ».
Le ministre Abdülkadir Aksu a, quant à lui, félicité sa police pour ses «
loyaux services ».
D’après les bilans non officiels, il y aurait plus de deux mille
manifestants blessés depuis le début de la révolte.
Pour ceux qui, comme les autorités belges et européennes, croient encore au
miroir aux alouettes de la démocratisation de l’Etat turc, voici une liste
incomplète des activités terroristes qu’il a menées dans le courant du mois
de mars :
Le 1er mars, plusieurs perquisitions sont effectuées aux domiciles
d’étudiants pro-kurdes à Ankara.
Le 2 mars, les parents du président de l’institut kurde de Bruxelles, Ferho
Akgül, 85 ans, et Fatim Akgül, 80 ans, ont été sauvagement assassinés dans
leur village Mizizah, près de Mardin, par des inconnus soupçonnés de faire
partie des forces spéciales de l’armée.
Le même jour, des perquisitions ont été effectuées dans plusieurs maisons
dans les villes kurdes de Cizre et de Silvan. 7 personnes soupçonnées de
liens avec le PKK sont arrêtées.
A Nusaybin, Bilal Cengiz, un berger de 39 ans, est abattu par la gendarmerie
pour avoir fait paître ses moutons dans une zone militarisée à la frontière
turco-syrienne.
Toujours le 2 mars, 6 membres de l’association d’entraide avec les familles
de détenus (TAYAD) sont tabassés et arrêtés devant les portes de l’hôpital
de Gebze où la détenue du DHKP-C Fatma Koyupinar en grève de la faim depuis
près de 300 jours venait d’être alimentée de force.
Le 3 mars, 28 personnes sont arrêtées à leur domicile de Mardin par les
unités spéciales d’intervention. Plusieurs perquisitions dans les milieux
étudiants pro-kurdes sont menées à Ankara.
Le 5 mars, 19 membres de membres de TAYAD sont malmenés et arrêtés devant
l’hôpital de Gebze où la détenue Fatma Koyupinar, agonisante, est alimentée
de force.
Le 7 mars, quatre vendeurs de l’hebdomadaire de gauche ’Yürüyüs’ sont
brutalisés par la police à Adana et placés en garde à vue.
A Urfa, 4 personnes sont arrêtées. A Lice, on note une opération de
ratissage appuyée par l’aviation.
A Malatya, un correspondant de l’Agence kurde « Dicle Haber Ajansi » du nom
de Izzettin Ikbal est arrêté à son domicile ainsi qu’un étudiant du nom de
Hasan Bozkurt.
Le 9 mars, plusieurs perquisitions brutales sont effectuées dans le quartier
d’Armutlu à Istanbul. Trois personnes soupçonnées d’activités subversives
liées à la gauche radicale, sont arrêtées.
Le 10 mars, des policiers maltraitent des membres de la commission des
jeunes de l’association pour les droits et les libertés fondamentaux à
Samsun (Nord de la Turquie).
Le 11 mars, on note à Cizre et à Batman, respectivement 3 et 4 arrestations
dans les milieux nationalistes kurdes.
Le même jour, des hélicoptères Cobra et Sikorski de l’armée turque tirent à
l’aveuglette lors d’opérations sur le Mont Gabbar dans la région de Sirnak.
Le 13 mars, un lycéen expulsé de son école à Diyarbakir et 15 de ses
camarades qui protestent contre cette mesure sont tabassés par la police. Le
lycéen reçoit une balle dans la jambe tandis que 9 de ses camarades sont
emmenés au poste de police.
On fait également état de 5 arrestations à Bingöl.
Le 14 mars, les locaux de l’association pour les droits et les libertés de
Dersim et les habitations des membres de l’association sont la cible des
rafles policières. Ces perquisitions et les brutalités collatérales vont se
poursuivre pendant une dizaine de jours.
Le même jour, deux étudiants en médecine de « l’université du 19 mai » à
Samsun sont agressés par des fascistes du mouvement des Loups Gris.Le 15
mars, des affrontements éclatent à Kiziltepe, un district de Mardin, entre
jeunes manifestants célébrant la fête du nouvel kurde Newroz et les forces
de sécurité. Ces dernières dispersent le rassemblement à l’aide de panzers.
Le 15 mars, Zeynep Erdugrul, une jeune femme de 26 ans, membre de TAYAD,
l’association de famille des prisonniers politiques, est arrêtée à Trabzon
et immédiatement incarcérée. Elle avait été victime le 6 avril 2005, elle et
4 de ses camarades, d’un lynchage massif orchestré par les milices fascistes
appelées les « Loups Gris » et la police alors qu’ils ne faisaient que
distribuer des tracts dénonçant les exactions dans les prisons cellulaires
de type F. Elle fut donc victime d’une agression barbare mais le tribunal de
Trabzon a donné raison à ses agresseurs en la condamnant à 4 mois de prison
pour une imaginaire « rébellion contre forces de l’ordre ».
Le gouverneur de Tunceli annonce avoir procédé à 36 arrestations dans les
milieux proches de l’association pour les droits et les libertés
fondamentales. Il justifie ses rafles en prétendant que cette association
servait de base de recrutement de maquisards du DHKP-C.
Le soir du 15 mars, les panzers continuent de ratisser la ville de Kiziltepe
et à disperser les célébrations du Newroz.
Le 16 mars, deux colleurs affiches du Parti pour une société démocratiques
(DTP) sont arrêtés sous prétexte que le contenu des affiches invitant à
participer à la fête du Newroz serait illégal.
Le même jour, la police mène des perquisitions dans les locaux de «
l’association pour la démocratie » à Küçükçekmece, un quartier d’Istanbul.
Les locaux de cette association fondée par le Mouvement du Citoyen Libre
sont saccagés et leur bibliothèque est quasi complètement dépouillée.
Le 17 mars, des étudiants de gauche de l’université d’Anatolie à Eskisehir
qui distribuaient des tracts appelant à participer à la célébration du
Newroz sont agressés par des Loups Gris.
Le 18 mars, on rapporte que de nouveaux affrontements entre jeunes
manifestants et policiers à Kiziltepe, dans la province de Mardin.
Le même jour, le président du Parti pour une société démocratique (DTP) de
la ville kurde de Hazro, Monsieur Gürgün Ceylan et deux de ses collègues,
sont arrêtés par des militaires et emmenés au Commandement de division de la
gendarmerie pour leurs prétendus liens avec le PKK.
Dans la soirée, la police intervient brutalement dans le quartier de
Huzurevleri à Diyarbakir pour disperser un rassemblement organisé pour
célébrer le Newroz. Deux enfants de 8 et 10 ans sont roués de coups et
matraqués en public.
Le 19 mars, à Mersin (sud de la Turquie), sept membres de TAYAD qui
collaient des affiches pour protester contre les conditions de détention
dans les prisons de type F, sont tabassés par la police avant d’être placés
en garde à vue. Le reporter de l’hebdomadaire ’Yürüyüs’, Mehmet Tas, est lui
aussi agressé et son appareil photographique détruit par la police.
Le même jour, à Urfa, 26 manifestants pro-kurdes sont arrêtés pour avoir
célébré le Newroz.
Le 21 mars, plusieurs célébrations de Newroz sont réprimées par la police. A
Mersin, des membres des organisations de gauche « Front pour les droits et
les libertés » (HÖC), la « plate-forme socialistes des opprimés » (ESP) et «
Partizan » sont roués de coups par des policiers en pleine rue. A Sarigazi,
faubourg d’Istanbul, la fête de Newroz organisée par HÖC est brutalement
dispersée par la gendarmerie. A Bagcilar, un autre quartier d’Istanbul, les
manifestants qui célébraient le Newroz ont été la cible des tirs de la
police. Un adolescent dénommé Esref Kulaç et âgé de 19 ans, a été blessé par
ces tirs.
A Erzincan, plusieurs membres d’organisations de gauche rassemblés autour
d’un feu de joie à l’occasion de la fête du Newroz sont brutalisés et
interpellés par la police.
A Bursa, plusieurs membres de TAYAD qui collaient des affiches dénonçant le
régime d’isolement dans les prisons de type F sont attaqués par les
fascistes du parti d’action nationaliste (MHP), surnommés « les Loups Gris »
puis arrêtés par la police.
Le 22 mars, à Balikesir (nord-ouest de la Turquie) le domicile et
l’automobile de Sait Damar, un ancien représentant du parti pro-kurde DEHAP,
ont été criblés de balles tirées par des inconnus.
Le 23 mars, les forces de police aidées de panzers et de bulldozers
détruisent plusieurs habitations du quartier de Derbent à Istanbul dont
l’association d’embellissement du quartier soupçonnée par la police d’être
un repère subversif. Près de 2000 habitants ont résisté à ces destructions
en dressant des barricades. Plusieurs dizaines d’habitants ont dû être
hospitalisés en raison de l’usage excessif de bombes lacrymogènes et des
brutalités de la police.
Le même jour, à Hakkari, ville située aux confins de l’Iran et de l’Irak,
une manifestation organisée pour protester contre l’arrestation de
Sebahattin Suvagci du parti pro-kurde DEHAP (aujourd’hui dissout), a été
attaquée par la police spéciale. Plusieurs dizaines de blessés sont à
dénombrer parmi les manifestants.
Le 24 mars, des étudiants progressistes qui collaient des affiches dans le
campus de la faculté des lettres de l’université d’Istanbul ont été attaqués
par des policiers munis de chiens, de matraques et de gaz lacrymogènes et
ce, dans l’enceinte même de l’université.
Le 25 mars, un étudiant de gauche a été radié et expulsé de son université,
puis arrêté et incarcéré pour avoir chahuté le général Hursit Tolon,
commandant du premier bataillon de l’armée, lors d’une conférence qu’il
avait donné deux semaines plus tôt à l’université d’Egée à Izmir.
Le 26 mars, trois membres de la Confédération syndicale des travailleurs du
public KESK dont deux enseignants et un médecin en service à Urfa (frontière
turco-syrienne) sont envoyés en exil vers les villes septentrionales de
Düzce, Bilecik et Sinop, en guise de châtiment pour avoir participé à une
conférence de presse jugée subversive.
Le 27 mars, 15 membres du Parti pour une société démocratique (DTP,
pro-kurde) ont été arrêtés dans la ville de Bursa, lors de descentes de
police effectuées en pleine nuit. Ces 15 personnes ont été emmenées au
département de lutte anti-terroriste, pour avoir participé aux célébrations
du nouvel an kurde Newroz.
Le même jour, le corps non identifié d’un jeune homme âgé de 25 à 28 ans est
découvert aux abords du village de Diktepe, dans le district de Bismil à
Diyarbakir. Il semble avoir été assassiné de plusieurs balles dans la tête.
Le 28 mars, 16 personnes sont arrêtées durant les célébrations du Newroz à
Bursa (ouest de la Turquie).
Le même jour, un jeune homme de 16 ans du nom de Muhlis Ete est abattu par
des soldats alors qu’il agitait le drapeau du Kurdistan lors des funérailles
des combattants du HPG à Siirt.
Le 29 mars, à Adapazari, deux étudiants de l’université de Sakarya membres
de la Fédération de la jeunesse ont été lynchés par une meute de centaines
de manifestants galvanisés par la police et les Loups Gris, alors qu’ils ne
faisaient que coller des affiches rendant hommage au fondateur du THKP-C
(Parti et Front révolutionnaire de libération de la Turquie) Mahir Cayan et
de 9 de ses camarades, assassinés le 30 mars 1972 par l’armée. Les deux
étudiants, gravement blessés, ont été mis en garde à vue.
Dans la foulée, la meute de lyncheurs a attaqué, saccagé et incendié les
locaux du Parti pour une société démocratique (DTP, pro-kurde) de Leyla
Zana. Plusieurs membres de la Fédération de la jeunesse et du DTP ont été
blessés.
Le 30 mars, on enregistre plusieurs de plaintes pour tortures dans les
commissariats. L’une des victimes, Ramazan Bilir est hospitalisé à l’hôpital
d’Etat à Van et soignée à la tête avec huit points de sutures.
Le 31 mars 2006, une délégation de 20 étudiants de la Fédération de la
jeunesse est arrêtée à sa sortie de la gare de Sakarya.
Toujours le 31 mars 2006, sept combattants du HPG sont tués par l’armée
gouvernementale dans les régions montagneuses de Silopi. (Sources : Dicle
Haber Ajansi, Halkin Sesi TV, Info Türk, Anadolu Ajansi, Hürriyet, AFP)
Et la liste de ces crimes d’Etat ne fait que s’allonger de minute en minute.
Nous venons en effet d’apprendre que les centaines de personnes arrêtées à
Diyarbakir subissent systématiquement de graves tortures, y compris les
femmes, les enfants et les vieillards...
Bref, toute personne un tant soit peu objective peut, à travers cette liste,
constater que l’Etat turc n’éprouve pas la moindre pitié contre ceux qu’ils
considèrent comme ses ennemis, à savoir, la nation kurde, les organisations
de gauche et le peuple turc lorsque ce dernier réclame ses droits
économiques, sociaux et démocratiques les plus élémentaires.
Toute personne un tant soit peu sensible ne peut qu’être indignée par les
ardeurs vindicatives du premier ministre turc Tayyip Erdogan.
Mais manifestement, ce n’est pas le cas des autorités belges, qui, dès le
début du procès de Bruges, n’ont fait qu’agir selon les vœux et les
directives de l’Etat turc.
Mesdames et messieurs les ministres, les parlementaires, les bourgmestres et
les magistrats, allez-vous continuer sur cette lancée et donner, au nom des
citoyens belges, un satisfecit au régime terroriste d’Ankara en punissant
ses dissidents ?
DHKC
Bureau d’information de Bruxelles