25/03/2006
Le conflit oublié des Papous d’Indonésie refait surface. La Papousie-Occidentale, annexée par Jakarta en 1964, a connu la semaine dernière de vives tensions. Les Papous protestent contre le « pillage » de leur territoire. C’est l’arbre qui cache la forêt...
L’exploitation minière de la Papousie occidentale, qualifiée de « pillage » par les indépendantistes autochtones, est au cœur du conflit qui oppose les Papous d’Indonésie au gouvernement central. La semaine dernière, des manifestants ont réclamé la fermeture de Timika, la plus grande mine d’or et de cuivre au monde, exploitée par une société américaine. La répression de s’est pas fait attendre. Ils sont des centaines à se cacher dans la forêt pour échapper aux forces de sécurité indonésiennes.Cette manifestation est un prétexte pour rappeler que leurs droits sont bafoués.
L’Indonésie reste un Etat colonial qui maintient les Papous à l’écart du développement. Pour ces manifestants, Jakarta « pille » les richesses naturelles de l’île, sans aucun bénéfice pour les Papous. Timika rapporte chaque année 1,5 milliard de dollars à son exploitant américain. La Papousie ne perçoit que 2% des 750 millions de dollars touchés par l’Etat indonésien !
L’archipel a beau avoir adopté en 2001 une loi sur l’autonomie spéciale de la Papousie occidentale, celle-ci n’est toujours pas appliquée. Cette loi a certainement de quoi faire rêver ! Elle affirme l’identité Papoue du territoire. Elle accorde aussi à sa population le contrôle de ses richesses naturelles et lui garantit un accès égal à la santé et à l’éducation. Dans les faits, c’est la régression. Leurs droits n’ont en fait cessé de reculer. Quand on se penche sur la région, on comprend tout de suite pourquoi.
D’un point de vue économique, l’Indonésie n’est pas prête à renoncer à ce territoire au fort potentiel. Ses mines de cuivre et d’or sont parmi les plus productives de la planète. À quoi s’ajoute les revenus procurés par l’exploitation des hydrocarbures et la coupe systématique des vastes espaces forestiers. L’Indonésie ne veut pas lâcher cet eldorado.
Le problème dépasse la question du « pillage ». Les Papous s’estiment méprisés par la majorité de la population. Cela explique la virulence des indépendantistes.
L’idée d’indépendance est toujours restée forte chez les Papous, qui sont culturellement très différents des autres Indonésiens. Ce sentiment indépendandiste est exarcerbé par la politique officielle de transmigration de populations de l’île surpeuplée de Java vers la Papousie occidentale beaucoup moins peuplée. Aujourd’hui, au moins un tiers de la population d’Irian-Java n’est plus d’origine Papoue !
La répression dont ils sont frequement victimes est une motivation de plus pour espérer à tout prix l’indépendance. En matière des droits de l’homme, les rapports d’organisations internationales s’entassent. Les militaires indonésiens sont accusés des pires crimes : meurtres, tortures, stérilisation de femmes, déplacement de population, bombardements de villages... Selon ces rapports, les violences se sont poursuivies après la chute de la dictature Suharto en 1998. Le pire est que tous ces crimes se font dans l’indifférence générale.
Le racisme manifesté à l’égard des peuples négroîdes est latent dans la société indonésienne. La fracture ethnique qui sépare l’Indonésie en deux avec 210 millions de Malais à l’ouest et 15 millions de personnes plus proches des cultures mélanésiennes, dont les Papous, explique en partie le rejet dont ils sont les victimes. Il est d’autant plus fort qu’il se double d’un clivage religieux. Cette ethnie est soutenue par les chrétiens minoritaires dans un archipel qui est le plus grand pays musulman du monde. Les Eglises soutiennent la lutte des Papous contre leur intégration forcée à l’Indonésie. Alliées à des associations laïques australiennes engagées dans le sort réservé aux aborigènes, elles incitent les Papous à ne pas renier leurs droits.
L’avènement de gouvernements démocratiques après la chute du dictateur Suharto n’a rien changé, la loi sur l’autonomie spéciale en 2001, non plus. Et les Papous ne peuvent plus aujourd’hui pardonner les 100 000 morts depuis les années 70 dont ils ont été les victimes. Il n’y a plus qu’un seul espoir : l’indépendance.