Montpellier (Hérault) DE NOTRE CORRESPONDANT
DES LAMES de rasoir dans des enveloppes, c’est ce qu’ont imaginé les
clandestins de la lutte anti-corrida pour tenter de blesser une douzaine
de membres parmi les plus éminents du monde de la tauromachie. Directeur
d’arènes, maires de villes taurines, critiques, organisateurs de corridas,
jeune torero ou bien élève d’école taurine ont reçu à leur domicile la
même correspondance qui renfermait trois lames de rasoir.
Trois personnes ont été légèrement blessées par cet attentat postal
organisé, sans véritable logique, pour toucher des cibles taurines
réparties entre les Landes et les Bouches-du-Rhône. Les lettres ont été
postées à Nîmes, dans le bureau central, à quelques centaines de mètres
des arènes de la ville. Missives parfaitement anonymes, elles ne
comportaient pas de tract ou de revendication vindicative, et ne semblent
pas émaner des associations anti-corrida connues et répertoriées.
Un groupuscule isolé ?
« Nous avons pignon sur rue. Je vis depuis quarante ans à Nîmes, au milieu
des aficionados. Je dialogue avec eux. Et le combat que nous menons, dans
le respect, n’a rien à voir avec de telles pratiques que nous condamnons
fermement » insiste Claire Starozinski, la responsable de l’Alliance
anti-corrida qui traîne les organisateurs devant les tribunaux pour
défendre le droit des animaux.
Le Crac (Comité radicalement anti-corrida) a également condamné ce type
d’action que les enquêteurs du SRPJ vont tenter de rapprocher de la
dernière grande vague d’attentats qui avait pris pour cibles d’autres
personnalités du monde taurin. Entre 2003 et 2004, trois opérations
commandos avaient été organisées contre Gilles Broquère, le maire de
Fenouillet (Haute-Garonne), Robert Margé, directeur des arènes de Béziers,
et Simon Casas, le directeur des arènes de Nîmes. Chaque fois le même mode
opératoire : tentative d’incendie au cocktail Molotov et coups de fusil
contre les maisons d’habitation.
« La police et la justice n’ont pas mesuré la gravité de ces faits qui
méritent des investigations approfondies. Ma conviction, c’est que les
opposants à la corrida sont derrière tout cela. Car le seul point commun
entre Gilles Broquère, que je n’ai jamais rencontré, Robert Margé, que je
connais bien, et moi-même, ce sont les corridas. Or, dans les trois cas,
les balles de gros gibier ont été tirées par la même arme », explique
Simon Casas qui hésite entre le bras armé clandestin d’une association de
défense des droits des animaux et les agissements d’un groupuscule isolé.
Personnage emblématique de la tauromachie française, Simon Casas, manager
de toreros et directeur des arènes de Nîmes, a préféré revendre sa maison
de maître de Bernis pour une demeure moins exposée. « Je reçois
régulièrement des lettres de menace ou d’intimidation », ajoute sans
s’affoler Gilles Broquère, le maire de Fenouillet, dans la banlieue de
Toulouse, commune organisatrice, depuis 2003 d’une feria à la fin juin,
qui avait sonné la charge des premiers attentats et dont les auteurs n’ont
jamais été identifiés.
Claude Massonnet
Le Parisien , samedi 25 mars 2006