eudi 9 mars 2006, 12h07
PARIS (AFP) - Plus de 110.200 faits de violences urbaines ont été recensés en 2005, selon les chiffres d’un nouvel indicateur publiés jeudi par l’Observatoire national de la délinquance (OND) qui met toutefois en garde contre l’absence de "définition précise" de ce qu’est une violence urbaine.
L’Indicateur national des violences urbaines (INVU) de la direction générale de la police nationale (DGPN) retient neuf rubriques : incendies de véhicules (45.588), de poubelles (30.040) ou de biens publics (6.996), jets de projectiles (9.063), dégradations de mobilier urbain (7.893), violences collectives à l’encontre des services de sécurité, de secours et de santé (5.143), rodéos automobiles (4.735), affrontements entre bandes (435) et occupations de halls d’immeubles (313).
Le mois de novembre 2005, marqué par les émeutes, a pesé lourd (23.851 faits), les autres mois se situant entre 6.080 (février) et 9.042 faits (juillet).
Toutefois, l’OND recommande, dans son rapport annuel, la plus extrême prudence dans l’interprétation de ces chiffres, aussi précis soient-ils.
"Le terme de violence urbaine n’a ni qualification pénale, ni définition opératoire", écrivent ainsi, dans un article intitulé "Peut-on mesurer les violences urbaines ?", le président de l’OND Alain Bauer et le statisticien Christophe Soullez.
Ils regrettent l’"absence de définition précise adoptée par tous les acteurs", "défaut initial de construction" du concept.
Baromètre quotidien et médiatique durant les émeutes, les incendies de véhicules sont un "indicateur imprécis" pour l’OND. Il relève qu’il inclut les escroqueries à l’assurance, les vengeances privées ou les destructions de voitures ou de motos après un braquage.
Chercheur au CNRS et membre du conseil d’orientation de l’OND, Frédéric Ocqueteau évoque la "subjectivité" qui présiderait au recensement des faits et doute de la "valeur prédictive" de l’INVU. Les émeutes de novembre "n’ont pas pu être anticipées" par cet instrument, relève-t-il.
Il met en cause les rubriques, notamment l’occupation de halls d’immeuble, "un trouble de jouissance certain", mais dont il dit "voir assez mal en quoi ce fait resterait symptomatique d’une violence urbaine potentielle".
Les Renseignements généraux "risquent de se trouver en présence de séries de faits quantifiés, aux pentes totalement contradictoires" et de "devoir fournir in fine une interprétation en tendance globale", met-il en garde.
Depuis les émeutes de Vaulx-en-Velin à l’automne 1990, les autorités cherchent à se doter d’instruments statistiques pour comprendre, voire prévoir, ces violences.
En 1991, placée à la tête de la toute nouvelle section "villes et banlieues" de la direction centrale des Renseignements généraux (DCRG), la commissaire Lucienne Bui-Trong crée une échelle de huit niveaux de gravité de violences urbaines, le plus élevé étant "saccages et pillages, agressions de particuliers, affrontements avec les forces de l’ordre, guérillas, émeutes".
Mais l’échelle de Mme Bui-Trong est abandonnée en 1999, le classement laissant une "trop grande part à la subjectivité", selon une note de la DGPN citée par Alain Bauer. Par ailleurs, selon Frédéric Ocqueteau, "cette échelle de Richter eut l’impardonnable défaut de manquer de prédictibilité".
Lui succède le logiciel SAIVU (système d’analyse informatique des violences urbaines), délaissé en 2002, car son "extrême complexité", selon Alain Bauer, dissuadait certains services de le renseigner : "C’est ainsi que le département de la Seine-Saint-Denis signalait moins de faits que celui de la Creuse".