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2006-02-08
Selon la justice espagnole le jeune Unai Romano n’a pas été torturé
La Garde Civile se pourvoit en justice contre le Gasteiztar en l’accusant de faux témoignage
En mai 2005, la cour d’instruction de Madrid avait classé la plainte pour
tortures déposée par Unai Romano. Trois ans auparavant, ce jeune Gasteiztar
avait publiquement dénoncé avoir été l’objet de tortures pendant sa garde à vue, en septembre 2001, dans les locaux de la Garde Civile à Madrid. L’affaire a
très vite gagné la Une de l’actualité grâce à une photo prise au deuxième
jour de garde à vue. Le visage gonflé, les yeux couverts de bleus, le cou
protégé par une minerve... cette personne ne ressemblait plus du tout à Unai
Romano.
Et pourtant c’était lui. Le jeune militant Gasteiztar était mis en liberté
sans charges six mois plus tard. Il racontait alors son enfer au cours duquel
il a souhaité mourir. Il a avoué s’être mordu les veines des poignées dans un
acte de désespoir. Un désespoir qu’il a ressenti en mai 2005, lorsque la
plainte était classée et les deux agents mis en examen blanchis. L’Audience
provinciale de Madrid vient de refuser le recours présenté par les avocats d’Unai
Romano. Son désespoir ne cesse d’augmenter.
"Quelque part, je m’attendais à ça", a-t-il déclaré à la radio publique
Radio Euskadi. "Je sais qu’il est très difficile que les autorités judiciaires
espagnoles reconnaissent que la torture existe en Espagne".
Cour de Strasbourg
"Je continuerai le combat. Il y a un an, j’ai pris avec plus de désespoir le
classement de l’affaire. Maintenant, je suis prêt à aller jusqu’au bout, d’
abord en faisant appel devant le Tribunal Constitutionnel espagnol et après
tellement il se méfie de la justice espagnole en saisissant la Cour européenne
des Droits de l’Homme de Strasbourg". Unai Romano affirme que la Cour de
Strasbourg "ne pourra pas ignorer les rapports médicaux" selon lesquels le jeune
Gasteiztar n’aurait pas pu s’infliger lui-même ces blessures.
Le tribunal madrilène a préféré la version de la défense des deux gardes
civiles selon laquelle le jeune Basque se serait fait lui-même ses blessures en
tapant, de sa tête, le mur de la cellule. Or, le rapport du médecin légiste
affirme que "les ecchymoses, par leur forme, montrent qu’elles n’ont pas pu
être produites par un objet plat tel qu’un mur".
Plainte de la Garde Civile
La décision du tribunal madrilène n’est pas le seul malheur d’Unai Romano.
Suite au classement de l’affaire, la Garde Civile a décidé de se pourvoir en
justice contre le jeune Basque. Ils vont présenter une plainte devant l’
Audience Nationale espagnole en l’accusant d’un "délit successif de fausse
accusation en relation avec un délit de collaboration avec bande armée", ainsi que d
’un délit de "falsification et de faux témoignage". À la suite de l’annonce
de cette plainte à son encontre, Unai Romano ne trouvait pas de mot pour s’
exprimer. Il a tout simplement déclaré qu’il allait poursuivre son combat.
Par ailleurs, à l’ocasion du 25e anniversaire de la mort sous tortures du
Zizurkildar Joxe Arregi, l’association Askatasuna appelle à manifester samedi à
DonostiaSaint-Sébastien (17h30, Boulevard). Askatasuna dénonce la décision
de la justice espagnole tout comme celle de la Garde Civile et rappelle que la
pratique de la torture existe dans l’Etat espagnol "tout comme l’affirment
les organismes indépendants internationaux tels que l’ONU".
"En Espagne il y a un grand silence concernant la torture"
Theo Van Boven, qui fut rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, a
regretté la décision des tribunaux espagnols sur l’affaire Romano, mais a surtout
mis en garde sur les conséquences du fait que l’Etat se pourvoie en justice
contre les victimes de torture. Lors d’une conférence de presse, Theo Van
Boven a déclaré que "la pratique espagnole selon laquelle les plaintes pour
tortures sont interprétées comme des attaques contre la réputation de l’Etat est
une tendance très dangereuse, parce qu’elle limite le débat public sur la
torture et peut supposer une entrave à la liberté d’expression". L’ancien
rapporteur de l’ONU a évoqué son travail au sein de cet organisme et a plus
précisément cité le rapport qu’il a rédigé en octobre 2003 et présenté en février
2004 devant la Commission des droits de l’Homme.
"À cette époque j’ai eu l’impression qu’en Espagne il y a un grand silence
concernant la torture". Il a regretté dans ce sens que le gouvernement
espagnol de José María Aznar ait "jeté à la poubelle" les conclusions de son
rapport.
Concernant Unai Romano et le classement de l’affaire, Theo van Boven a
déclaré qu’"il faut avoir du courage pour dénoncer avoir été l’objet de tortures.
C’est aux juges de mener une enquête sérieuse et approfondie sur ces faits,
au lieu de faire taire ceux qui osent porter plainte (...). J’estime que ces
agissements vont à l’encontre des droits de l’homme et de la démocratie".