mercredi 1 février 2006, 8h02
PARIS (Reuters) - Les militants nationalistes corses Jean Castela et Vincent Andriuzzi, présentés comme les "cerveaux" de l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac il y a huit ans, sont jugés en appel à partir de ce mercredi à Paris.
Le plus haut représentant de l’Etat sur l’île avait été tué de plusieurs balles dans la tête en pleine rue à Ajaccio, le 6 février 1998, alors qu’il se rendait au théâtre.
En première instance, le 11 juillet 2003, Jean Castela, 46 ans, et Vincent Andriuzzi, 50 ans, emprisonnés respectivement depuis décembre 1998 et mai 1999, ont été condamnés à 30 ans de réclusion criminelle malgré leurs protestations d’innocence.
L’accusation leur impute la préparation du crime ainsi que les communiqués de revendication. Leurs avocats estiment qu’ils ont été condamnés sans preuves et vont plaider l’acquittement.
Me Patrick Maisonneuve a annoncé qu’il présenterait pour Vincent Andriuzzi de nouveaux documents renforçant, selon lui, ses explications.
Cinq membres du commando de tueurs et un complice, condamnés dans le même procès de 2003 à des peines allant de quinze ans de réclusion à la perpétuité, ont reconnu les faits et n’ont pas fait appel. Ils n’ont jamais mis en cause ni Jean Castela, ni Vincent Andriuzzi.
L’auteur présumé des coups de feu sur le préfet, Yvan Colonna, arrêté le 4 juillet 2003 dans le maquis corse, ne sera pas jugé avant au moins 2007, l’enquête le concernant n’étant pas terminée. Il nie toute implication.
LE "GROUPE SANS NOM"
Jean Castela, professeur d’histoire-géographie, et Vincent Andriuzzi, enseignant en mathématiques, seront aussi rejugés pour leur implication présumée dans une série d’attentats, de 1994 à 1997.
Selon le parquet, ils auraient animé une cellule bastiaise du FLNC-Canal historique avant d’entrer en dissidence et de décider de tuer le préfet dans le but de "refonder" le combat indépendantiste, à leurs yeux dévoyé.
Ce scénario est démenti par les intéressés.
Si l’accusation dispose d’éléments à charge pour impliquer les deux hommes dans les actions de 1994 - des attentats à Mende (Lozère), à Nice et un attentat contre le rectorat de Paris - leur implication dans la suite du processus est plus incertaine.
Désavoués pour l’attentat de Paris par le FLNC-Canal historique, Jean Castela et Vincent Andriuzzi auraient, selon le parquet, fondé un nouveau groupe, dit "sans nom".
Ce dernier a revendiqué en 1997 des attentats contre l’Ecole nationale d’administration (Ena) à Strasbourg, contre un hôtel de Vichy et une attaque contre une gendarmerie à Pietrosella (Corse-du-Sud), où a été volée l’arme qui devait servir à tuer le préfet Erignac.
L’accusation n’a pas d’élément à charge contre les deux accusés concernant directement les faits mais s’appuie essentiellement sur un événement postérieur.
Lors d’une filature policière, Jean Castela et Vincent Andriuzzi ont été surpris le 19 août 1998 alors qu’ils se rendaient ensemble à Ajaccio pour une réunion de plusieurs heures avec Alain Ferrandi.
Arrêté en 1999, Alain Ferrandi a reconnu avoir participé à l’expédition contre le préfet. Il a été condamné à perpétuité.
Pour l’accusation, cette réunion de 1998 aurait servi à préparer un communiqué envoyé par les tueurs aux médias corses, le 21 septembre 1998, pour justifier l’assassinat.
Au premier procès, Vincent Andriuzzi a expliqué que la réunion avait servi à préparer des travaux d’aménagement dans les locaux de Hertz, société où il travaillait avec Alain Ferrandi.
Jean Castela a avancé qu’il avait simplement profité du voyage pour parler avec Vincent Andriuzzi.
Outre cette réunion, l’accusation retient des appels téléphoniques reçus par Jean Castela la nuit du crime, les nombreuses communications téléphoniques en 1997-1998 entre les deux hommes et Alain Ferrandi, ainsi que "des similitudes sémantiques" entre les écrits de Jean Castela et les communiqués revendiquant l’assassinat du préfet.