Le procès de onze militants présumés du DHKP-C (Parti - Front révolutionnaire de libération du peuple) se poursuivait mardi sous haute surveillance devant le tribunal correctionnel de Bruges. Ils sont accusés "d’association de malfaiteurs à visée terroriste", de "faux en écriture", de "détention illégale d’armes" et de "recel".
Deux d’entre eux, qui étaient responsables du bureau de liaison du DHKP-C à Bruxelles en 2004, sont poursuivis en vertu de la nouvelle loi belge antiterroriste.
Après une audience de procédure le 6 décembre, le procès a véritablement débuté lundi, avec l’ouverture des débats. D’importantes mesures de sécurité entourent ce procès qui, pour plus de sûreté, se tient dans la salle des assises.
Lors d’une suspension de séance lundi, un homme présenté comme un membre du DHKP-C et recherché par l’Allemagne pour homicide, a été vigoureusement interpellé, ce qui a provoqué la colère de plusieurs autres militants assistant au procès, selon l’agence Belga.
"Comment peut-on mener un procès serein si l’on procède à de telles formes d’intimidation du public", a déploré Me Jan Fermon, l’un des avocats de la défense, qui s’est plaint que les avocats soient eux-mêmes traités comme des "criminels".
L’une des prévenues, Fehriye Erdal, soupçonnée d’avoir livré des informations ayant servi à une attaque à main armée qui a coûté la vie à trois personnes en Turquie en 1996 ne s’est jusqu’à présent pas présentée à l’audience. La justice belge a d’ores et déjà indiqué qu’elle n’était pas compétente pour juger ce triple meurtre et refusé l’extradition vers la Turquie de la jeune femme, qui vit dans un lieu tenu secret en Belgique.
Le procureur fédéral, Johan Demulle, a estimé à l’audience que les prévenus avaient agi "contre les intérêts de l’Etat turc, même en dehors des frontières turques", faisant référence à des attaques au cocktail Molotov en Belgique.
L’Etat turc, qui souhaite se constituer partie civile, a tenu à rappeler que "le DHKP-C n’est pas un mouvement de jeunesse ni un organisme social", mais "un groupement qui recherche l’effondrement de l’Etat turc".
"Dans leurs archives, on retrouve de nombreuses preuves d’achat d’armes telles que des kalachnikovs et des pistolets mitrailleurs Uzi", a affirmé l’avocat de l’Etat turc, Kris Vincke.
La défense s’oppose à la constitution de partie civile de la Turquie, affirmant qu’elle n’avait subi aucun préjudice personnel dans ce dossier et craignant qu’elle ne fasse un usage abusif de certaines pièces.
Le juge Freddy Troch a indiqué mardi qu’il attendrait le jugement pour se prononcer sur la recevabilité de cette constitution de partie civile. (AFP, 24 janvier 2006)
"Un face-à-face entre le DHKP-C et l’état fasciste turc"
Juste avant la dernière audience, le Comité pour la liberté de Fehriye Erdal a diffusé un communiqué de presse dans lequel ce procès est qualifié de "un face-à-face entre le DHKP-C et l’état fasciste turc" et l’opinion publique est appelée à réagir contre une soumission éventuelle de l’Etat belge aux exigences de l’Etat turc : Voici la conclusion du communiqué :
Dans cette affaire, l’Etat turc, l’un des Etats les plus sanguinaires et les plus maffieux de la planète, où nombre de militaires, de ministres et de parlementaires gèrent des réseaux de trafics de drogue, dans un pays « qui est la plus grande prison pour journalistes », s’est constitué partie civile.
C’est un Etat dont le premier ministre est entouré de tortionnaires notoires
C’est un Etat qui accumule les crimes contre l’humanité et dont l’idéologie officielle s’est bâtie sur les cadavres de centaines de milliers d’Arméniens.
C’est un Etat qui a deux coups d’Etat militaires fascistes à son palmarès ainsi que d’innombrables campagnes de pogromes autres persécutions contre le peuple kurde, les communautés grecque, assyro-chaldéenne, alévie, les communistes, les syndicalistes, les intellectuels et les activistes antifascistes.
Le Front révolutionnaire de libération du peuple combat depuis 35 ans pour la démocratie et la justice sociale en Turquie, notamment par la lutte armée mais surtout par la mobilisation populaire. On compte en moyenne une dizaine de manifestations pacifiques organisées quotidiennement par les sympathisants de cette organisation en Turquie même. Bien implanté dans plusieurs bidonvilles du pays, le DHKC mène un combat tout-à-fait légitime et nécessaire pour le droit au travail, au logement, à l’éducation, l’accès à la santé mais aussi pour les droits de l’homme et des minorités. Ces 6 dernières années, le DHKC a surtout fait parler de lui par sa résistance passive dans les prisons de type F.
Depuis 6 ans déjà, 121 personnes, pour la plupart membres du DHKC, sont décédées des suites de leur grève de la faim, en guise de protestation contre les conditions de détention inhumaines qui règnent dans les cellules d’isolement de ces prisons.
Refusons cette nouvelle Inquisition
Par ce procès de criminalisation, c’est non seulement la mémoire de ces 121 martyres qui est profanée mais ce sont également toutes celles et ceux qui rêvent d’un monde meilleur, qui sont diffamés.
Ce procès constitue donc un dangereux précédent pour tous les défenseurs de la liberté d’expression et de réunion. En effet, tout démocrate aux opinions un tantinet incisives, risque désormais de tomber sous le coup de cette nouvelle loi qui n’est rien d’autre que l’expression juridique de la devise belliciste de Bush déclarant que « ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ». (Comité pour la liberté de Fehriye, freefehriye@yahoo.com)