samedi 31 décembre 2005, 9h58
LE CAIRE (AFP) - Vingt-cinq réfugiés et demandeurs d’asile soudanais ont été tués, vendredi matin, lors de l’évacuation par des policiers de centaines de Soudanais qui campaient devant les bureaux de l’Onu, au Caire, selon un nouveau bilan fourni samedi par des sources judiciaires.
Une enquête judiciaire a été ouverte vendredi après-midi et les enquêteurs se sont rendus à la morgue de Zeinhom au Caire, où ils ont recensé les corps de 25 victimes, ont indiqué des sources judiciaires. Dans un premier bilan, le ministère égyptien de l’Intérieur avait indiqué vendredi que dix des réfugiés avaient été tués lors de leur évacuation par la police.
Plusieurs milliers de policiers anti-émeutes ont évacué sans ménagement, vendredi à l’aube, ces réfugiés qui campaient depuis trois mois devant le Haut Commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR), dans le quartier résidentiel de Mohandessin. Dans un premier temps, ils ont aspergé les manifestants au canon à eau pour les disperser, avant des les expulser violemment de la place à coups de matraques. Les Soudanais réclamaient que le HCR revienne sur les demandes d’asile qu’il a rejetées et qu’il les installe dans des pays occidentaux.
L’organisme de l’Onu a proposé de leur fournir davantage d’aide mais a refusé de les transférer hors d’Egypte et de les installer dans des pays tiers. "Ces morts sont une terrible tragédie que rien ne justifie", a déclaré le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan qui a exprimé sa tristesse, dans une déclaration transmise par son porte-parole.
Les Etats-Unis qui se sont déclarés "attristés" par ces décès, ont indiqué "avoir contacté les autorités égyptiennes et les autres agences concernées, pour rassembler des informations sur la situation", a dit un porte-parole du département d’Etat, Adam Ereli. A Genève, le Haut commissaire de l’Onu pour les réfugiés, Antonio Guterres, s’est dit "profondément choqué" par ces morts, jugeant une telle violence "sans justification". "Je suis profondément choqué et attristé par les événements tragiques de ce matin au Caire", a déclaré M. Guterres dans un communiqué.
Au Caire, où il était en visite, le vice-ministre soudanais des Affaires étrangères, Ali Ahmed Kerti a "déploré la mort sans nécessité des manifestants, dont des enfants". "La porte est ouverte aux manifestants pour qu’ils retournent au Soudan. C’est préférable que ce à quoi ils sont exposés", a-t-il dit à la presse en quittant la capitale égyptienne. Selon le communiqué du ministère égyptien de l’Intérieur, la police n’est intervenue qu’après avoir tenté, "en vain", de convaincre les manifestants de mettre un terme à leur sit-in.
Le ministère, qui a jugé l’installation "illégale", indique en outre que les Soudanais avaient menacé de mettre le feu aux bureaux de l’Onu. Il affirme que la police a compté 75 blessés dans ses rangs. Le ministère égyptien des Affaires étrangères ne fait aucune mention des victimes dans un communiqué, soulignant que l’intervention "avait été rendue nécessaire" car les manifestants violaient la loi.
Lors de l’évacuation, plusieurs personnes ont été entraînées de force hors de la zone, dont des dizaines de femmes et enfants, alors qu’elles tentaient de résister, et embarquées dans des bus garés à proximité.
"Ils veulent nous tuer", a crié un des réfugiés. "Nos demandes sont légitimes, c’est notre droit de manifester ici, le seul droit que nous ayons", a-t-il dit.
Ces Soudanais ont gagné l’Egypte voisine fuyant les différents conflits qui ont ensanglanté le pays le plus peuplé d’Afrique depuis des décennies.
Si le conflit entre le Nord et le Sud s’est achevé en janvier dernier après un accord de paix, les violences se poursuivent au Darfour à l’ouest.