mardi 6 décembre 2005, 15h14
VAL DI SUSA (Italie) (AFP) - Une intervention musclée de la police contre les opposants à la ligne TGV Lyon-Turin dans la vallée de Suse, près de Turin, a dégénéré en affrontements mardi et provoqué de nouvelles actions dans toute la région.
Une vingtaine de personnes ont été légèrement blessées, selon les derniers bilans, lorsque la police et les carabiniers ont chargé à coups de matraques à 03H30 du matin des manifestants qui occupaient depuis une semaine un site à Venaus (60 km de Turin) retenu pour le percement d’un tunnel de 53 km destiné au passage de la liaison transalpine.
Les opposants au projet ont aussitôt appelé à la mobilisation et des actions menées par de petits groupes de manifestants en plusieurs endroits stratégiques de la vallée ont abouti au blocage de l’ensemble de ses axes routiers et ferroviaires.
"Les habitants de la vallée de Suse sont absolument révoltés de ce qui s’est passé cette nuit. C’était violent, il y a des gens à l’hôpital", a expliqué à l’AFP Wanda Bonardo, présidente piémontaise de l’association de protection de l’environnement Legambiente.
"En signe de protestation, toute la vallée a été coupée du monde. Les routes, autoroutes et trains sont bloqués et les entreprises ont aussi cessé leurs activités en signe de solidarité", a-t-elle expliqué de Bussolano, une localité située à l’entrée de la vallée où les manifestants ont installé leur plus important point de blocage sur l’autoroute Turin-Modane.
"La décision du ministre de l’Intérieur Giuseppe Pisanu d’évacuer par la force le chantier du train est une grave erreur qui ne va déboucher que sur l’exaspération, alors que la situation est déjà critique", a estimé le chef de l’opposition italienne Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne.
Plusieurs responsables associatifs et syndicaux ont fait mardi un parallèle entre la charge policière et les affrontements pendant le sommet du G8 en juillet 2001 à Gênes au cours duquel un manifestant de 23 ans avait été tué par balles par un carabinier.
"Le G8 de Gênes ne vous a pas servi de leçon ?" s’est ainsi publiquement interrogé Guido Calvi, sénateur membre du parti des Démocrates de gauche (DS, principal parti de l’opposition).
Le ministre des Transports et des Infrastructures, Pietro Lunardi, a fermement réaffirmé mardi qu’il n’était "pas question de revenir sur le projet".
"Je souhaite que les gens fassent la paix dans leur coeur, car la liaison est en train de se réaliser, les chantiers ont débuté", a-t-il martelé.
L’hostilité grandissante des habitants de la vallée au passage de la ligne ferroviaire suscite l’inquiétude des autorités italiennes, alors que la ville de Turin, à 60 km de la Vallée de Suse, accueille les Jeux Olympiques d’hiver à partir du 10 février 2006.
Outre l’utilité et le coût du projet, les opposants dénoncent les conséquences environnementales de la liaison. La montagne contient selon eux des traces d’amiante et d’uranium qui pourraient mettre en danger la population. Les autorités sanitaires contestent cette affirmation.
La liaison ferroviaire, dont le coût total est estimé à 12,5 milliards d’euros, ne devrait pas être achevée avant 2020.
Près de 100.000 personnes avaient défilé le 16 novembre dernier dans la vallée de Suse pour protester contre la construction de la ligne