Ercan Kartal est un prisonnier politique appartenant à l’organisation de la gauche radicale turque DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple) incarcéré depuis 1994.
Kartal est inculpé dans divers procès politiques par lesquels il risque plusieurs fois la peine capitale. Les autorités turques lui imputent notamment la responsabilité d’une tentative d’attentat contre le général Kenan Evren qui dirigea le coup d’état fasciste du 12 septembre 1980.
Pourtant, à l’époque où cet attentat manqué avait eu lieu dans la station balnéaire de Marmaris en novembre 1996, Ercan Kartal était détenu à la prison de Bayrampasa. Il est accusé d’avoir ordonné cet attentat contre Evren et est, à ce titre, accusé de « tentative de renverser l’ordre constitutionnel » en vertu de l’article 146/1 du Code pénal turc.
Depuis l’inoubliable opération militaire menée dans les prisons dortoirs le 19 décembre 2000 dans le but de déporter les détenus vers les prisons de haute sécurité dites de type F, Ercan Kartal est en isolement total. Cela fait donc près de cinq ans qu’il n’entend que le son du silence et de la solitude au fond de sa cellule, à la prison de type F d’Edirne (nord ouest de la Turquie).
En régime de type F, l’arbitraire des autorités pénitentiaires qui existait à l’époque du régime des dortoirs s’est sensiblement aggravé.
Ercan Kartal ainsi que les centaines de prisonniers politiques qui peuplent les 11 prisons de type F aujourd’hui en service, ne bénéficient souvent pas du moindre soin médical. Car ils sont soumis à des tracasseries administratives destinées à les dissuader de solliciter une visite médicale.
Finalement, après maintes fouilles corporelles humiliantes, s’ils parviennent à l’infirmerie, les détenus demeurent menottés, sous les regards inquisiteurs des militaires.
Ces derniers profitent de la vulnérabilité du détenu pour systématiquement rosser celui-ci, que ce soit sur le trajet de l’hôpital ou sur celui du palais de justice.
Chaque transfert est donc un véritable calvaire.
Mais outre d’exposer davantage le détenu à la violence physique, l’isolement constitue en soi une violence psychique car il s’agit d’un régime basé sur la privation sensorielle.
Par exemple, Ercan Kartal, qui est exposé à trop d’années de solitude, souffre aujourd’hui d’acouphènes (nom médical tinnitus), c’est-à-dire d’un bourdonnement qui résonne dans ses tympans de manière continue et infernale.
La dégradation de son ouïe s’est tellement aggravée qu’au cours de ses dernières audiences au tribunal, il n’entendait quasi plus rien.
Nous vous faisons parvenir ci-dessous un extrait de l’une de ses lettres :
"Bonjour,
"Ici, la température a considérablement chuté. La chaleur a cédé sa place aux vents frais. Le 14 septembre dernier, j’ai été emmené à mon procès par camionnette au tribunal des lourdes peines d’Istanbul. Ce jour-là, par contre, il régnait une chaleur insupportable. Sans exagérer, j’étais comme grillé dans le véhicule tant à l’aller qu’au retour. J’étais trempé de sueur jusqu’à la moelle. Comme on dit, « ce n’était pas de la chaleur, c’était Kerbela... »
"Lorsque la gendarmerie a ouvert la porte du véhicule juste avant de m’avoir fait pénétrer au tribunal, j’ai pu enfin respirer une bonne bouffée d’air... J’avais compris par la suite que la chaleur de cette journée là allait être la dernière chaleur de l’année. Avec le 15 septembre, les vents ont commencé à se rafraîchir ... Je n’ai pas pu lire toutes les pages de ma défense. J’étais arrivé à peine à lire la moitié que soudainement, mes oreilles se sont comme refermées. J’étais comme déconnecté de ma voix. Je n’entendais plus ma propre voix. J’ai alors frotté mes oreilles mais cela n’a servi à rien.
"Finalement, je n’ai lu que les titres des chapitres de ma défense. Je pense que cette réaction de mes oreilles est due à mon changement d’espace. D’un coup, j’étais passé de ma cellule insonorisée à une salle animée et bruyante. Durant mes audiences précédentes, j’ai eu le même trouble. J’ai vraiment été frustré de ne pas avoir pu lire mon réquisitoire. "
Aujourd’hui, Ercan Kartal a besoin de votre soutien.
Ne laissons pas les détenus politiques mourir à petit feu. ( isolation@post.com, 18 octobre 2005)