La stratégie militaire politisée de combat (juillet 1981)
La guerre populaire est une nécessité urgente tant pour les pays colonisés durant la première et la deuxième phase de crise que dans les pays maintenus sous-développés.
Toutefois, l’impérialisme a ajouté des qualités nouvelles aux révolutions de la troisième phase de crise. L’autorité centralisée de l’Etat a été renforcée et l’appareil d’oppression et de contrôle a été étendu à tout le pays suite au développement du capitalisme. « Parallèlement au développement du marché interne du pays, l’urbanisation, la communication et le transport se sont fortement développés et ont recouvert le pays comme un filet. Le faible contrôle féodal sur le peuple durant les phases précédentes a fait place à une autorité étatique et oligarchique beaucoup plus forte. L’armée, la police et toutes les formes de l’appareil de pacification et de propagande de l’Etat oligarchique ont étendu leur hégémonie dans tout le pays. II faut ajouter que l’appareil de propagande de l’impérialisme et de l’oligarchie a atteint un niveau monstrueux, incomparable avec celui de la première et de la deuxième phase de crise. On doit aussi mentionner les expériences de l’impérialisme face aux guerres de libération des phases précédentes »
Du fait que, dans la troisième phase de crise, l’impérialisme est devenu un phénomène interne à ces pays, et que, bien qu’elle soit cachée, son occupation s’étende à tout le pays, ce ne sont pas les autorités régionales qui doivent être décapitées, mais bien l’Etat centralisé qui est intégré au bloc impérialiste. II n’est plus possible pour les révolutionnaires prolétariens d’organiser des insurrections spontanées de paysans, de détruire rapidement le pouvoir des autorités régionales, de fonder des zones libérées et de réunir dès le début les masses dans de grandes unités (soviets) pour lutter. Ce changement ne résulte pas seulement de causes militaires et logistiques, mais aussi des spécificités de la troisième phase de crise.
A cause du pouvoir de l’Etat centraliste et de son appareil de propagande et de pacification, les réactions spontanées des masses n’atteignent jamais les dimensions de la première et de la deuxième phase de crise. S’ajoute à cela le fait que les masses populaires n’ont pas d’expérience de lutte, en particulier les masses prolétariennes.
Pour gagner de larges masses à la Révolution, c’est-à-dire pour faire passer les masses à la guerre populaire, l’équilibre artificiel doit être brisé, et c’est pourquoi la guerre populaire est un combat militaire politisé. « La pratique de la guérilla avec des buts politiques et en tant que moyen de dévoiler la réalité politique, c’est-à-dire de concevoir cette lutte comme une lutte politique de masse, est appelée la stratégie militaire politisée de combat.
Sous la direction du marxisme-léninisme et en partant de l’analyse révolutionnaire des rapports et des contradictions de la troisième phase de crise de l’impérialisme et de leur reflet en Turquie et de l’histoire de notre pays, de ses qualités sociales, politiques, économiques et psychologiques notre parti a déterminé la stratégie militaire politisée de combat comme stratégie de la révolution »
La première phase de cette stratégie de lutte dans les pays maintenus dans le sous-développement est la guerre d’avant-garde. La propagande montre aux masses que l’oligarchie n’est pas du côté du peuple et qu’elle n’est pas si puissante, si inattaquable ni si invulnérable. Cette propagande est menée sur base d’actions armées de l’avant-garde.
La propagande armée est la forme fondamentale du combat politique d’avant-garde dans ces pays. Elle comprend la propagande, l’agitation et l’organisation des meilleurs éléments des masses sur base des actions armées. L’importance politique de la propagande armée l’emporte sur l’aspect militaire.
Pour passer à la guerre populaire, l’équilibre artificiel doit être brisé en faveur du peuple.
Au début, l’avant-garde lutte seule. A partir de la propagande armée, elle prend de plus en plus la supériorité politique sur l’ennemi. La sympathie des masses pour le mouvement armé se transforme en soutien puis en participation. A ce stade, les révolutionnaires ont obtenu une supériorité politique absolue. Giap écrit dans son oeuvre « L’art militaire de la guerre populaire » : « La guerre populaire recommencera quand on aura gagné la supériorité politique absolue sur un ennemi matériellement plus puissant »
La propagande armée est la forme principale de lutte de cette stratégie. « La stratégie révolutionnaire qui considère la propagande armée comme étant la forme principale de lutte, et les autres formes de lutte telles les luttes politiques, économiques et démocratiques comme dépendantes d’elle, est la stratégie militaire politisée de combat »
II ne faut pas pour autant entendre que les autres formes de lutte sont entièrement négligées. « L’organisation qui intègre la propagande aimée en tant que forme de lutte fondamentale mène les autres formes de lutte économique et démocratique tant que possible et selon ses forces. Mais ces formes de lutte sont secondaires. La propagande armée est la forme de lutte fondamentale. Cela ne veut pas dire que l’on reste spectateur des actions économiques et démocratiques des masses. L’organisation essaie, selon ses forces, de mobiliser les masses à lutter pour ses droits et revendications économico-démocratiques. File essaie de canaliser chaque réaction contre l’oligarchie Mais au début. elle n’est pas présente partout Elle ne participe à aucune action. de masse qui dépasse ses moyens et qu’elle ne saurait protéger par les armes. En dehors de la propagande armée, elle s’efforce pour obtenir conscientisation et éducation politique, propagande et travaux d’organisation, selon ses forces. Lutte de masse classique et propagande armée se succèdent. Oui, elles sont étroitement liées, elles dépendent l’une de l’autre. L’une influence l’autre. Les formes de lutte autres que la propagande armée dépendent de cette dernière et sont développées sous sa dépendance »
Tous les genres de pacifisme de notre pays affirment que la guerre d’avant-garde serait une nouvelle forme d’anarchisme. Ils s’appuient sur le fait que la crise nationale ne serait pas encore mûre et que les conditions objectives pour une telle lutte seraient inexistantes. Les pacifistes n’ont pas compris que les conditions objectives pour mener des actions armées sont différentes des conditions pour l’insurrection armée. Leur erreur vient du fait que les crises nationales des pays "conservés sous-développés" ne sont pas conformes à la définition de la crise nationale de Lénine : « Pour que les conditions objectives de la Révolution soient réunies dans ce pays, il faut qu’il y ait une crise nationale en plus de la crise mondiale générale. D’après Lénine,
A) le niveau de conscience et d’organisation du prolétariat pour la révolution doivent être suffisamment élevés, c’est-à-dire que les conditions subjectives pour la Révolution doivent être mûres ;
B) il doit y avoir une crise nationale qui influence en même temps les oppresseurs et les opprimés »
Chez Lénine, la phase d’évolution est longue, et la phase de révolution courte. Les pacifistes s’en tiennent à ces thèses et affirment que, dans cette phase, des actions armées sont déplacées.
Toutefois, si on analysait les faits concrets, on verrait que la crise permanente et générale du capitalisme se reflète dans les pays maintenus sous- développés par une dynamique interne perturbée et d’une manière très violente. En conséquence, une crise nationale permanente se développe dans ces pays, même si elle n’est pas encore mûre. L’existence de cette crise dessine les conditions objectives pour un enchevêtrement des phases d’évolution et de révolution et donc pour l’acceptation du caractère fondamental des actions armées. Le camarade Mahir Çayan explique ainsi les qualités nouvelles de la crise nationale : « Les pratiques concrètes des pays vivant sous hégémonie impérialiste (...) c’est-à-dire qu’il existe des conditions objectives pour mener des actions armées » !( n’y a pas d’autre voie que la propagande armée, laisser mûrir la crise nationale et mobiliser les masses populaires dans le Front de la Révolution.
L’organisation qui mène la guerre d’avant-garde
Dans les pays sous-développés, la stratégie de lutte politique et sa première étape, la guerre d’avant-garde, peuvent être réalisées par une organisation qui, partant des principes déjà décrits, conçoit dans une même entité dialectique la campagne et la ville ; la propagande armée et les autres formes de lutte qui en dépendent. Cette organisation doit être l’organisation spécifique du prolétariat, qui dirige ses luttes économico-démocratiques, idéologiques et politiques. A ce propos, la direction idéologique du prolétariat est déterminante.
Pour le marxisme-léninisme, une telle organisation est appelée Parti.
On doit ici insister sur le fait qu’il est décisif pour l’organisation de remplir les fonctions d’un parti et non de s’intituler ou non "Parti". Par exemple, l’organisation politique qui menait à Cuba la lutte de guérilla dans la Sierra Maestre et dans les villes s’appelait "Mouvement du 25 juillet". Qui a lu les écrits de Castro et de Che Guevara sait que cette organisation n’était rien d’autre que le Parti.
Dès qu’une organisation minimale a créé en son sein l’unité idéologique, a bâti sa structure hiérarchique sur les principes léninistes, a formé une structure dirigeante des luttes politiques (fondamentales), économico-démocratiques et idéologiques, elle peut remplir les fonctions d’un parti. Sa lutte s’étend du plus petit et plus simple au plus grand et au plus compliqué. Sa structure suit aussi cette voie. Au début l’organisation a des contacts limités mais sûrs avec les meilleurs éléments du peuple. Ses cadres sont des révolutionnaires professionnels. Au cours de la lutte, quand l’organisation se développe qualitativement et quantitativement, les éléments du prolétariat domineront aussi quantitativement. L’organisation qui réalise la stratégie militaire politisée de combat est une organisation de combat. II en résulte que ses cadres sont à la fois cadres politiques et militaires. -(...) le principe directeur de « cette organisation est le principe de l’unité de la direction politique et militaire. »
Dès 1e début, des forces anti-impérialistes et anti-oligarchiques non marxistes ont participé à la lutte. Pour cette raison il faut distinguer le Parti du Front. Pour devenir membre du parti, il ne suffit pas de lutter contre l’impérialisme et l’oligarchie. Un membre du parti doit être marxiste-léniniste et posséder les qualités nécessaires.
Le Front doit dans sa lutte reconnaître la direction du Parti. II mène son combat sous l’ordre et sous le commandement du parti.
Le 30 mars 1972, le THKP-C a essuyé une défaite. Aujourd’hui la tâche de l’avant-garde est de lier l’Avant-garde Révolutionnaire du Peuple (HD0) au Parti-Front Populaire de Libération de Turquie (THKP-C) pour en faire un parti et un front qui puissent mener successivement la guerre d’avant-garde et la guerre populaire.