Kurdistan Ouest(Infokurd)
On parle beaucoup moins des Kurdes de Syrie moins des Kurdes de Syrie que de leurs compatriotes vivant en Turquie, en Iran ou en Irak. Et pourtant ils représentent plus de 1,5 million de personnes, soit plus d’un dixième de la population de la République syrienne. Ils constituent d’ailleurs la seule grande minorité nationale ou ethnique à assise territoriale en Syrie.
Il existe trois régions Kurdes au nord de la Syrie. Séparées les unes des autres, en territoire syrien, elles sont toutes limitrophes du Kurdistan de Turquie dont elles constituent, en quelque sorte, des prolongements vers le sud.
La frontière turco- syrienne fut tracée selon les accords franco-turcs du 21 mars 1921 après le démembrement de l’Empire ottoman. La France était alors une puissance mandataire sur la Syrie. Le mandat français sur la Syrie prit fin en 1946 et le pays a accéda à son indépendance.
Lors du mandat français et durant les quinze premières années de l’indépendance du pays, les kurdes ne furent l’objet d’aucune mesure répressive. Même s’ils ne jouissaient d’aucun statut officiel, ils étaient libres de pratiquer et d’exprimer leur culture. d’éditer des publications. C’est d’ailleurs dans le Kurdistan de Syrie que beaucoup d’intellectuels Kurdes persécutés en Turquie viendront trouver refuge. Cependant ils ne disposeront d’aucun droit politique.
Le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK-Syrie), crée en 1957 pour revendiquer l’autonomie culturelle des Kurdes, est interdit à partir de 1959, et ses responsables sont arrêtés et emprisonnés.
Même si les Kurdes de Syrie ne se sont jamais soulevés contre leur gouvernement, ils ont toujours été de tous les combats de leur peuple dans les autres parties du Kurdistan en leur fournissant cadres, combattants et logistique. En 1927, c’est en Syrie que quelques intellectuels Kurdes décident de créer l’organisation indépendantiste Khoybûn du Kurdistan de Turquie. Dans les années 1930 et pendant les premières années de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque le peuple kurde au Kurdistan de Turquie subissait une oppression qui avait atteint son paroxysme, les Kurdes de Syrie et parmi eux, des émigrés kurde de Turquie, prenaient en quelque sorte la relève du mouvement culturel kurde.
Lorsque la guerre autonomiste dirigée par Barzani éclate en Irak, en 1961, les Kurdes de Syrie se montrent tout naturellement solidaires de ce mouvement. Le gouvernement syrien comprend le danger et prend des dispositions pour isoler et disperser les Kurdes de Syrie. En 1962, il procède à un recensement de la population. Après sa réalisation, le gouvernement déclare que les quelques 120 000 Kurdes de la région de djezireh-tous ressortissants syriens-n’étaient pas des syriens mais des étrangers se trouvant illégalement en Syrie.
Par un simple subterfuge administratif, on leur demande de remettre aux autorités leur carte d’identité afin d’en refaire de nouvelles. Mais les nouvelles cartes ne leur sont jamais délivrées, de sorte que ces Kurdes, 120 000 à l’époque, se trouvent des apatrides dans leur propre pays.
En 1963, l’Etat syrien crée ce qu’on a appelé "la ceinture arabe". A l’est du pays, la riche région agricole et pétrolière kurde de Djézireh, longue de 280 km et profonde d’une quinzaine de kilomètres, avec ses 332 villages à l’époque, devait être évacuée pour permettre la création de cette "ceinture". A la place de ces villages, des fermes d’Etat, devaient être bâties et réservées aux Arabes, des Arabes qui devaient être amenés d’autres régions de Syrie pour remplacer les Kurdes. Cette politique a provoqué l’extermination, lors de la déportation, de plusieurs dizaines de milliers de Kurdes, en majorité de confession yézidi. Les Kurdes furent ainsi dépossédés des terres qu’ils cultivaient depuis des générations. L’oppression nationale a donc commencé à ce moment-là. On a même assisté, comme en Turquie, à l’arabisation progressive de la toponymie kurde de la région.
La prise du pouvoir par le parti Baas, en 1963, s’inspirant d’une idéologie pan-arabiste (ultra- nationaliste) aggrave la situation des Kurdes. Le premier acte important du gouvernement syrien sera d’envoyer une partie de son armée (plus de 3 000 soldats) et de ses chars d’assaut au secours de l’Irak dans sa guerre contre ses propres Kurdes. On essaiera ensuite de démonter « scientifiquement que les Kurdes qui n’ont ni histoire, ni civilisation, ni langue ne constituent pas une nation ». Un plan en douze points établi par l’un des idéologues du nouveau régime préconise déportation et dispersion des Kurdes pour mettre fin à leur existence ethnique en Syrie, et arabiser leur région en y installant des tribus arabes nomades. Mais ce plan ne sera que partiellement mis en place. Après la déportation et la nationalisation des terres de plus de 100 000 Kurdes en 1967, la guerre qui venait d’être déclenchée contre Israël arrête la mise en pratique de ce plan d’extermination.
Depuis l’accession au pouvoir de Hafez el Assed, en 1972, il faut mentionner que les mesures racistes à l’égard des Kurdes ont été très sensiblement atténuées, non pas par sympathie pour les Kurdes, mais plutôt grâce essentiellement à la situation politique fragile du Président Assed qui s’appuie, dans l’exercice de son pouvoir, sur la minorité religieuse alaouite dont il est issu, à l’état de guerre contre Israël, ainsi qu’aux conflits frontaliers et politique qu’il a avec la Turquie et l’Irak. Il n’en reste pas moins que le parti Démocratique Kurde de Syrie est toujours interdit et aucune association à caractère social ou culturel n’est autorisée. Toutes les publications en langue Kurde ou sur les Kurdes sont également interdites. Le régime syrien qui avait privé de la nationalité syrienne des Kurdes de Djézireh astreint cependant ces Kurdes « non syriens » au service militaire pour les utiliser dans l’occupation militaire du Liban ou la persécution de l’opposition interne, alors qu’ils ne peuvent même pas se marier civilement faute de documents d’identité ou se faire hospitalier. Le nombre de Kurdes déchus ainsi de leur citoyenneté serait actuellement plus de 300 000 personnes.
La crise économique terrible qui sévit en Syrie frappe tout particulièrement les Kurdes. Dans les régions kurdes , il y a un exode rural vers les grandes villes de l’intérieur et à Damas. Le nombre de dés ?uvrés et de chômeurs parmi les jeunes Kurdes de Syrie est très élevé et beaucoup prennent le chemin de l’exode. Ces dernières années, des dizaines de milliers d’entre eux se sont exilés en Allemagne u dans d’autre pays d’Europe, y compris en France.