LILLE (AFP) - L’hospitalisation de Joëlle Aubron, opérée mardi d’une tumeur au cerveau à Lille, met en lumière la dégradation de la santé des anciens membres d’Action directe (AD) après 17 ans d’incarcération
Joëlle Aubron, en prison à la maison d’arrêt de Bapaume (Pas-de-Calais), a été opérée mardi au CHRU de Lille d’une tumeur au cerveau, après avoir passé une dizaine de jours en observation au centre hospitalier d’Arras, puis à Lille.
Pour Henri Malberg, responsable de la Commission justice du Parti communiste, l’état physique, comme psychologique, des trois autres membres historiques du mouvement terroriste AD n’a cessé lui aussi de se dégrader. Le fondateur du mouvement, Jean-Marc Rouillan (51 ans) est, selon lui, atteint d’un cancer des poumons.
Ce dernier, Joëlle Aubron (44 ans), Nathalie Ménigon (47 ans) et Georges Cipriani (53 ans), purgent depuis leurs condamnations en janvier 1989 et en mai 1994 par la cour d’assises spéciale de Paris une peine de prison à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 18 ans, notamment pour l’assassinat du PDG de Renault Georges Besse et celui du général René Audran.
Le collectif "Ne laissons pas faire", qui réclame depuis des années une amélioration des conditions de détention des anciens d’AD, affirme que Joëlle Aubron "a été mise au secret pendant dix jours".
"Il a fallu attendre la veille de l’opération pour que ses parents soient à nouveau autorisés à lui parler. Ils doivent s’entretenir cet après-midi (mercredi) avec le chirurgien qui a opéré leur fille", a déclaré à l’AFP Alain Pojolat, du collectif.
De son côté, Jean-Marc Rouillan "a attendu trois mois, pour des raisons de sécurité et d’escorte, le scanner confirmant le diagnostic" établi lors d’une visite médicale de routine à la centrale de Moulins-Yzeure (Allier) où il avait été transféré le 4 décembre 2003 depuis Arles (Bouches-du-Rhône), a souligné M. Malberg. Il a précisé que depuis l’annonce de sa maladie, il n’avait encore reçu aucun traitement.
Ces difficultés de diagnostic comme de traitement des prisonniers d’AD apparaissent, pour M. Malberg, comme "un miroir des problèmes que pose les pathologies graves des personnes détenues" en France, pays déjà condamné par la Commission européenne de prévention de la torture pour de "graves dysfonctionnements".
Estimant que leurs droits n’étaient pas respectés, Jean-Marc Rouillan avait lui-même mené une grève de la faim de 49 jours en 2000 pour exiger des soins pour sa compagne Nathalie Ménigon et pour Georges Cipriani.
Ce dernier, incarcéré à la centrale d’Ensisheim (Haut-Rhin), a fait depuis 2001 plusieurs longs séjours en hôpital psychiatrique.
Nathalie Ménigon, dépressive et partiellement hémiplégique après deux accidents vasculaires cérébraux, selon son avocat, est à ce jour la seule des quatre à avoir régulièrement demandé sa remise en liberté.
Elle avait invoqué la loi du 4 mars 2002 sur la possibilité de suspension de peine pour raisons de santé, dont a bénéficié en septembre 2002 Maurice Papon, condamné pour complicité de crimes contre l’humanité.
Sa dernière demande de remise en liberté doit être examinée le 26 mars, mais a peu de chances d’aboutir, selon son avocat, car la loi de mars 2002 "exclut les maladies psychiatriques et psychologiques" et que le ministère public s’y oppose toujours.