AFP 26.07.05 | 16h20
La Turquie a été condamnée mardi par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour les émeutes qui avaient fait 17 morts en mars 1995 dans la confrérie alévie d’Istanbul.
La Cour a donné raison à 22 proches des personnes décédées en estimant que les autorités turques avaient violé l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme en recourant "à une force qui n’était absolument pas nécessaire" pour réprimer des manifestations dans les quartiers de Gazi et d’Umraniye à Istanbul.
Les émeutes de Gazi, un quartier déshérité et peuplé d’Alévis, des musulmans qui revendiquent un islam d’inspiration soufie, avaient fait suite au meurtre d’un chauffeur de taxi le 12 mars 1995. 15 personnes avaient au total été tuées et 276 autres blessées par la police qui, selon les requérants, n’avaient pas hésité à faire feu sur la foule et à empêcher les manifestants d’emmener les blessés à l’hopital.
Trois jours plus tard à Umraniye, de nouvelles manifestations étaient réprimées brutalement par la police durant lesquelles deux autres personnes avaient été tuées et plusieurs blessées.
Selon les autorités turques, aucune des balles récupérées sur les corps des victimes ne correspondaient aux armes des représentants des forces qui étaient de service pendant les deux incidents, une version contestée par les proches des victimes qui avaient porté plainte devant la justice turque dès le mois suivant.
Deux policiers furent condamnés respectivement à cinq et un an et huit mois de prison pour avoir tué quatre personnes au total, mais une instruction, ouverte à la même époque et portant sur les décès de quatre autres victimes est toujours pendante.
La CEDH a également condamné mardi Ankara pour n’avoir pas mené une "enquête rapide et adéquate" sur les circonstances entourant les décès, estimant notamment que "la manière dont le système de justice pénale turc a opéré en résponse aux évènements tragiques de 1995 n’a pas permis de garantir que les fonctionnaires concernés répondent pleinement de leurs actes".
La Turquie a enfin été condamnée pour absence d’un "recours effectif" (article 13) qui aurait permis aux requérants de "se plaindre du décès de leurs proches" et d’obtenir des actions en réparation.
Les familles des victimes ont jusqu’à présent obtenu que 150 millions de livres turques (2.800 EUR) à titre d’indemnités d’un fonds d’entraide turc.
La Cour européenne a décidé mardi d’allouer 30.000 € conjointement à six des requérants et 30.000 € à chacun des 16 autres pour dommage moral.