Troisième semaine du procès en Assises de l’affaire du vol de dynamite de
Plévin (Côtes d’Armor) où comparaissent dix Bretons et cinq Basques accusés
d’avoir participé directement ou indirectement (complicité) au vol de 8.7 tonnes
de dynamite et de plusieurs milliers de détonateurs, le 28 septembre 1999.
Cette troisième semaine de procès a été consacrée, dans un premier temps (le
lundi 13 juin 2005) à l’audition de témoins basques, cités le matin par
l’accusation et l’après-midi par la défense. Journée intense marquée par la
présence de nombreux proches des détenus venus en bus, avec la mère d’un des
accusés, montrer au Tribunal que les militants qu’il juge dans le cadre d’une
juridiction d’exception ne sont pas des terroristes, mais des combattant-e-s
issus d’un peuple qui désire sa liberté. Ce jour-là a été une parfaite
démonstration du fait que nous assistions de façon incontestable - et contrairement à
ce que l’État français veut faire croire - à un procès politique, où les
accusés sont des Prisonniers politiques, même si l’État français leur refuse ce
statut.
Didier Rouget, docteur en droit et maître de conférence à Paris VIII, a
énuméré les manquements de la France en matière des Droits de l’homme, soulignant
le fait que la ligne jaune tend à être franchie, des policiers espagnols
participant de plus en plus régulièrement aux interrogatoires dans les
commissariats français, en temps qu’experts de l’interrogatoire. Il a rappelé que l’
Espagne a été condamnée à plusieurs reprises par l’ONU pour les actes de
torture pratiqués sur son territoire par les Forces de Sécurité de l’État ; les
crimes du GAL, terrorisme d’État impuni en France et dont les auteurs en Espagne
bénéficient de remises de peines systématiques, et dont le père d’une des
prévenu-e-s a été victime. Il a, en outre, dénoncé les abus de détention
provisoire dont sont l’objet les prisonniers politiques basques, trois d’entre eux
dans ce procès étant en détention depuis cinq ans et huit mois.
Jean François Lefort lui a succédé. Débordant d’énergie mais aussi de
rigueur et de précision, "Lof" porte parole d’Askatasuna (association légale en
France mais interdite en Espagne), actuellement en détention sur la base d’un
unique témoignage obtenu dans des circonstances restant à préciser, a rappelé
qu’il n’y a jamais eu autant de prisonniers politiques basques. Rien que dans
les prisons de l’État français, il y a actuellement plus de 150 prisonniers,
sur un total de plus de 720. Lof a également rappelé que les prisons
françaises tuent , comme ce fut le cas d’Oihane, retrouvée pendue dans sa cellule.
Eloignement de leur famille et de leurs proches. Visites restreintes, courrier
filtré et censuré, Oihane n’avait pas eu d’autorisation de visite de son
compagnon, aujourd’hui sur le banc des accusés. Mais Lof a également insisté sur
la nature politique du conflit au Pays Basque et sur le fait que la seule
solution pour une paix durable passera par une solution politique à ce conflit
dont la nature est politique.
L’émotion du public, contenue jusque-là par la force des choses, a éclatée
au moment de son départ : applaudissements vigoureux, public debout le poing
levé et Antxoni, la mère d’Oihane, qui se précipite sur Lof pour l’embrasser
avant même que les gendarmes aient le temps d’intervenir.
Menace immédiate d’expulsion du public par le Président Jacob. Menace
assortie d’un : "ces poings levés, cela me rappelle de mauvais souvenirs". Phrase
qu’il répète pour le cas où on ne l’aurait pas bien entendu. Yves Jacob n’en
dira pas plus et ne précisera pas quels sont ses mauvais souvenirs. Une chose
est claire en tout cas : ce n’est pas l’impartialité politique qui l’étouffe.
Xabi Larralde prend la suite de Lof et dénonce l’attitude de l’État français
qui ne reconnaît ni le Peuple Basque ni sa langue, le refus d’un interprète
en langue basque par le Président de ce tribunal en étant une brillante
illustration. Le porte-parole de Batasuna, parti politique interdit en Espagne
mais légal en France, rappelle les propositions formulées par son parti lors du
meeting d’Anoeta en novembre dernier, propositions reprises par ETA. Il a
évoqué également le vote des Cortes, à Madrid, et mis en évidence que seul le
gouvernement français conservait le silence en poursuivant la répression. Il a
enfin insisté sur le fait que le Collectif des Prisonnier-e-s Politiques
Basques (EPPK) était un maillon essentiel pour l’établissement d’une paix durable
au Pays Basque et demandé au tribunal de prendre en compte ce facteur.
Une fois la séance levée, et au moment du départ des presos, la salle leur a
manifesté de façon vibrante sa solidarité par des cris, des slogans, des
applaudissements, et a entonné, debout et le poing levé, l’Eusko Gudariak, le
chant du combattant basque.
Le reste de la semaine ont été consacrés aux interrogatoires de prévenus
bretons : Denez Riou, Gérard Bernard, Richard Le faucheux, Charlie Grall,
Bertrand Grimault et Alain Solé. Les interrogatoires ont essentiellement portés sur
l’avant Plévin et un peu sur l’après Plévin. Sur le vol proprement dit,
uniquement sur les alibis pour la nuit du 28 au 29 septembre 1999. Tout en
affirmant leurs convictions politiques, ces prévenus ont eu un système de défense
totalement différent de celui des Basques et le procès a pris une tournure plus
classique : acceptation de voir leur CV examiné et approfondi, réponse aux
questions posées par le président et l’Avocat général, explications. Le
président , rompu à ce genre d’exercice, s’est fait un "naturel" plaisir de harceler
des prévenus "naturellement" pas préparés à ce genre d’exercice. Néanmoins
leur version des faits à l’issue de cette troisième semaine est cohérente,
même si certains points semblent incompris par le juge et si les différentes
déclarations obtenues par la police et les juges d’instruction ont varié dans le
temps.
Le procès reprendra lundi 20 juin 2005 à 10h00.
Manifestons notre solidarité à Jon, Patxi, Argi, Asier et Benito Fermin !
Et à tous les Prisonniers Politiques Basques
Ils n’ont rien à faire en prison
Solidaires du Peuple basque en lutte - Paris / SPBL- Paris
Paris 18-06-2005