Depuis plusieurs mois se tient, à Madrid, le procès 18/98 (du nom du macro-dossier monté par le juge Garzon). C’est un moment caractéristique de ce que vit le Pays basque depuis de longues années : une situation d’apartheid politique.
Pour comprendre ce procès, il convient, avant toute chose, de se rappeler de la doctrine inventée par le juge Garzon et ses amis du Partido Popular (qui étaient alors au pouvoir) sur laquelle repose tout le dossier d’accusation (qui vise des dizaines et des dizaines de citoyens basques) selon laquelle ETA, par ses actions violentes, agit pour l’autodétermination des Basques. Aussi, toutes celles et ceux qui, individuellement ou collectivement, militent pour l’autodétermination du peuple basque sont des membres d’ETA ; toutes les organisations qui militent dans ce sens sont assujetties et dirigées par ETA, quels que soient les moyens employés pour exprimer cette revendication.
En d’autres termes, tout indépendantiste est supposé être membre d’ETA...
Eugenio Etxebeste est un personnage connu au Pays basque, un de ceux que l’on appelle les « historiques ». Sa vie, il l’a consacrée entièrement à la revendication et à la défense de droits qui reviennent au peuple basque, parmi lesquels le droit l’autodétermination. Membre d’ETA, il a fait partie de ceux qui ont été contraints de vivre, pendant des années, loin de la terre qu’il chérie. Représentant l’organisation armée lors des négociations d’Alger, il a par la suite passé de longues années en prison et n’a été libéré que très récemment.
Il a comparu, hier, dans le cadre du procès 18/98. Son témoignage nous semble important dans la compréhension d’un dossier qui n’est rien d’autre que la tentative - une tentative de plus - de criminaliser tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, travaille pour le respect des droits individuels et collectifs du peuple basque.
Aussi, les Solidaires du Peuple basque en lutte - Paris (SPBL- Paris) ont traduit et vous présentent un article publié dans le journal basque GARA (www.gara.net) du 18 mai 06, revenant sur le témoignage de celui que tout le monde, au Pays basque, appelle Antton.
SPBL-Paris
En 1972, alors qu’il est étudiant, il entre dans l’organisation armée pour y rester jusqu’en 1984, année où commence une longue période de déportation. Eugenio Etxebeste, Antton, a directement connu trois étapes et formes de structuration d’ETA : d’abord, celle qui depuis la 5è Assemblée a fonctionné en quatre fronts : les fronts Politique, Militaire, Ouvrier et Culturel ; ensuite, celle de la scission, en 1974, lorsque l’organisation prend le nom d’ETA politico-militaire (ETA-pm) ; et, enfin, celle qui s’est appelée ETA militaire (ETA-m) puis, bientôt, portera seule le sigle ETA (Euskadi Ta Askatasuna).
Une large expérience de laquelle il s’est prévalu, hier, pour discréditer la principale thèse de l’accusation du dossier 18/98 qui soutient que l’organisation armée se sert d’autres organismes pour développer ses activités et utilise des militants « dédoublés » dans d’autres organisations.
Une thèse qu’il a totalement écartée et qu’il a qualifiée d’absurde parce que, comme il l’a rappelé, l’organisation a elle-même désigné cette stratégie du dédoublement et de la double militance (soutenue pendant les années antérieures par ETA-pm) comme étant une « erreur historique ».
Etxebeste, après avoir répondu au procureur Enrique Molina et avoir rejeté l’idée qu’ETA ait eu une relation avec KAS, a exposé dans le détail le processus qui, après l’action qui coûta la vie à Carrero Blanco et les interpellations qui ont suivi, a débouché sur la disparition de la structure en front et à la scission entre ETA-m et ETA-pm...
Il a explique que, après avoir organisé ce débat dans un Biltzar Ttipia en 1974, il a, pour sa part, opté pour la structure politico-militaire face à d’autres qui firent le choix d’une ETA développant exclusivement une activité militaire et ayant un caractère indépendant de tout autre organisme. Sur cette base, il a détaillé le fait que ETA-pm, elle, a impulsé - dans le cadre d’une même structure organique - différents organismes sociaux et politiques élargissant sa stratégie politico-militaire.
Il cite même son exemple, celui de responsable de la zone de Saint Sébastien et, bientôt, de l’ensemble de la région. Il précise que cette responsabilité comprenait tant les commandos armés que les organisations de masse. Il affirme aussi qu’il assista, comme représentant d’ETA-pm, aux réunions de KAS, ce que ne faisait pas ETA-m, et de rappeler que l’organisation politico-militaire lança la création d’un parti, toujours dans le cadre de la même structure.
Le constat selon lequel cette structuration commençait à souffrir des mêmes erreurs que la structure des fronts, mais aussi du fait de divergences de fond avec la direction d’ETA-pm, Etxebeste et d’autres membres se dirigent alors vers ETA-m qui, par la suite, s’appellera simplement ETA.
Dans cette organisation, il n’a jamais entendu parler de la mise en place de dédoublements ou de double militance. « Ce serait absurde », a-t-il déclaré hier, concluant que « si quelqu’un l’avait proposé, cela aurait motivé une autre scission ».
Il rejette aussi l’information selon laquelle, pendant sa déportation à Saint Domingue, il aurait reçu la visite de représentants de KAS et rappelle que toutes les visites qu’il a reçu étaient faites à la connaissance du Gouvernement espagnol, du Gouvernement français, et du Gouvernement local.
Emissaire de Mayor Oreja
Comme Antton, l’ancien prisonnier politique de Bilbao, Iñaki Herran, a lourdement insisté sur le caractère « totalement autonome et indépendant » d’ETA, organisation qui, selon ses dires, « n’admet aucune ingérence de la part de qui que ce soit et prétend encore moins diriger ou contrôler l’activité d’une quelconque autre organisation ».
Arrêté en 1999 à Paris, Herran signale qu’il a participé à l’appareil international d’ETA, qui ne se composait que de militants de l’organisation armée, et raconte que, parmi leurs missions, était inclus le fait d’entretenir des relations avec d’autres groupes armés, agents politiques etgouvernements.
Comme exemple, il explique qu’un émissaire de l’ancien ministre de l’Intérieur espagnol, Mayor Oreja, s’est réuni avec eux quelques heures seulement après l’action qui coûta la vie à un conseiller du PP à Séville, le PP qui, « alors qu’il était au pouvoir, a toujours tenté de maintenir une voie de communication avec ETA ».