mardi 16 mai 2006, 11h07
Par Benjamin SPORTOUCH
PARIS (AFP) - Yvan Colonna, meurtrier présumé du préfet Claude Erignac en 1998, a été renvoyé vendredi devant les assises de Paris pour "assassinat en relation avec une entreprise terroriste", a-t-on appris lundi de sources concordantes.
Yvan Colonna devra également répondre d’"association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", a-t-on précisé de source proche du dossier.
Me Philippe Dehapiot, l’un des avocats d’Yvan Colonna, a indiqué lundi à l’AFP que son client faisait "immédiatement appel" de cette ordonnance de renvoi devant la cour d’assises spéciale, conforme aux réquisitions du parquet.
En cavale pendant quatre ans, Yvan Colonna avait été arrêté le 4 juillet 2003 dans le maquis corse et mis en examen pour "assassinat", quelques jours seulement après le début du procès du commando impliqué dans l’assassinat du préfet.
Le préfet de Corse Claude Erignac a été abattu de trois balles dans la nuque, le 6 février 1998 dans une rue d’Ajaccio alors qu’il se rendait à pied à un concert.
Soupçonné d’être l’exécuteur du haut fonctionnaire, Yvan Colonna avait été le grand absent du procès des huit membres du commando "des anonymes", finalement condamnés en juillet 2003 par la cour d’assises spéciale de Paris à des peines allant jusqu’à la perpétuité pour leur participation à cet assassinat.
Deux d’entre eux, Jean Castela et Vincent Andriuzzi, condamnés en première instance à trente ans de réclusion, ont finalement été acquittés en appel en février et libérés le 21 mars, preuve pour la défense de Colonna d’une "instruction à charge".
Cette instruction menée durant près de trois ans par la juge Laurence Le Vert a été marquée par un coup de théâtre : l’aveu surprise de l’un des membres du commando, Pierre Alessandri, l’ami d’enfance d’Yvan Colonna, s’accusant d’être le tireur. "C’est moi qui ai tué le préfet", a-t-il écrit le 25 septembre 2004 dans un courrier à la juge.
Contre Colonna, l’accusation dispose cependant des témoignages concordants de plusieurs membres du commando qui l’ont désigné comme le tireur devant les enquêteurs peu de temps après leur interpellation, puis devant la juge d’instruction, en présence des avocats.
Pour la défense de Colonna, le nom de leur client aurait été soufflé par des policiers.
Ses avocats ont dénoncé en mars "des dysfonctionnements" dans l’instruction menée "sans preuve" contre leur client.
Selon eux, "policiers et juges ont tout fait pour que le dossier confirme leur thèse en orientant des interrogatoires, en éludant les contradictions des témoignages à charge et en refusant de prendre en compte des éléments à décharge".
"Le réquisitoire rendu par le parquet est implacable pour Colonna comme la démonstration de culpabilité de Jean Castela et Vincent Andriuzzi", selon eux.
"Ces acquittements démontrent que cette apparence de cohérence ne repose en réalité que sur une construction", expliquait Me Gilles Simeoni.
"La thèse de la culpabilité de Colonna, alors en fuite, arrangeait le commando", a-t-il ajouté.
Le seul témoin oculaire de l’assassinat n’a pas reconnu Colonna lors d’un "tapissage" (méthode anonyme d’identification", soulignaient les avocats.
Yvan Colonna est également renvoyé devant les assises pour l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-Sud) en 1997, au cours de laquelle l’arme ayant servi à tuer le préfet Erignac avait été dérobée.
Les deux affaires pourraient être jointes si le président de la cour d’assises de Paris saisie le décidait.
Yvan Colonna encourt la réclusion criminelle à perpétuité.