LE MONDE | 22.03.06 | 14h22 • Mis à jour le 22.03.06 | 14h22
Près quinze mois de procès, le jury de la cour pénale de Callao a condamné, mardi 21 mars, pour " terrorisme", douze dirigeants du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA), guérilla d’obédience guévariste ayant contribué au conflit qui aurait fait 69 000 victimes au Pérou entre 1980 et 2000.
Alors que le procureur général avait réclamé la prison à perpétuité, Victor Polay Campos, fondateur et chef du MRTA, a écopé d’une peine de 32 ans de prison, comme son bras droit, Miguel Rincon ; les autres inculpés de 25 ans à 28 ans d’incarcération.
Créé en 1982, le MRTA a lancé sa "guerre révolutionnaire" contre l’Etat péruvien en 1984 puis a multiplié les exécutions et les enlèvements jusqu’en 1997. Selon la Commission de la vérité et de la réconciliation, chargée de faire le bilan du conflit, le MRTA serait responsable de 2 % des victimes tuées durant les deux décennies de violences. La guérilla maoïste du Sentier lumineux a été beaucoup plus sanguinaire.
Arrêté une première fois en 1989 puis en 1992, Victor Polay, 55 ans, restera donc emprisonné jusqu’en 2024 sur la base navale de Callao (Lima), où il est incarcéré depuis quatorze ans pour "trahison à la patrie". En 1993, un tribunal militaire, composé de juges encagoulés, l’avait déjà condamné à la prison à perpétuité.
En 2001 pourtant, la sentence était annulée par la Cour constitutionnelle, qui estimait non conformes à la Constitution le jugement d’un civil par un tribunal militaire et le recours à des juges encagoulés.
La plupart des procès ayant eu lieu sous le régime de l’ex-président Alberto Fujimori (1990-2000) sont ainsi rejugés. Cette décision est à l’origine des procédures actuelles à l’encontre du MRTA mais aussi du Sentier lumineux, dont les dirigeants sont en cours de jugement.
Vendredi 17 mars, un collectif de personnalités péruviennes avait réclamé une "sentence juste" pour le chef du MRTA. La pétition rappelait que Victor Polay avait déjà passé de longues années en prison dans des "conditions inhumaines" sous l’ère Fujimori, et revendiquait "sa réincorporation à la vie politique" afin de "cicatriser des blessures d’une douloureuse étape" de l’histoire du Pérou.
Chrystelle Barbier
Article paru dans l’édition du 23.03.06