L’ETA, qui mène depuis près de quarante ans une lutte émaillée d’attentats sanglants pour l’indépendance du Pays basque, a proclamé un cessez-le-feu permanent à compter du 24 mars.
José Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement espagnol, a accueilli la nouvelle avec prudence, soulignant que le processus de paix serait long et difficile.
Des rumeurs faisaient état depuis des semaines de négociations secrètes entre l’organisation séparatiste et le gouvernement de Madrid.
Un document vidéo diffusé à la télévision montre trois etarras coiffés de bérets noirs, le visage dissimulé sous des cagoules blanches, assis à une table devant un drapeau du mouvement.
"L’ETA a décidé de déclarer un cessez-le-feu permanent à compter du 24 mars 2006", déclare une femme assise au milieu, lisant un communiqué.
"L’objet de cette décision est de faire avancer le processus démocratique au Pays basque afin de construire un nouveau cadre dans lequel nos droits en tant que peuple seront reconnus, et afin de permettre le développement futur de toutes les options politiques."
L’objectif historique de l’ETA est la création d’un Etat basque indépendant dans le nord-ouest de l’Espagne et le sud-ouest de la France. Le mouvement séparatiste a tué 850 personnes depuis 1968 et extorqué des fonds à des milliers d’entreprises basques au fil des années.
Un cessez-le-feu peut ouvrir la voie à des pourparlers officiels avec le gouvernement socialiste espagnol, beaucoup plus enclin que les conservateurs qui l’ont précédé à céder de nouveaux pouvoirs aux régions.
"La position du gouvernement est empreinte de prudence et de circonspection", a déclaré Zapatero à la tribune des Cortès.
"Après tant d’années d’horreur et de terreur, le processus sera long et difficile", a-t-il souligné, ajoutant qu’après avoir été unie dans la violence, l’Espagne devait l’être dans l’espoir.
L’ESPAGNE "UNIE DANS L’ESPOIR"
Maria Teresa Fernandez de la Vega, vice-présidente du gouvernement, a quant à elle salué "une très bonne nouvelle pour les Espagnols".
"Le gouvernement a le devoir de se montrer extrêmement prudent ; on n’est jamais trop prudent. C’est notre désir et notre souhait que cela soit le début de la fin", a-t-elle ajouté.
Dans son communiqué, l’ETA évoque à deux reprises l’implication de la France dans l’avenir du Pays basque, ce que Paris a toujours exclu. "Les Etats français et espagnol doivent reconnaître les résultats de ce processus démocratique, sans aucune forme de limitation. La décision que nous prenons en tant que citoyens basques doit être reconnue", précise le communiqué.
Le Quai d’Orsay a rappelé que l’affaire relevait de la souveraineté espagnole et son porte-parole a rappelé les propos tenus par Dominique de Villepin lors de sa visite à Madrid, le 13 mars dernier.
Le Premier ministre français avait alors déclaré que la perspective d’une fin de la violence au Pays basque constituait "un espoir pour nous tous que la paix puisse réellement triompher".
Classé parmi les organisations terroristes par les Etats-Unis et l’Union européenne, l’ETA avait annoncé à la fin des années 1990 un cessez-le-feu qu’elle devait annuler au bout de deux ans.
Selon une enquête publiée ce mois-ci par le quotidien El Mundo, plus de la moitié des Espagnols (54%) pensaient que le gouvernement était engagé dans des négociations secrètes avec l’ETA malgré de multiples démentis. Soixante-quatre pour cent disaient ne pas être opposés à de tels pourparlers si le mouvement acceptait ensuite de déposer les armes.
Certains responsables politiques s’interrogent cependant sur la portée de l’annonce de cette nouvelle trêve.
"L’expérience a montré que nous devions prendre les communiqués de l’ETA avec précaution", a dit Artur Mas, dirigeant du parti nationaliste catalan CiU (Convergence et union). "La violence terroriste nous a tous affectés. Quand nous verrons cela noir sur blanc, nous pourrons donner notre avis."
Depuis 2004, l’ETA n’a fait usage que d’engins explosifs de faible puissance, qui ont causé des dégâts matériels sans faire de victimes.