(TamilNet)
10 soldats de la SLA (Armée Sri lankaise) ont été tués et 7 autres blessés lors de l’attaque à la mine d’un de leurs véhicules sur la route de Jaffna à Point Pedro mardi 27 décembre. A la suite de l’attaque, les soldats ont blessé deux civils en leur tirant dessus. Les soldats avaient été attirés sur zone par le jet d’une grenade 30 mn auparavant.
Dimanche, trois attaques se sont produites contre les forces de sécurité du district de Jaffna. 2 policiers ont été blessés par un homme qui a lancé des grenades contre leur poste à Kodikamam (le long de la route Kodikamam-Point Pedro). En réponse les soldats ont longuement tiré sur l’ensemble des alentours. Un soldat a été blessé dans une attaque similaire à Kailasapillaiyar. Enfin lors d’une troisième attaque, deux soldats ont été blessés, toujours à la grenade, à Thattatheru.
Ces attaques se sont produites alors que 8 civils ont été abattus en l’espace de 6 heures par des soldats Sri lankais entre samedi et dimanche derniers. Les 8 cadavres ont été retrouvés près du port de Jaffna, tous les 5 portaient de sévères traces de coups. La SLA avait mené une opération dans le secteur. D’autres civils ont été tués ces derniers jours et les Tamouls relatent également de plus en plus la présence d’escadrons de la mort.
Menaces sur le cessez-le-feu au Sri-Lanka (Le Monde)
Casqués, armés et portant des gilets pare-balles, les soldats sri-lankais ont repris position dans les rues de Jaffna, la grande ville tamoule du nord du pays, et réoccupé leurs bunkers à tous les principaux carrefours. A la tombée de la nuit, tous les commerces ferment, les rues sont désertées et, même sans couvre-feu imposé, très peu d’habitants se hasardent à circuler.
Officiellement toujours en vigueur, la trêve signée en février 2002 entre le gouvernement et le LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul), qui se bat pour "une patrie" pour la minorité tamoule de l’île, est de plus en plus fragile. "Il ne se passe pas de jour sans au moins un incident à Jaffna", affirme un observateur.
En un mois, une soixantaine de personnes, dont au moins 35 soldats - 30 sont morts dans l’explosion de mines au passage de leurs véhicules dans la péninsule de Jaffna et dans la presqu’île de Mannar - ont été tués. Des jets de grenades contre des postes militaires ou des tirs visant des soldats en patrouille ont été aussi meurtriers. Samedi 24 décembre, un député lié au LTTE a été tué pendant la messe de minuit à Batticaloa (est). Le LTTE nie sa participation à ces opérations, affirmant qu’elles sont menées par la population locale exaspérée par le manque de progrès des négociations de paix. Mais, note le même observateur, "rien ne se passe à Jaffna sans la connaissance et l’approbation des Tigres".
Les violences se concentraient depuis plusieurs mois dans l’est du pays, où la défection d’un important chef militaire du LTTE entretenait une guerre intestine. Elles ont brusquement éclaté au nord de l’île après l’élection à la présidence du Sri Lanka de Mahinda Rajapakse, le 17 novembre. Lors de sa campagne, le candidat s’était prononcé pour une révision de l’accord de cessez-le- feu signé en février 2002 et le renvoi du "facilitateur" norvégien du processus de paix. Puis le nouveau président a dû revenir en arrière, acceptant la médiation norvégienne et invitant les Tigres à reprendre les négociations. En multipliant les violences, ces derniers cherchent sans doute à faire monter les enchères avant toute reprise des pourparlers et avant le voyage en Inde, mardi, du président srilankais.
La population semble avant tout lasse de la guerre. "Nous ne voulons plus de problèmes. Maintenant nous pouvons circuler partout et les affaires ne marchent pas mal. Nous ne voulons pas perdre cela", affirme Udaya Kumar, mère de neuf enfants. "Personne ne veut la reprise des combats. Nous ne voulons plus nous battre, et seuls les jeunes se laissent manipuler", renchérit Silvakumar, garde de nuit dans un petit hôtel.
POPULATION DIVISÉE
L’ouverture de la route reliant Jaffna à Colombo a permis à beaucoup de Tamouls de se déplacer, malgré les contrôles tatillons de l’armée et des Tigres. La population de Jaffna est toutefois clairement divisée entre les intellectuels qui soutiennent le LTTE - "seule organisation qui a constamment exprimé notre désir de liberté", affirme l’évêque de Jaffna - et la grande majorité des habitants qui veulent la paix. "La violence est un message au nouveau gouvernement pour l’obliger à faire face aux réalités et chercher une solution au problème tamoul", affirme encore Mgr Thomas Saundranayagam. "La jeune génération n’a connu que la guerre. Tout ce qu’elle a en tête est que les Cinghalais ont trahi les Tamouls, qu’ils considèrent comme des citoyens de deuxième classe", affirme un journaliste qui, par peur, comme beaucoup, veut garder l’anonymat.
Face aux attaques, l’armée répond avec une fermeté accrue et multiplie les interpellations, les interrogatoires, les fouilles. Ce qui exaspère la population et risque de la rapprocher du LTTE. Tout en affirmant qu’il évitera le piège de la provocation, le nouveau chef de l’armée, le général Sarath Fonseka, a donné aux troupes des ordres pour se défendre. Chacun craint l’escalade.
"L’accord de cessez-le-feu est en péril", affirme Hagrup Haukland, le chef des 60 observateurs scandinaves chargés de le surveiller. Toutefois, personne ne croit au retour de la guerre. "Le LTTE sait qu’il ne gagnera plus la sympathie de la communauté internationale et que, en cas de guerre, il risque de perdre non par manque d’hommes ou d’armes mais parce que la communauté internationale renforcera le gouvernement, relève un diplomate. Il a besoin d’être la victime."
De son côté, le gouvernement n’a aucun intérêt à paraître belliqueux et doit se montrer flexible pour garder le capital de sympathie dont il bénéficie face aux Tigres. Dans cette situation à haut risque, la Norvège tente de ramener au plus vite les parties à la table de négociation pour, au minimum, revoir les accords déjà passés et les faire appliquer.
Françoise Chipaux
Article paru dans l’édition du 27.12.05