« Un spectre hante l’Europe. Ce spectre, c’est celui du communisme »,
nous disait déjà le vieux Karl, il y a plus d’un siècle.
La bourgeoisie n’a pas réussi à exterminer ce spectre-là, parce qu’il
n’est pas
un, il est dix, il est cent et mille, il est des millions des nôtres.
Il est
collectif, il est notre spectre forgé des âmes innombrables de tous
ceux qui se
levèrent un jour pour la dignité, pour la justice, pour le communisme
et qui
donnèrent leur vie pour que celle des générations à venir vaille d’être
vécue.
Ames, néanmoins vivantes des fusillés de la Commune, des héros de 48,
des
combattants contre la barbarie nazie, des résistants et des rebelles de
toujours.
Joëlle Aubron est aujourd’hui de ces âmes-la, elle est aujourd’hui de
ce spectre
dont nous ferons tout pour qu’il continue à hanter les pires cauchemars
de la
bourgeoisie, jusqu’à ce que les exploiteurs en perdent toutes les
possibilités
de sommeil, jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus, jusqu’à ce qu’ils
déposent
les armes et disparaissent.
Joëlle Aubron, qui s’est engagée totalement dans la lutte, sous sa
forme la plus
radicale et la plus dangereuse, fait partie intégrante du mouvement
révolutionnaire issu, vers 1973, des ruines du gauchisme et de la
débâcle des
organisations maoïstes.
Dans les années quatre-vingt, alors que la social-démocratie, portée
au pouvoir
par l’élan populaire de 1981, commençait, sans surprise, à appliquer
son
programme de transformation néolibérale, une fois passée l’euphorie des
mesures
symboliques (suppression de la peine de mort, 39 heures...), Joëlle, avec
ses
camarades, a tenté de donner une réponse révolutionnaire par la forme
de son
engagement : la lutte armée. D’une manière quasi générale, les forces
politiques de toutes les gauches même les plus radicales, se sont
jointes aux
voix de la bourgeoisie pour condamner, avec des mots jamais assez
forts, la
pratique des camarades combattants. Vingt ans plus tard, ces penseurs
sont
confrontés à leur propre déchéance. Désorganisation des mouvements de
lutte,
absence de programme révolutionnaire structuré, négation des idées
mêmes de la
lutte, dénigrement systématique de toutes les expériences
révolutionnaires
passées.
Pourtant, des émeutes des cités de novembre au mouvement actuel contre
le CPE,
nous sommes toujours confrontés à la même force anti-sociale.
Comme le dit la chanson, « La violence, elle est partout, c’est vous
qui nous
l’avez apprise, patrons qui exploitez, flics qui matraquez... »
Combattante révolutionnaire, Joëlle Aubron n’a pas été vaincue. Elle a
refusé
le reniement, jusqu’au bout.
L’alliance de perversité hypocrite et de barbarie sans limites que la
bourgeoisie a manifestées à son encontre, en particulier par les
conditions de
détention les plus volontairement destructives, a peut-être débarrassé
les
exploiteurs de la présence physique de Joëlle Aubron.
Mais pourquoi cet acharnement ?
Reconnaissons-le avec fierté : parce que Joëlle Aubron était
dangereuse.
Imaginons aujourd’hui l’existence d’un mouvement révolutionnaire se
donnant les
moyens d’être réellement révolutionnaire, c’est-à-dire les moyens de
triompher,
semblable à celui qui se profilait lorsqu’AD est apparu parmi d’autre
groupes
combattants. Imaginons une telle existence maintenant que la rage, la
désespérance, la colère deviennent majoritaires dans les villes et les
campagnes de ce pays ! On comprend que la bourgeoisie ait tout fait
pour
éliminer Joëlle Aubron, tout comme elle continue à s’acharner contre
Nathalie
Ménigon, Jann Marc Rouillan, Régis Schlescher, Georges Cipriani et bien
d’autres combattants révolutionnaires.
Sa mémoire est et restera dangereuse.
A l’heure même où dans les cités populaires comme dans les rues de la
bourgeoisie du Quartier Latin la jeunesse se lève pour la justice et se
confronte avec les bandes armées du capital, les mercenaires et les
traîtres
réformistes de tous poils, la voie ou s’était engagée Joëlle Aubron et
ses
camarades aura-t-elle ouvert une brèche où les peuples de cet Etat
sauront
s’engouffrer ?
Oui, pour nos peuples, pour la jeunesse qui défile aujourd’hui dans les
rues des
villes, Joëlle Aubron montre l’exemple. L’exemple du combat par lequel
nous
pouvons certes encore subir les pires défaites, mais sans lequel il est
totalement exclu de remporter la seule victoire historique à laquelle
nous
devons aspirer : la destruction de l’Etat bourgeois, l’éradication
définitive
du Capital, la victoire du communisme.
Joëlle, jusqu’au dernier moment n’a jamais renoncé. Elle fait partie de
ces
êtres humains qui nous montrent par leur courage que la vie est autre
chose que
ces méandres de tractations et de soumission que l’on nous présente
comme le
sommum de la pensée humaniste : l’individu libre et démocrate.
Au contraire, Joëlle nous montre que la vie est amour et révolution.
A Joëlle Aubron et à ses camarades, salut et fraternité.
Le 18 mars 2006, Paris.
Frédéric Oriach
Mikel Lapeyre