Par Andrew Kennis
9 janvier 2006
Tonalá et San Cristóbal de las Casas, Chiapas, México : Après une décennie de lutte contre un cancer du rein, la dirigeante zapatiste, Commandante Ramona est décédée hier au petit matin. Au bord des larmes et avec la voix cassée, le Sous-Commandant Marcos a rendu publique le décès de Ramona, alors qu’il se trouve à mi-chemin de la partie Chiapas de « l’Autre Campagne », tournée nationale zapatiste de six mois.
Comandanta Ramona, 1959-2006
« Je veux vous demander respectueusement de ne pas m’interrompre avant que je finisse... On vient de me dire que la Commandante Ramone est décédée ce matin... Le monde a perdu l’un de ces femmes qui accouchent des nouveaux mondes. Le Mexique a perdu l’un des combattantes dont on a tant besoin. Et nous, on nous a arrachée une partie du cœur », a dit Marcos. L’auto-nommé Délégué Zéro a annoncé ensuite l’annulation des activités prévues pour les prochains jours, car la délégation de l’Autre Campagne partirait immédiatement en voyage vers Oventic pour assister aux funérailles, qui sont fermées au public.
L’annonce déchirante est arrivée vers Quatre heures de l’après-midi d’hier, juste après une pause abrupte d’une heure dans un meeting de plus de six heures dans le petit village côtier de Tonalá.
Défenseure des droits de Femmes et de leurs labeurs et artisanat, Ramona s’est levée hier très affaiblie, mais elle est toutefois partie d’Oventic vers San Cristóbal de las Casas. Elle est décédée pendant le voyage.
Sa dernière apparition publique eût lieu en septembre dernier, lors de l’assemblée de préparation de l’Autre Campagne, au fin fond de la Forêt Lacandone, cœur du territoire zapatiste.
Ramona est la première membre du Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène (CCRI), la direction du EZLN qui est décédée dans les douze ans de lutte. Sa lutte avec le cancer fût longue aussi, elle a subi une greffe du rein en 1996, après une importante campagne pour récolter les fonds. La plupart des sympathisants considèrent que la greffe lui a donné une décennie à vivre en plus. Comme conséquence de sa maladie, Ramona faisait peu d’apparitions publiques ; mais elle a toutefois laissé sa trace de nombreuses formes au sein de l’influent groupe rebelle indigène et au-delà, avec ses sympathisants.
En 1993 la commandante Ramona et la Majeur Ana María ont consulté exhaustivement les communautés indigènes zapatistes (alors clandestines) sur l’exploitation des femmes, et ensuite elles ont rédigé la Loi Révolutionnaire des Femmes. Le 8 mars de cette année la loi fût approuvée.
Ramona était une femme petite et d’une voix douce, avec des hautes responsabilités, telles le commandement militaire lors du soulèvement de 1994. En Février de cette année, après le cessez-le-feu déclaré par les zapatistes, Ramona était la première représentante zapatiste à parler lors des conversations de paix avec le gouvernement. Deux ans plus tard, quand les autorités mexicaines ont interdit les zapatistes de participer au Congrès National Indigène qui est tenu dans la ville Mexico, c’était la fragile et malade Ramona qui est allée les représenter. Le détour avait bien marché, car même si le gouvernement a accepté Ramona, elle est allée pour représenter aux zapatistes, et elle a pris la parole devant plus de cent mille sympathisants, dans le Zócalo de la ville de Mexico, lors de cette importante rencontre nationale d’indigènes. Le gouvernement mexicain, déconcerté par la popularité de cette femme pauvre et indigène, a fait plusieurs tentatives de miner son influence. En 1997 ils sont allés jusqu’à déclarer que la dirigeante rebelle était morte. Et quand elle a fait des apparitions publiques pour démontrer le contraire, les autorités mexicaines ont accusé les zapatistes de s’être servis d’un sosie.
La mort de Ramona est le reflet de la crise de la sécurité sociale qui frappe fortement les communautés indigènes et appauvries du Chiapas. Dans le sud-est mexicain, où habitent la plupart des indigènes du Chiapas, il n’y a pas d’hôpitaux. Le gouvernement fédéral a promis depuis des années la construction d’un hôpital à San Andrés Larráinzar (le même village où les accords de paix jamais respectés entre les zapatistes et le gouvernement mexicain en 1996). Néanmoins, la promesse de construire un hôpital ne s’est jamais concrétisée. Et le Chiapas continue à manquer cruellement de ressources sanitaires dans les régions les plus lointaines. Seulement à San Cristóbal, les femmes ont accès à des formations préventives qui pourraient sauver des femmes avec des dépistages de cancer. Mais cette ville est entre deux et douze heures de distance de la plupart des communautés indigènes...
Bref, au manque d’hôpitaux, les coûts de l’attention médicale sont souvent très restrictifs pour la plupart des pauvres et malades du Chiapas.
Loi révolutionnaire des femmes zapatistes
1. Les femmes, indépendamment de leur race, croyance ou affiliation politique, ont le droit de participer à la lutte révolutionnaire aux lieux et grades que leur volonté et leur capacité déterminent.
2. Les femmes ont le droit de travailler et de recevoir un salaire juste.
3. Les femmes ont le droit de décider du nombre d’enfants qu’elles peuvent avoir et dont elles peuvent s’occuper.
4. Les femmes ont le droit de participer aux questions qui concernent la communauté et d’exercer des responsabilités publiques, si elles sont élues librement et démocratiquement.
5. Les femmes et leurs enfants ont droit à la santé et à l’alimentation.
6. Les femmes ont droit à l’éducation.
7. Les femmes ont le droit de choisir leur mari ou compagnon, elles ne sont pas obligées de se marier de force.
8. Aucune femme ne pourra être maltraitée physiquement, ni par des membres de sa famille ni par des étrangers. Les délits de tentative de viol seront sévèrement punis.
9. Les femmes pourront occuper des responsabilités de direction dans l’organisation et obtenir des grades militaires dans les forces armées révolutionnaires.
10. Les femmes auront tous les droits et toutes les obligations en accord avec les lois et règlements révolutionnaires.
Cette loi est une des premières lois édictées par les zapatistes, en janvier 94, dans les zones sous leur contrôle.