Trois prisonniers, parmi lesquels Régis Schleicher ont tenté de s’évader, le 12 février, de la centrale de Moulins-Yzeure, dans l’Allier.
Ci dessous, une lettre de mai 2001 de R. Schleicher à la Juge d’application des peines
Madame Catherine Mallaroche
Juge de l’application des peines
TGI de Moulins
Objet : Demande de libération conditionnelle
Madame le juge,
En plus de dix-sept années d’incarcération, je n’ai été confronté qu’en deux occasions à un magistrat de l’application des peines, ce qui en soi est déjà un paradoxe.
Lorsque vous me reçûtes en audience la première fois, dans le courant de l’automne 2000, vos premiers mots comme si seize années de la vie d’un homme n’étaient rien furent : « Pour quelle raison posez-vous une demande de libération conditionnelle, c ’est un peu prématuré ». Je compris dès lors qu’il m’était fait reproche d’user du Droit des magistrats, répréhensible le droit pour le prisonnier d’aspirer à ne plus l’être.
Vous me fîtes grief ensuite de la désignation de Maître Jacques Vergés « le défenseur d’un terroriste palestinien* ».
Lors de la seconde audience, des « contacts avec des groupes extrémistes turcs et palestiniens » furent blâmés par vos soins, en fait de simples manifestations de solidarité avec des révolutionnaires détenus dans les geôles turques et sionistes. Vous prîtes aussi fort mal mon refus de me soumettre à un examen psychiatrique, de refuser en fait d’accepter que l’idéal révolutionnaire soit réduit à une pathologie mentale assurément folie que de se révolter contre un système qui a produit dans le même siècle Auschwitz, Aussaresses et Pinochet, contre un système en qui les quatre cinquièmes de l’humanité crèvent de faim, contre un système où l’être humain est assimilé à une marchandise que l¹on jette sur le pavé une fois qu’elle n’est plus « rentable »
Je dois dire. Madame, que vos propos ne m’ont pas surpris : historiquement les gens de votre extraction ont toujours privilégié Adolphe Thiers contre Louise Michel, il ne s’est trouvé que trois magistrats à n’être pas dans le camp des Laval et des Pétain, plus nombreux heureusement les anonymes qui rejoignirent Missak Manouchian et Jean Moulin, j’ai toujours préféré pour ma part le camp des « porteurs de valise » à celui des tortionnaires.
A l¹issue de cette seconde audience, vous m’avez aussi conseillé de vous envoyer un courrier, éventuellement, pour vous dire combien j’avais changé.
Eh bien oui. Madame, j’ai changé, mais pas ainsi que vous l’appelez de vos voeux : s’il est un renoncement aujourd¹hui qui doit être le mien, c’est à l’illusion de bénéficier du droit commun, car tant qu’il existera des raisons de se révolter il existera une magistrature politique pour réprimer les révolutionnaires. Si vous aviez besoin d’une argutie supplémentaire pour « justifier » mon maintien en détention, ce courrier vous en fournira l’occasion.
Je vous prie d’agréer. Madame le juge, l’expression de mes salutations.
R Schleicher
Yzeure, le vendredi 25 mai 2001
*Libanais en fait, il s’agit de mon camarade G.I. Abdallah