Je fus arrêté le 30 mai 2005, aux environs de 20h30, à la frontière de Port Bou (Gérone). Après m’avoir demandé mes papiers d’identité, plusieurs membres de la Policia Nacional m’ont conduit au commissariat de la gare. Alors que je refusais de donner mon identité, les coups ont commencé : des coups de poing sur le visage, des coups de pied sur les jambes et les côtes. A la suite de quoi je saignais abondamment du nez et de la bouche. Les policiers m’ont apporté du papier hygiénique pour que je me lave. J’ai refusé de le faire et ils m’ont frotté énergiquement le visage. Ensuite un policier en civil est arrivé. C’était l’un de ceux qui allaient mener mes interrogatoires à Barcelone. Il a commence à me frapper sur l’estomac et sur la tête afin que je lui donne mon identité. En me frappant, il a cassé sa montre et cela a été un prétexte pour me donner encore une raclée. Après quoi, ils m’ont soulevé et ils ont remplacé la ficelle en plastique, avec laquelle j’avais les mains liées au dos, par des menottes qu’ils ont serrées très fort. Ils m’ont jeté de nouveau à terre - sur le dos - et ensuite ils m’ont marché sur la poitrine et sur le ventre, ce qui me provoquait une très vive douleur aux mains. Ils m’ont dit qu’ils allaient m’emmener au commissariat de la Brigada Provincial de Informacion [L’ancienne police politique de l’époque de Franco - Brigade Politico Social - dont le seul changement qu’elle a eu est le nom : Brigada de Informacion. NDT] de Barcelone et que si je persistais dans mon silence, ils s’arrêteraient dans la montagne de Girona pour me tirer une balle.
Une fois dans la voiture, ils ont continué à me frapper. En arrivant dans une zone ombragée d’une aire d’autoroute, ils m’ont fait descendre de la voiture pour « aller faire un tour dans la montagne, disaient-ils, là où personne ne va apprendre ce qui t’arrive ». Comme je continuais à garder le silence ils m’ont ramené, a force de coups, à la voiture, tout en me prévenant que, dès notre arrivée à Barcelone, leurs supérieurs allaient leur demander « des résultats rapides ».
A Barcelone, j’ai été placé dans une cellule où ont défilé tous les policiers qui allaient participer aux interrogatoires. Parmi eux, bien entendu, « le flic gentil » qui promettait de m’aider si je lui donnais des informations. Mais ce qui a caractérisé les 3 premiers jours de la mise au secret ce fut les violences physiques : ils m’ont frappé sur les organes génitaux, ils m’ont tordu le sexe et les testicules, ils m’ont tiré par les poils du pubis et de la barbiche avec des gants en latex...et j’en passe. Par contre, à la différence de ce qui s’était passé à Port Bou, ils ont été très attentifs à ne pas laisser de traces sur le corps. Aussi les menaces de toute sorte ont été continuelles. Ils insistaient sur le fait que je finirais par « me mettre à table » et ils ajoutaient : « Si pour cela nous devons utiliser le sac plastique, les électrodes ou le chevalet, nous le ferons. Si nous devons te suspendre au plafond par les couilles, nous le ferons aussi. Que ce soit clair : tu ne t’en sortiras pas vivant sans nous avoir dit tout ce que nous voulons apprendre. Nous pouvons agir en toute impunité. Tu n’es qu’un putain de terroriste pour les juges de l’Audiencia Nacional. Plus encore, si par mégarde tu te suicidais, personne va nous demander d’explication ». Tout ceci fut combiné avec la privation de sommeil et de repos, la contrainte à rester debout, les humiliations, les insultes, etc.
Pareil pour les chantages émotifs et l’utilisation de drogue. Ils les ont employés à fond. Pendant la garde-à-vue, j’ai refusé leur nourriture et leur boisson, hormis l’eau du robinet, mais ils ont envoyé par-dessous la porte de la cellule un liquide qui m’a donné des hallucinations : il me semblait voir ma peau gercer, je voyais des serpents et des petits lézards, les murs semblaient acquérir des formes bizarres et des reliefs qui me provoquaient une certaine paranoïa lorsque j’essayais de m’y appuyer. Je suppose que c’est pour faire monter cette impression de paranoïa qu’ils ont mis une sorte de couverture dans la cellule. Ils la gonflaient de l’extérieur et cela prenait la forme d’une cage, avec des rats et un serpent à l’intérieur. Je savais qu’ils n’étaient pas réels parce que je leur ai balancé une chaise dessus. Les drogues produisaient aussi d‘autres effets : une certaine désorientation, des étourdissements, une lenteur des réflexes et une forte sécheresse dans la bouche. J’ai pu constater qu’ils surveillaient tous mes mouvements et réactions à l’aide d’une caméra cachée dans la cellule.
Par rapport aux chantages émotifs, ils m’ont fait croire qui mon ancienne compagne était là. Pour cela, ils ont déguisé une policière qui avait la même coiffure et qui était habillée de la même manière. Ils ont essayé aussi de me faire croire qui mon actuelle compagne était en garde-à-vue. Ils m’ont menacé et fait du chantage au sujet de plusieurs de mes amis qui ignoraient mon militantisme communiste : ils allaient être incarcérés pour « complicité avec une bande armée » si je ne répondais pas « à toutes et à chacune de leurs questions ». Une autre argutie pour me persuader fut le « décor » de la salle où se déroulaient les interrogatoires : les photos des camarades assassinés ou morts au combat étaient affichées sur les murs en guise de trophées.
Pendant les dernières 48 heures des cinq jours de ma mise au secret, ils ont assoupli le traitement. Les violences physiques ont cessé et ils m’ont permis d’échanger mes vêtements ensanglantés par d’autres propres. Peut-être la forte hémorragie du nez - qu’ils m’avaient provoquée - a eu une influence dans ce sens car cela les a obligés à appeler la Croix Rouge et à m’emmener à l’hôpital à deux reprises afin que cesse l’hémorragie. Cependant, je suis convaincu qu’ils avaient reçu des ordres précis pour que je passe devant le juge sans aucune trace de torture. Bien que la juge Maria Teresa de Palacios ne se soit pas intéressée aux traces évidentes des violences que j’avais subies. Elle ne m’a posé aucune question à ce sujet lorsque je suis passé devant elle. Et, pareillement à ce que j’avais fait pendant ma garde-à-vue, j’ai refusé de faire une déposition.
Toujours est-il que malgré les promesses de changement et de régénération démocratique faites par le gouvernement des GALosos, j’ai constaté dans mon corps que la torture n’est pas incompatible avec la « bonne grâce » de Zapatero. La consigne semble être : la torture oui, mais sans qu’on la remarque trop.
Toutefois, à mon arrivée en prison, je portais encore les séquelles des coups reçus : des lésions graves au nez, la bouche et l’œil gauche gonflés, une dent tordue et fendue, de nombreuses blessures au cuir chevelu, des problèmes de circulation sanguine au pouce et à la main gauche et des cicatrices aux deux poignets. A part cela, je me porte bien, le courage reste intact. Je suis prêt à continuer la lutte, maintenant de ce côté du front : à l’intérieur des centres d’extermination de l’Etat fasciste.
A bas l’Etat fasciste et terroriste espagnol !
En avant la lutte ouvrière et populaire !
David Garaboa Bonillo, Militant du Parti Communiste d’Espagne (reconstitué)
Prison de Soto del Real, Madrid, juin 2005
Comités por un Socorro Roxo Internacional
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