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Interview avec Ann Hansen (Eté 1984)


- Après coup, vous êtes vous sentis frustrés de n’avoir pas été capables de mettre en place une attitude politique unifiée lors de vos arrestations ?

Non, pas frustrés. Nous ne pouvions l’être parce que chacun de nous étaient dans une situation un peu unique. II y avait plusieurs accusations, quelques uns étaient innocents au niveau juridique, d’autres ne l’étaient pas.. Tu dois à tout moment être capable de juger si il est pire d’adopter une attitude de totale non-collaboration ou d’accepter le système légal.

Tu ne dois à personne d’être puni pour des choses que tu n’as pas nécessairement estimé injustes. Si tu peux éviter d’aller en prison en acceptant leur système, alors, je pense qu’il faut le faire. Tu es plus utile dehors qu’en prison. D’un autre côté, si la chance de gagner quelque chose en acceptant leur légalité est quasiment inexistante, là, je pense qu’il est très dégradant et dépolitisant de sacrifier ton identité politique en te soumettant. I1 n’y a pas de réponse toute faite pour savoir s’il faut ou non négocier avec la justice. Chaque situation est différente.

- Certaines sphères du mouvement politique sont restées distantes et ont émis des critiques à ton égard. Elles portaient sur la nature isolée des actions et leur apparent mépris des besoins d’élargissement du mouvement. Qu’en penses-tu ?

Nous n’avons jamais eu une attitude de mépris total en ce qui concerne la construction du mouvement. Ce parcours, nous l’avons vu. Tu ne romps pas du jour au lendemain avec un mouvement militant sans avoir eu, auparavant, un certain type d’activités militantes. Nous n’avons jamais jugé nos opérations en opposition au mouvement légal, et nous avons pris en compte ce dernier lorsque nous avons réalisé les actions. Pour nous, la seule façon de changer le système est de développer un puissant mouvement de résistance. Mais il devrait avoir un aspect-plus militant, ça n’arrivera pas subitement.

II y a une dialectique dans toute société, tout pays, qui entraîne l’action des gens, la discussion, l’apparition de multitudes d’actions, en dehors de l’évolution linéaire des choses. Je ne pense pas qu’on a le droit de dire : « Nous ne ferons rien d’illégal tant que les masses ne le feront pas. »

Qu’allons-nous faire, attendre la manchette du jour qui dit que 300 000 travailleurs ont détruit l’Hydro... Comme si, soudainement, du néant, 300 000 personnes étaient sorties en courant pour mettre en miettes les mégaprojets. Je pense que c’est une vision très idéaliste des actions à faire et de ce qui pourrait faire avancer l’histoire. Je ne pense pas que nous soyons nécessairement parfaits et si je dois critiquer ce que nous avons fait, je dirais que si les gens doivent faire des actions illégales, ils peuvent faire des choses qui n’entraînent pas forcément l’usage d’explosifs ou d’armes parce que chacune de ces deux choses-impliqué que vous êtes prêts à aller en prison ou à trouver la mort.

- Comment avez-vous pris la décision de sélectionner certaines cibles ?

Bon, nous avons pris en considération le mouvement légal. Nous ne sommes pas sortis frénétiquement faire sauter des choses au hasard. Nous avions une analyse politique qui intégrait différentes questions.

La première action contre Cheeckye Dunsmuir fut choisie parce que nous avions analysé qu’au Canada le développement des mégaprojets et de l’extraction de ressources était la tendance économique du futur et deviendrait un des remparts réels de notre économie. Nous avons choisi Cheeckye Dunsmuir pour différentes raisons. D’abord c’était un projet contre lequel la lutte légale avait échoué et ne put longtemps être efficace. De même pour Litton et le Red. Hot Vidéo. _

Dans les trois cas, les gens faisaient l’analyse de l’efficacité de la lutte l’égale et si, oui ou non, une action pouvait s’y intégrer. Nous ne ferions pas d’action illégale si une lutte active, tranquille et légale pouvait être efficace.

- L’action contre les Red Hot Vidéo suscita une réaction dans le mouvement que ni celle de Litton ni celle contre l’Hydro n’entraînèrent. Comment l’expliquez-vous ? Faites-vous une distinction entre ces actions ?

La première de toutes, l’action contre les RHV, n’a pas été exécutée par tous les cinq. Malgré ce qu’ils disent, c’est une action de femmes et seules des femmes y participèrent.

Je pense que c’était la plus réussie, parce que, la question de la pornographie est mieux comprise, par la communauté féminine que Cheeckye Dunsmuir, les mégaprojets ou le développement industriel en Colombie britannique (B.C.) ne sont compris par les gens en général. La communauté féminine a une très grande conscience de son oppression et de ce que la pornographie signifie. I1 y a une très forte communauté féministe en B.C. qui soutient et comprend les choses comme cela. Je pense aussi que l’usage de la bombe incendiaire comme technique est plus facile à comprendre parce que la moyenne des gens peuvent s’y reconnaître, parce qu’ils peuvent le faire eux-mêmes. Cela n’implique pas le vol de l’explosif et la connaissance de son utilisation. Les gens se sentent moins menacés par l’utilisation de la bombe incendiaire que par celle de l’explosif, par le fait de devoir rentrer dans la clandestinité ou de devoir porter des armes.

En quoi ce choix tactique particulier entre-t-il dans la construction d’un large front s’appuyant sur le niveau de conscience politique ?

Je pense qu’il y a différentes manières d’agir sur ces questions. J’ai toujours pensé que le sabotage était une forme valable de contestation, mais le peuple n’est, historiquement, pas préparé à le faire.

Il n’y a pas qu’une seule stratégie ou une seule tactique qui soit valable, et le reste inutile. Je me fixe cependant comme limite la négociation avec le gouvernement ou les puissances industrielles. Je ne pense pas que les pétitions, faire partie d’un groupe gouvernemental, faire pression sur le gouvernement ou discuter en privé, avec dès dirigeants d’entreprises, ne puissent mener à quelque chose. Une fois que les gens réalisent ceci, ils peuvent développer une politique extra-parlementaire.

II y a toute une gamme de tactiques politiques et de stratégies qui sont efficaces et tolérables. Je pense que la force du mouvement réside, justement, dans le soutien mutuel des différentes tactiques et stratégies. Dans l’unité, ces diversités peuvent toujours être débattues et critiquées. Il en résultera une évolution et un changement.

- La sévérité de la peine n’est pas due aux actions contre Litton, l’Hydro ou aux attentats contre les RHV : Tu as été condamnée à vie pour un crime que tu n’as pas commis, une tentative de meurtre contre un vigile de la Brinks. Qu’est ce que cela a représenté pour toi ?

Je ne pense pas qu’il soit possible de prendre une telle décision à froid. Évidemment, n’importe quelle personne participant à un vol à main aimée doit être préparée à tirer, sinon c’est elle qui se : fera tuer. L’organisation de l’action fut étudiée à fond de manière à éviter, dans la mesure du possible, toute bavure.

- Pensez-vous que cela a été compris par le juge et le jury ?

Je crois que le juge l’a très bien compris, mais a refusé de le reconnaître officiellement, parce qu’il voulait être capable de justifier la peine maximum. Ce n’est pas possible qu’il ne l’ait pas saisi parce qu’il doit l’avoir entendu (sur la bande magnétique). Il y eut à peu près cinq bonnes heures, où nous ne cessions de revenir sur le déroulement du hold-up, que nous avions déjà préparé tant de nuits, menottant encore et encore le gardien. Menottant un gardien vivant, évidemment. Le juge n’est pas assez stupide pour ne pas avoir compris que ces scènes furent répétées afin d’éviter que le gardien ne soit tué. Elles ne furent jamais envisagées avec un mort, mais avec un gardien en vie. Mais, je pense qu’afin de justifier les sentences, le juge fit tout ce qu’il put pour que nous semblions avoir organisé le meurtre du type.

- Les gens ont dit que le genre d’actions que vous faisiez augmentait la répression sur la sphère politique. En acceptez-vous la responsabilité ?

Evidemment, nous avons fait augmenter la répression, mais nous n’en sommes responsables qu’à un certain degré. La raison que tu formules n’est pas nécessairement vraie. Elle ne doit pas cacher la vraie nature de là répression. La répression était là avant qu’aucun de nous ne fasse quelque chose. Je pense que partout, dans tout le monde occidental, tous les instruments de répression - balles de caoutchouc, appareils d’écoute, méthode de surveillance - existent. Qui les utilise et quand dépend de ce qui se passe dans chaque pays. Si le peuple est relativement obéissant et n’est simplement pas content des choses sans pour cela agir sérieusement, il n’y a pas besoin de répression. Je pense qu’ils sont suffisamment habiles pour comprendre qu’il n’est pas nécessaire de tirer sur des gens qui manifestent pacifiquement. Lorsqu’il y a des émeutes qui menacent l’ordre, les balles en caoutchouc et les jets d’eau sont utilisés.

Ils nous ont utilisés pour justifier l’accroissement de la répression, particulièrement sur les milieux anarchistes et féministes. Mais je suis sûre qu’il y a une importante somme d’informations et une haute surveillance dirigées contre d’autres groupes, comme le mouvement ouvrier. Je pense qu’ils ont probablement un fichier plus vaste sur les militants ouvriers qu’ils n’en ont sur les communautés anarchistes ou féministes, parce qu’ils ont une plus grande habitude, une intervention plus ancienne dans le mouvement ouvrier qu’ils n’en ont historiquement dans les milieux marginalisés.

Un aspect utile du « voir dire » et du procès Brinks fut qu’un nombre de méthodes policières modernes apparurent au grand jour. Je pense que les gens peuvent y réagir et comprendre que ce genre de surveillance, électronique et physique à la fois, dont nous fûmes l’objet, sera utilisée contre toute personne qui exprime des idées radicales.

- Ne pensez-vous pas que vous avez été mal compris par une grande partie des milieux de gauche ?

Nous n’avons pas eu le temps dé communiquer nos idées puisque nous avons été arrêtés très tôt. Une fois arrêtés, nous étions confrontés à cet horrible problème d’être bâillonnés par le choix de la voie légale. Tu ne peux pas avancer dans un procès légal, reconnaître ce que tu as fait sans pouvoir réellement en parler, car ce que tu dis peut mettre en danger les chances d’autres personnes d’être acquittées. Nous avons été principalement bâillonnés jusqu’à ce que nous ayons décidé de plaider coupables. Maintenant que nous pouvons parler, nous donnons des interviews pour essayer d’atteindre des gens.

Nous écrivons plus. Les idées des gens changent constamment et évoluent, et nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec chaque petite chose que nous écrivions et disions avant que nous ne soyons en taule. Aussi nous allons expliquer les raisons qui nous ont poussé à faire ces actions et faire une critique de nos méthodes, dans l’année à venir.

- Est-il toujours possible pour vous de prendre une décision claire, comme le choix de mener une défense légale stricte ou plutôt politique ?

Ce n’est jamais totalement clair, à cause du nombre d’inculpations retenues contre nous. Il y a eu 21 inculpations contre chaque individu, plus de cent au total, et cinq personnes sont concernées. Certains sont innocents de faits qui leur sont reprochés. Ce que nous avons essayé de faire était de participer au système légal et d’y développer nos idées politiques, autant que cela fut possible, dans les limites du procès. Mais c’est très difficile. Tes avocats te parlent constamment pour que tu ne puisses jamais faire de déclarations politiques. Quand tu veux que des témoignages politiques soient effectués en audience, l’avocat est réticent. Cela met en danger son image professionnelle vis-à-vis du juge et du procureur de poser des questions politiques que la cour estime hors sujet. Et cela demande une énergie du diable, d’obtenir de ton avocat qu’il le fasse quand même. En plus, nous n’avions que deux heures par semaine pour parler d’une centaine d’inculpations et d’un million de petites questions compliquées. Si nous avions été mis en liberté provisoire, cela aurait été totalement différent. Mais l’enchaînement des circonstances rendit cela impossible. Même si, personnellement, je voulais décider de ne pas collaborer à cette voie légale. Je ne pouvais pas penser seulement à moi. Plaider l’innocence, n’est pas plus honorable que de plaider coupable lorsqu’aucune défense n’est valable et que tu ne penses pas réellement avoir commis un crime. D’un côté, tu te sens hypocrite de plaider l’innocence. C’est comme de dire « je ne pouvais pas faire ça, quelqu’un d’autre l’a fait » quand tu l’as réellement fait. Mais dans le même temps, tu te sens hypocrite de plaider coupable parce que tu ne te sens coupable de rien du tout. Et tu n’acceptes pas de devoir être puni pour cela. C’est une position très difficile d’être dans ce système légal, quand il n’y a absolument aucun point commun entre tes valeurs et tes perspectives d’ensemble, et les valeurs et les perspectives de celui-ci.

- Etant donné tout ce qui s’est passé et la situation dans laquelle vous êtes maintenant, comment envisagez-vous la phase à venir de votre vie ?

Nous allons tous être envoyés dans une prison fédérale et nous continuerons simplement de vivre. La prison devient ta communauté, ta vie, la plupart d’entre nous fait des études en tout genre et est très liée aux autres détenus.

- Comment est la vie carcérale, jusqu’à présent, en 0akalla ?

Très, très bien. Les autres femmes sont très sympas. Elles comprennent notre lutte quasiment à un niveau tripal. Beaucoup de gens ici n’ont pas une intelligence universitaire ou théorique et politique, mais la plupart d’entre eux ont une compréhension plus immédiate et sincère de la politique que beaucoup de gens que j’avais l’habitude de connaître dehors... Elle est plus vraie, dans un sens. D’abord, ils ont compris leur oppression, et puis leur rage et leur opposition à cela est beaucoup plus sincère. A peu près 75 % d’entre eux sont des gens qui ont vu leur famille expulsée des réserves ou sombrer dans l’alcoolisme. Quand vous partez de certaines choses, comme 1a lutte des Indiens, c’est très concret pour eux. La population blanche qui est ici, provient principalement de milieux très pauvres et a l’expérience du sexisme sous ses formes les plus brutales. Chaque femme que je connais ici le comprend totalement.

Nous nous entendons bien avec les autres femmes, et nous apprenons aussi beaucoup d’elles.. C’est une relation d’égalité. Les femmes, ici, ont une foule de choses à enseigner à des gens qui ont appris à travers les livres.

- Attendez-vous avec impatience d’être transférés à Kingston ?

Bien sûr. Ici, c’est un centre de détention préventif. Beaucoup de personnes y sont juste en attente d’être jugées. A Oakalla, il n’y a pratiquement aucune perspective possible. Ici, il n’y a pas d’activité, tu ne peux rien apprendre. Ici, il n’y a pas de liens, pas d’interaction dans la communauté. Tu ne peux pas dépenser de l’argent ici. Pas de possibilité d’obtenir de médicaments. C’est surpeuplé. Tu ne peux avoir aucune intimité. C’est .une population très éphémère. C’est vraiment très difficile de s’y faire. Si tu te fais des amies, elles s’en vont au bout de deux mois. Tu ne peux pas t’y installer comme pour une longue peine. J’attends avec impatience de partir pour la centrale, parce que là, tu peux te faire un programme, travailler à préparer des examens et passer du temps avec les autres femmes qui purgent aussi de longues peines et qui ont donc une attitude différente.

- Y a-t-il quelque chose que vous voulez dire aux gens qui liront cette interview ? .

Nous allons tous bien. Je ne pense pas qu’aucun de nous n’ait été brisé par cela de quelque manière que ce soit. Nous nous sentons tous relativement forts. Le plus dur, c’est quand on se focalise sur les aspects négatifs de ce que nous avons fait et que tu sens les critiques provenant de chaque communauté. Alors que tu penses qu’il y avait des choses positives dans ce que tu as fait, et des choses positives que tu as essayé d’exprimer politiquement. Tu puises toutes tes forces dé l’interaction avec ta propre communauté. Aussi, si tu n’obtiens rien d’elle, tu commences à t’affaiblir. Mais, en fin de compte, ce qui t’aide le plus, c’est de savoir que des gens continuent et qu’ils ne prennent pas prétexte de ce qui t’est arrivé pour arrêter de lutter.

Eté 1984

Ann Hansen


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