Lettre de Jose Antonio Peña de la prison de Fleury-Mérogis
Fleury-Mérogis 17.11.2000
Resistencia n°53, février 2001
Holà Collègues !
Ce que nous craignions est arrivé. Nous avions déjà pris tout type de mesures, mais elles sont arrivées tard, "l’infection" nous pénétrait déjà. Ils connaissaient la situation et eurent la patience d’en profiter. Ils attendaient le moment et le lieu idéal, connus au préalable, pour lancer sur moi un bataillon de "bactéries" qui "m’infectèrent" sans que je m’en rende compte.
Cela est surtout une lettre pour prendre contact, j’ai peu à vous raconter parce que depuis le jour des arrestations j’ai seulement pu parler aux avocats. Ici je suis totalement hors du jeu : pas de presse, de radio, de télévision. Je n’ai reçu aucune lettre car elles sont toutes contrôlées et ils retarderont à volonté les premières. Je n’ai pas parlé à l’avocate ; ici il n’y a aucun prisonnier qui parle espagnol. Je suppose qu’il n’y a aucun prisonnier politique. Tous croient que je suis basque et quand je leur dis que non ils sont déçus : "Hà, moi qui pensais que j’allais connaître un terroriste, et il ne l’est pas !" se disent-ils. Quand je baragouine mes explications dans mon français ils comprennent encore moins et pensent sûrement "Ce doit être un fou".
Vous me raconterez comment va le travail là-bas, ce qui a été fait à propos des arrestations, comment les gens ont réagi. À mon avis il n’y a pas de motifs pour désespérer ; les conditions ne sont pas aussi difficiles qu’elles pourraient paraître ; chacun doit prendre ses responsabilités, affronter le travail avec enthousiasme et professionnalisme. La ligne politique est connue de tous, les orientations politiques concrètes aussi, et Resistencia doit continuer à sortir ; nous avons les gens capables d’appliquer sur le terrain notre ligne politique et nos orientations.
Les détentions se situent dans le cadre de l’offensive fasciste du régime, appuyé par l’état français et c’est dans ce cadre qu’il faut le combattre. Il faudra faire une campagne au niveau international pour la libération des emprisonnés en France. Le point principal de cette campagne doit être la dénonciation de l’escalade répressive du gouvernement PP. Il faudra ajouter à cette campagne la dénonciation de la collaboration de l’état français qu’il faudra qualifier de "Vichysme".
Cette campagne doit être centrée sur Pedro (Arenas), sa trajectoire, sa lutte, ses apports [...] Le plus important est d’affronter les attaques des fachos PP avec force et audace, il ne faut pas rester sur la défensive ou avancer "avec crainte". Il faut aller au peuple et parler clair ! discuter, organiser ceux qui y sont disposés, demander l’appui des masses en même temps que les aider à résoudre leur problèmes, leur faire comprendre que sans la lutte la plus résolue et l’emploi de tous les moyens à notre disposition aucun problème ne sera résolu. Enfin une période s’achève une autre s’ouvre pour laquelle il faut "relever le gant" accepter le défi avec la certitude que nous pourrons frapper le régime jusqu’à le renverser, bien sur avec du temps et de l’intelligence mais sans faire un pas en arrière. Dans l’immédiat nous parviendrons à retourner les arrestations contre les facho espagnols et leurs collaborateurs français en élevant le degré de conscience et de lutte des secteurs les plus avancés en Espagne et en France. Les jeune français se souviennent et revendiquent les héros tombés pendant la résistance française, nos aurons sans doute leur appui et leur solidarité ; jetons un peu de bois dans le feu et le foyer reprendra.
Le traitement au cours des arrestation, de la garde à vue de quatre jours et ici dans cette prison, a été, tant que faire se peu, correct. Ils ne nous ont pas touché un cheveu. La première chose qu’ils me dirent, quand ils m’arrêtèrent, fut que nous étions en France, que nous ne nous inquiétions pas qu’ils se conduiraient bien ajoutant qu’ils s’en lavaient les mains, comme si cela était l’affaire exclusive de la police et de la garde civile espagnole. Triste rôle pour les français d’accomplir si diligemment les ordres du ministre de l’Intérieur espagnol [...]
La police espagnole a trompé les français en leur disant que le Parti et les GRAPO étaient la même chose et que nous avions tous des armes et des explosifs à la maison. Ils sont venus convaincus qu’il allaient trouver de tout ; à tel point que comme dans notre appartement, ils n’avaient rien trouvé, mais rien, il cherchent à convertir un pot de peinture en substance pour fabriquer des explosifs. Ils attendent les analyses du laboratoire qui les laisseront les mains complètement vides. Au moins ainsi nous verrons ce qu’ils feront. Le cas de Maria et de moi paraît très facile, même celui d’Isabel, mais Pedro (Arenas) ... je ne crois pas qu’ils le lâchent facilement. Il faut livrer bataille ! Il faut convertir les arrestations en une dénonciation du gouvernement fasciste PP et de ses collaborateurs français ! Plus nous resterons en prison plus ils seront démasqués et montreront leur véritable visage.
Bon, je me suis déjà "emballé" et je ne sais même pas si j’ai dit le plus important.
Jusqu’à la prochaine. Je vous donne l’accolade.
José Antonio Peña Quesada, "Toni"