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Interview de Horst Fantazzini (1999)

Une vieille interview d’Horst pour en savoir un peu plus sur lui.

Q. : Quelle est ta situation judiciaire actuelle et quand penses-tu pouvoir sortir, au moins en semi-liberté ?

Pour le moment, ma libération devrait avoir lieu vers 2022, plus ou moins quelques années. Dans les classifications typologiques, je pense avoir été inséré dans la catégorie "dinosaures et tortues". Je crois que, plutôt qu’un comité de libération issu du milieu anarchiste, c’est le WWF qui devrait s’intéresser à moi, plus précisément la section "espèce en voie de disparition". Cette situation absurde est déterminée par le biais de l’application stricte du soi-disant "cumul juridique des peines" qui fonctionne ainsi : toutes les condamnations sont additionnées et, si le résultat est supérieur à trente ans, qui est la peine considérée comme la plus haute, la condamnation totale est fixée à ce maximum. Dans mon cas, à partir de cumuls précédents établis d’office, les trente ans se comptent à partir de la date du dernier fait commis. Ce fut le cas après mon arrestation en 1991. Les trente ans ont ainsi été comptabilisés à partir de 1990 et ma libération fixée en 2020. L’application de la "continuité des faits" demandée après par mon avocat a légèrement amélioré ma situation. Par la suite, quelques condamnations sont devenues définitives (braquage, détention d’arme, faux papiers, etc.). La situation aujourd’hui est donc celle d’une libération hypothétique en 2022-2024.

Dès que sera terminé le procès romain 1 des "méchants anarchistes" dans lequel je suis inculpé (bientôt auront lieu les dernières audiences), l’avocat demandera le cumul effectif de toutes mes condamnations. Le résultat dépendra de l’humeur du juge, de sa bonne ou mauvaise digestion, du comportement de sa maîtresse [sic], des conjonctions astrologiques et d’autres facteurs incontrôlables. Rationalité et bon sens sont complètement exclus des lieux dans lesquels se réunissent les "hermines de garde" pour décider de la vie et du futur des hommes. En ce qui concerne la semi-liberté ou autre "avantage", je pourrais théorique-ment en bénéficier à partir du 3 avril de cette année [1999], c’est-à-dire quand sera terminée la période "d’observation comportementale".

Q : Beaucoup de compagnonEs nous ont demandé si tu te considérais également anarchiste avant d’être arrêté la première fois ?

Voilà une belle question. Toi, tu étais une amie de Libero, mon père, et tu m’as rencontrée il y a plus ou moins 11 ans. Il va de soi que je me suis toujours défini anarchiste. Je me suis toujours revendiqué et je me revendique encore comme tel au cours des procès.

Mais ceci ne suffit pas. Etre anarchiste signifie aussi la capacité de concilier son idéal avec sa vie, ce qui ne fut pas toujours mon cas, surtout quand j’étais très jeune. Je me définis comme anarchiste individualiste, un rebelle conscient qui souvent a agit inconsciemment. A 14 ans, j’étais déjà inscrit à l’USI [syndicat alors membre de l’AIT], je ne sais pas s’il existe toujours. En 1965, j’étais présent à la Convention préparatoire du Congrès qui eut lieu à Bologne, et parmi les participants il y avait Armando Borghi qui fut expulsé de la direction d’Umanita Nova suite à une polémique pitoyable. A cette époque, avec d’autres jeunes, je voulais donner vie à une Fédération anarchiste de la jeunesse mais ensuite ma vie s’est presque entièrement déroulée en prison.

En presque 30 ans d’incarcération, je crois m’être toujours comporté avec cohérence, une façon d’être et de me sentir profondément anarchiste. Mes amitiés et mes amours doivent avoir l’ADN anarchiste ! La palette de mes correspondants, presque tous anarchistes, varie ainsi entre un mythique octuagénaire de Mantoue et une jeune anarchiste de Bergame de 18 ans. (...)

Q : Peux-tu nous parler des luttes pendant ta longue détention. Dans le film, cet aspect a été exclu.

Parler de luttes en prison aujourd’hui c’est comme exhumer avec douceur des souvenirs d’un sarcophage, tellement il y eut de changements dans ces lieux et parmi ses habitants au cours des 15 dernières années. Du sarcophage émergent des portraits d’hommes qui étaient vivants et plein d’orgueil qui ont été pliés, cassés, dispersés. Des hommes qui revendiquaient avec passion leur dignité et qui étaient à la recherche de leur liberté sans médiation. Des hommes qui sont morts sur les toits pendant leur révolte et dont personne ne se souvient plus. Des hommes qui, en rencontrant leurs premiers compagnons incarcérés avaient découvert que la vie et la lutte peuvent avoir une signification plus haute que leurs petits désirs et égoïsmes. La fin des années 60 et toutes les années 70 ont été des saisons de lutte qui ne se répéteront plus. Prisons détruites et galeries vers la liberté.

Personnellement, j’ai participé à des dizaines de luttes, petites et grandes. J’ai vu la destruction de la section spéciale de l’Asinara (Sardaigne), de celle de Nuoro (Sardaigne) et celle de Trani (Pouilles). Ces luttes me coûtèrent un "bonus" de plus de vingt ans. Aujourd’hui la prison est "pacifiée", et l’air qu’on respire est lourd de résignation. La "population" a changé radicalement et la presque totalité est composée de toxicomanes et petits et moyens dealers. Leur problème prioritaire est celui de continuer à trouver ou vendre les doses quotidiennes. Il n’y a presque plus de copains. A Alessandria (Piémont), j’en ai laissé trois. Ici, il n’y en a aucun. Les mafiosi sont sous la chape du 41bis, une réédition de l’article 90 qui nous était appliqué il y a quelques années, c’est-à-dire un règlement intérieur restrictif lui-même contenu dans un règlement déjà restreint. Aujourd’hui, les détenus sont tous jeunes ou très jeunes et la prison n’est pas autre chose qu’un énorme container d’un malaise social que personne ne veut ou sait résoudre.Je ne me suis jamais senti autant "étranger" en prison. Je résiste en essayant de me soustraire à tout ce qui m’entoure, cherchant refuge dans mes livres et en parlant avec mon ordinateur. Je trouve la force dans le rapport avec l’extérieur et l’amour que j’en reçois. La nuit doit passer comme le disait ce cher Eduardo [Eduardo de Filippo, célèbre acteur napolitain]. Voici chers compagnons, je ne peux que résister dans l’attente que Godot se décide à arriver. Quelqu’un sait où il s’est niché ?

Q : Pendant ces luttes, tu as dû affronter non seulement le pouvoir pénitentiaire mais aussi le contre-pouvoir [selon l’auto-définition des communistes d’alors]. Veux-tu nous raconter comment ça s’est passé ?

Entre la fin des années 70 et la moitié des années 80, les prisons étaient pleines de compagnons. Il y avait une dizaine de prisons spéciales : Cuneo, Novara, Fossombrone, Trani, Termini Imerese, Favignana, Pianosa, l’Asinara, Nuoro. Voghera pour les femmes.

Il y avait aussi des sections spéciales dans presque toutes les autres prisons. Pendant une dizaine d’années, les détenus "différenciés" n’ont pas pu avoir de rapport avec les autres détenus. L’habitude était de nous garder dans des prisons le plus loin possible de nos maisons pour rendre plus difficile les parloirs qui s’effectuaient avec des vitres et des interphones. La correspondance était soumise à censure. Nous ne pouvions pas recevoir de colis de l’extérieur, seule la réception de livres et de vêtements était autorisée.

Toutes les prisons spéciales n’étaient pas "spécialisées" de la même façon : quelques unes comme Fossombrone et Cuneo étaient plus "souples" que l’Asinara ou Novara. Je crois qu’à cette époque, nous étions traités comme des cobayes sur lesquels ils étudiaient le comportement et les réactions en fonction de la gradualité du "traitement" qui allait des heures de sociabilité (espaces d’activité à partager ensemble quelques heures) à l’isolement pur et dur de l’Asinara (deux ou trois par cellule, toujours les mêmes, avec des rotations périodiques décidées par le monarque de l’époque, le directeur Cardullo).

En clair, des compagnons inventés et des rebelles vendus vivaient parmi nous pour un contrôle plus efficace, ce dont nous avons eu la certitude beaucoup plus tard. Belushi disait que quand le jeu devient dur, les durs commencent à jouer. Et c’est vrai. La créativité que l’homme arrive à libérer de soi dans les moments difficiles est incroyable. Un traitement dur cimente le groupe et élargit la solidarité. Nous étions tous unis contre "eux" et inventions des canaux de communication incroyables pour rompre l’isolement physique.

A l’Asinara, pendant des mois, les occupants d’une cellule n’arrivaient pas à voir ceux des cellules voisines mais toutes les cellules communiquaient entre elles. On pourrait écrire un livre sur ce que nous avons inventé pour dépasser l’isolement auquel nous étions soumis mais ce n’est pas le sujet ici. Pour préparer les luttes et une éventuelle évasion, une compartimentation rigide était nécessaire, ainsi naquirent les CUC (Comités Unitaires de Camps). A l’Asinara, les Brigadistes étaient majoritaires. Les comités qui étaient ainsi au début l’expression d’une nécessité de la situation collective, devinrent un organisme politique portant l’empreinte du "centralisme démocratique", lexique si cher à grand-père Lénine.

J’ai dit aux brigadistes que je n’avais rien contre les formes organisationnelles compartimentées et serrées, si elles étaient provisoires et liées à l’obtention d’un résultat. Mais si les CUC devenaient des organismes permanents, je ne voulais pas en faire partie. J’aurais participé à toutes les luttes, mais pas à leur gestion politique.La première lutte (destruction des interphones au parloir, refus des prisonniers de regagner leur cellule) se conclut par le massacre de 70 d’entre nous. Je finis dans le coma et transporté par hélicoptère à l’hôpital de Sassari. Mon hospitalisation fut tenue secrète et deux jours après, je fus ramené à l’Asinara. Ma compagne de l’époque parvint à le savoir et divulgua l’information, qui trois jours après fît la une des journaux. Vint une délégation de parlementaires qui put constater le massacre. Une enquête fut ouverte, et la direction de l’Asinara se trouva en grande difficulté. Une semaine après, nous détruisîmes les deux sections spéciales et les gardes n’osèrent pas intervenir. Ces sections ayant été rendues inopérentes, nous fûmes dispersés provisoirement dans différentes divisions "normales" de l’île, dans l’attente d’être transférés ailleurs. Quelques jours après ces luttes, j’ai réussi à donner à ma compagne un compte-rendu qui fut aussitôt publié dans une brochure des éditions Anarchismo.

Ceci mit les brigadistes dans tous leurs états, les plus acharnés s’amusaient à nous remémorer, à nous les anarchistes, Kronstadt et Barcelone...

Une Lettre ouverte aux compagnons de l’extérieur fut publiée dans tous les journaux du mouvement, qui à l’époque, en 1978, était encore très vivant.

La polémique fit le tour des prisons spéciales où les brigadistes étaient généralement minoritaires, la majorité des prisonniers prit mon parti.

Cette polémique, ajoutée à une évidente faiblesse politique des brigadistes (vous souvenez-vous du slogan du mouvement Ni avec les Brigades Rouges, Ni avec l’Etat ?) marqua la fin des CUC et vit la naissance des CUB (Comités Unitaires de Base), organismes "ouverts" qui, à un moment, représentèrent tous les prisonniers. A rivista anarchica publia ma lettre avec une réponse de Curcio, sous le titre Anarchistes et staliniens. Je fus contacté par différents partis politiques et même par des organismes d’Etat, parce qu’en partant de la polémique dans laquelle j’étais embarqué, quelqu’un espérait m’utiliser pour créer des divisions ultérieures entre les prisonniers, mais je refusais de me prêter à ce jeu. Dès que l’Asinara fut restructurée, je fus le seul compagnon qui avait participé à la révolte à y être retransféré (de Palmi). Ensuite, après quelques affrontements avec les sbires, j’ai atteri à Nuoro et j’ai pu participer à la révolte qui là aussi détruisit les sections spéciales.

Mais on en était déjà à l’épilogue. La faiblesse des compagnons à l’extérieur se répercuta à l’intérieur des prisons. Débuta la saison des "repentis" et des "dissociés" en masse.

Les intellectuels qui avaient joué à la guerre, nouveaux fils prodiges, revenaient dans leur habitat d’élite. Méfiez-vous des intellectuels professionnels ! Ils tissent des toiles d’araignée qui pèsent comme chaînes sur les rêves des hommes libres. Et depuis l’époque des anciens scribes d’Egypte, de défloration en défloration, ils arrivent toujours à se reconstruire une virginité. Il y a une quinzaine d’années, j’ai écrit cette épitaphe pour eux :

" La misère existentielle de l’intellectuel est que son être est déchiré par la contradiction entre l’universalité de son savoir et le particularisme de la classe dominante dont il est le produit. Il se débat entre des référents à abandonner et à conquérir, incarnant ainsi la "conscience malheureuse" hégélienne... et, avec cette mauvaise conscience source de son malaise, s’aligne une fois avec le prolétaire, une autre avec les marginaux, maintenant avec le tiers-monde, en cherchant des bases stables sur lesquelles il peut fonder ses propres ruines. Il se propose toujours comme sujet actif, comme intelligentsia face aux phénomènes éviscérés et sectionnés par le microscope du savoir, s’autopropose comme avant-garde extérieure du haut de son savoir volé à ses anciens patrons. Il se débat dans la désespérance d’être un éternel orphelin entre différents sorts. Orphelin des patrons abandonnés sans en refuser les privilèges. Orphelin du prolétariat qui l’a toujours instinctivement rejeté comme un corps étranger. Orphelin du tiers-monde qui n’a pas le temps de se synchroniser sur des analyses intelligentes puisqu’il doit résoudre jour après jour ses problèmes urgents de survie [sic]. D’exclusion en exclusion, d’élision en élision, d’érosion en érosion, il s’est retrouvé avec d’autres dans son unique ghetto. Alors, apeuré et mêlé dans de folles variantes sorties de leur théorisation, ils ont commencé à négocier la défaite sur la peau des autres : pour réintégrer leur position initiale d’intelligentsia. Misère dans la misère, plagieur plagié, mais privilégié qui toujours trouve le nid chaud du fils prodige qui revient à ses origines."

Ceux-ci, avec la repentance et la dissociation ou bien avec les faveurs de l’Etat qu’ils voulaient combattre "sans trêve", maintenant ils sont presque tous dehors.Il en reste une poignée en prison. Quelques dizaines d’entre eux, qui sont en prison depuis des décennies, se sont enfermés dans un silence digne.

Ils ne demandent rien, refusent les "faveurs" de l’Etat qui, s’ils les demandaient, leur accorderait la liberté immédiate. D’autres, réfugiés à l’étranger, attendent l’amnistie ou la "solution politique" pour rentrer.

Et les prisons, aujourd’hui gouvernées avec la carotte et le bâton, sont plus florissantes que jamais et débordent de désespérés. Bien, je crois que cela suffit.

Q : Sans vouloir être envahissante, on a souligné plusieurs fois la transparence et la sérénité d’Anna, en racontant ce que fut votre rapport avant et après tes détentions. As-tu envie d’en parler ?

Avec ta dernière question tu me mets en crise. Il y a quelques jours, j’ai été interviewé par une journaliste pour le compte de l’émission Frontières sur la Rai 2. Parmi les questions, on me demandait si je me repentissais.

En spécifiant le mot "repentance", je lui ai répondu que je ne me sens pas repenti, ni pour les banques attaquées, ni pour le reste. Mais si j’avais la possibilité de revivre mon existence, je ne ferais pas les mêmes choses. Non pas parce que je considère immoral de voler les banques dans cette société, mais parce que je trouve stupide de jeter ainsi sa propre vie.Ensuite, je lui ai dit que si ma situation actuelle est bien ou mal, le fruit d’un choix initial, celui-ci a finit par atteindre des gens qui n’avaient pas fait ces choix en récoltant de la souffrance pour le seul fait de m’aimer. Mes parents, ma femme (Anna), mes enfants, compagnes et compagnons qui m’aiment bien. Ceci est un poids que je porte et c’est le plus lourd de tous. Anna est la personne que j’ai aimée le plus dans ma vie. Aujourd’hui encore, quand je pense à elle, je suis envahi par une tendresse et une tristesse infinie. C’est la personne qui m’a donné le plus en recevant en échange seulement douleur et humiliation. Elle m’a été proche dans les moments les plus difficiles, ensuite quand dans les prisons spéciales la situation s’est faite très lourde, nous avons décidé d’un accord commun de nous séparer. Rationnellement, sans animosité ni rancune, en restant amis. (...).

1 Ndlr : Voir Dans le marécage. Limites et perspectives de la répression anti-anarchiste, éd. La conjuration des Ego, juin 2000, 52 p.

[Horst Fantazzini est mort à 62 ans dans les geôles de l’Etat italien après une arrestation pour tentative de braquage le 19 décembre 2001. Il était en semi-liberté depuis quelques mois, après 32 ans de prison. Entretien traduit de l’italien par CS, disponible sur le site d’El Paso (http://www.ecn.org/elpaso), vraisemblablement daté de 1999.]

Extrait de Cette Semaine #84, fév/mars 2002, pp. 25--27 http://cettesemaine.free.fr/


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