[Le 7 juillet 2003, deux compagnons anarchistes sont arrêtés à Valence. Amanda et Eduardo sont initialement accusés davoir envoyé un colis piégé qui a explosé le 24 mai dans une poste et de de cinq sabotages urbains au cours de ces dernières années. Dans une lettre rendue publique le 20 juillet et que nous traduisons ci-dessous, Amanda revendique trois actions : lincendie contre un distributeur de billets en solidarité avec les prisonnierEs et contre lisolement, lincendie dune grue contre le projet urbanistique Cabanyal, la fabrication et lenvoi du colis piégé, qui était destiné au parti fasciste Espana 2000.
Le 13 novembre 2003, le juge de la cour n°5 de Valence a refusé leur remise en liberté. Le dossier des deux autres personnes mises en cause a par contre été classé. Rappelons aussi que lAudiencia Nacional (cour dassise antiterroriste située à Madrid) a invalidé les accusations de terrorisme et renvoyé laffaire à Valence, où laffaire a été divisée en plusieurs parties pour chacun des faits. Le juge a retenu laccusation de sabotage dun tractopelle pour Eduardo, celle de plusieurs autres sabotages ainsi que lenvoi de la lettre explosive pour Amanda.]
(...) Je revendique trois actions, lincendie dun distributeur de billets en solidarité avec les prisonnierEs et contre lisolement ; lincendie dune grue contre le projet urbanistique de Cabanyal ; la fabrication et lenvoi dun colis piégé qui a explosé dans une poste et était destiné au parti fasciste Espana 2000. (...)
(...) Je ne voudrais pas quon parle de montage et de répression et encore moins quon utilise un ton victimiste, parce que je crois que vous pouvez toutes et tous avoir facilement lintuition de ce qui ce passe. Je souhaiterais que les faits soient recadrés globalement à travers la situation dans laquelle nous devons vivre, dans la lutte de classe qui a existé, existe et existera aussi longtemps quexisteront lEtat et le capitalisme.
(...) Personnellement, je me reconnais dans la version classique de lanarchie, basée sur la pratique de lassemblée, laction directe, lentraide, la contre-culture ; jusquà la réalisation dune révolution sociale en mesure de détruire la société et qui permettra aux groupes humains de sorganiser comme ils pensent que cest le mieux. Cest à chaque individu de choisir comment il souhaite vivre sa propre vie, mettant de côté pour toujours lordre, le pouvoir, linégalité et la souffrance causée par certains humains à dautres, aux êtres sensibles [les animaux] et à la Terre... (...)
Cela semble assez évident et vous êtes probablement en train de vous demander pourquoi je vous parle de lanarchisme. Je veux dire simplement que cest ainsi que jai construit ma vie et que cest lanarchisme que je veux propager, transmettre et faire croître, même si je le fais en ce moment sur un mode très schématique. (...)
(...) Une autre idée que japprécie, à propos des actions que jai mentionnées plus haut, cest quil sagit dactions que nous pouvons toutes et tous accomplir, cest faire comprendre que chacun peut frapper ce qui lopprime. Elles pourraient être un grain de sable contre lapathie, lindifférence, limpuissance et le conformisme qui imprègnent les gens car je pense quelles peuvent leur transmettre la confiance et la force nécessaires pour tenter de faire de leur vie ce quils désirent. Je ne sais pas, peut-être suis-je en train de chercher à clarifier qui je suis pour les personnes qui ne me connaissent pas. (...)
(...) Je voudrais que la lutte qui sera menée soit une révolte plus liée à la diffusion des motivations pour lesquelles jai été/nous avons été capturés plutôt quà ma libération (je me foutais dêtre en prison avant le 7 juillet. Les murs, les barbelés, les barreaux et les cellules nétaient juste pas très visibles, ou bien étaient repeints avec de belles couleurs ; la seule chose qui ait changé est quavant ils me laissaient sortir dans un espace plus grand).
Je ne veux pas que la peur assombrisse quoi que ce soit, que certains se modèrent, se limitent, changent de façon dêtre, utilisent dautres langages, changent de vie ou dautres merdes de ce genre. Jai pleine confiance dans les instruments que lanarchisme met en pratique depuis toujours. Si quelquun ne veut pas de problèmes, quil abandonne lanarchisme et entre chez les boy-scouts. Etre anarchiste sera toujours un problème tant que linjustice sera institutionnalisée, toujours. (...)
(...) Nous ne devons pas penser à eux pour agir, nos décisions ne peuvent être influencées par les réactions supposées de la police, des juges, de la presse, etc. Cela signifierait leur permettre de faire partie de notre mouvement. Et nous ne pouvons laccepter. Nos objectifs ne peuvent être freinés que par ce qui vient de nous mêmes. (...)
(...) Comme le dit la chanson, ce qui me terrorise le plus cest que rien ne change, et comme le dit une autre chanson : n’attend pas que les choses changent sans toi, sans toi elles ne changeront pas. (...)
J’espère que ce que je suis en train de raconter sert à quelque chose. Votre aide me donne de la force. Je sais que je ne suis pas seule, ma cellule est vraiment trop petite pour contenir tous les gens qui sont à côté de moi.
Comment dit-on déjà ? L’anarchie est inévitable...
Terroriste, ton père !
Extraits d’une lettre d’Amanda, depuis le camp d’extermination dAlcala Meco, 20 juillet 2003
[Traduit de l’espagnol et à partir de la version parue dans le bulletin de l’ABC/CNA Dijon n°52, juillet/août 2003, p.3]
Pour lui écrire :
Amanda Cerezo Garcia, Modulo Mujeres, CP Alicante II, Ctra N-330 Km 66, CP - 03400 Villena, Espagne
Pour écrire à Eduardo :
Eduardo Alonso Sanchez, Modulo 2, CP Madrid II, Crta de Meco Km 5, CP - 28871 Alcala de henares (Madrid), Espagne
[Extrait de "Cette Semaine" n°87, fév./mars 2004, p.39]
http://cettesemaine.free.fr/cs87/cs87amanda.html