A partir du Angehôrigen-info n°268 (20 janvier 03) - [Traduction de l’Allemand par Joëlle Aubron, prisonnière d’Action Directe en France]
Je vous salue. Ceci est un aperçu de ma situation actuelle. Je suis toujours à I’isolement (Ségrégation Administrative (1)). J’avais été placé à l’isolement le 11.09.01 et j’avais réintégré la détention normale le 12.02.02. Le 30.04.02, j’ai de nouveau été placé à l’isolement et suis donc tarabusté depuis 8 mois pour cause de 11 septembre.
Un haut responsable de la prison m’a dit que mon retour en détention normale serait une bévue. J’ai du mal à comprendre ce qui me vaut l’honneur d’être ainsi un de leurs prisonniers cibles. J’envisage que ce soit l’effet d’un reportage dans la presse locale, mixé aux nombreux courriers que je reçois dont les vôtres. Seule certitude, mon retour à l’isolement a un rapport avec la plainte contre mon avocate, Lynn Stewart (2). Normalement, l’attente d’un transfert vers une autre prison est de 6 mois, lors d’un transfert disciplinaire, cela peut aller jusqu’à 18 mois. Mon transfert a été ordonné il y a 14 mois. Il est ainsi évident qu’il s’agit d’une procédure de transfert même s’ils ne le reconnaissent pas. Ils continuent de vouloir me transférer vers ADX Florence ou Marion (3) ; ce que confirme le rejet de ma contestation à Washington DC.
Je suis ainsi occupé à contester ce transfert auprès d’un tribunal de district. Non que j’ai beaucoup d’espoir. Juste le plaisir de les mettre dans l’embarras de devoir se tortiller à la barre des témoins pour ne pas avoir à reconnaître qu’il s’agit d’une répression politique.
Le chauffage avait finalement été mis en route le 31 octobre mais, ensuite, pour faire des économies, il a été baissé au maximum, de telle façon que, la plupart du temps, la nuit il fait froid. Le directeur de la prison rouspète parce qu’il doit débourser un million de dollars pour l’eau bien que celle-ci goutte dans la moitié des cellules parce que les joints ne joignent pas. Depuis que je suis ici, c’est comme ça. On pourrait envisager que simplement ils achètent des joints ; à la place de quoi ils réduisent le chauffage. La moitié du temps, des tas de choses manquent, comme le papier toilette, le papier pour écrire, les stylos et les produits de nettoyage pour garder les cellules propres ; ce sont autant choses dont nous dépendons d’eux car nous ne pouvons nous les procurer nous-mêmes.
Un Deputy Captain (grade dont je n’avais jamais entendu parlé jusqu’ici) m’a dit que les transferts durent aussi longtemps parce qu’ils coûtent de l’argent qui aurait pu être dépensé en chars et avions de guerre tandis que nous soutiendrions "l’ennemi" par notre comportement. Ce sur quoi, je lui proposai de me libérer puisqu’étant classé selon mon comportement.
Puis un rapport fut fait me concernant -nous y avons droit tous les 6 mois- ; il y était proposé de m’inscrire au programme UNICOR (4) et qu’une partie de mon salaire soit économisé pour ma libération. N’étant pas destiné à être libéré, ni à travailler pour UNICOR, j’en déduis que ce rapport se rapportait à un autre Richard Williams. Cela arrive. Ils ont soudé le couvercle du plafonnier et quand l’ampoule claque il n’y a plus de lumière dans les cellules. Cela s’est produit au moins une demi-douzaine de fois. Ils continuent de jeter des gens dans ces cellules et ne peuvent pas changer les ampoules. Ma santé est bonne bien que mes jambes gonflent. Les soins médicaux sont suffisants. Une visite m’a été refusée parce qu’aucun gradé n’était disponible pour m’accompagner -je me demande combien de temps il leur faudrait pour ouvrir ma porte en cas d’urgence médicale et aucun gradé disponible. A la porte de ma cellule, il y a un écriteau spécifiant que l’ouverture en est strictement interdite sans la présence d’un gradé et de deux surveillants. Ces gens-là ne sont pas très bon en matière d’improvisation.
Ma famille va bien. J’ai reçu de nombreuses lettres de soutien de différentes personnes. C’est très encourageant. Dans ma tête, ça va aussi ; ils ne sont pas sur la bonne voie pour me réduire à leur merci.
Merci beaucoup pour vos encouragements et soutien et bonne année
Jamais du côté de Bush et ses chiens de guerre
Pas de guerre en notre nom !
1. L’Administrative ségrégation (AS) peut être et est arbitrairement décrétée par la direction de la prison. Le prisonnier est seulement informé que son placement en isolement a des raisons administratives. L’ordonnance vaut pour maximum 6 mois, mais peut être prolongée à volonté. Russel "Maroon" Shoats en Pennsylvanie est par exemple en A. S depuis environ 10 ans sans visite familiale.
2. Le 9 avril 2002, le ministre de la justice John Ashcroft a lancé un mandat d’arrêt contre Lynn Stewart pour soutien au terrorisme. Il lui est reproché d’avoir aidé son mandant, Sheikh Oma Abdel Rahman, condamné à la prison à vie + 65 ans pour l’attentat de 1993 contre le Worid Trade Center, à transmettre des informations à des groupes islamistes en Egypte. Abdel Rahman ne pariant pas anglais et Lynn Stewart ne pariant pas arabe, ils communiquaient avec interprète. L’interprète Mohammed Yousry est désormais incarcéré. Les visites de l’avocat étaient sous écoute depuis 1998, soit avant l’entrée en fonction de John Ashcroft.
3..Marion, dans l’lllinois est la version US de Stammheim ; cette prison a pris la succession d’Alcatraz, fermée en 1963 suite à une large critique dans la société. La même année, commençait le chantier de Marion. Même si entre temps, les Marion se sont multipliées, il y a peu encore Marion était connue comme la pire prison de haute sécurité aux USA. Marion est purement et simplement un lieu d’expériences sur le comportement et est sévèrement critiquée comme tel par Amnesty International. L’objectif de Marion est de détruire psychologiquement et physiquement les détenus. A Marion, les prisonniers sont en permanence à l’isolement, enfermés dans les cellules 22h/24, sans contact avec les autres prisonniers, même l’accès collectif à un lieu de prière leur est interdit. Les visites se déroulent avec des vitres de séparation. Les prisonniers qui se défendent ou flippent sont ligotés nus au lit de béton. Ray Levasseur, autre accusé des actions de l’United Freedorn Front, disait "Si je t’enferme 22h/24 dans une salle de bain, ça ne semble pas le bout du monde. Mais quand tu seras libéré, alors tu auras des problèmes que tu n’avais jamais eu jusque là. Je n’ai connu personne dont le comportement ne se soit pas altéré après avoir été soumis à l’isolement et au harcèlement". L’administration pénitentiaire prétend que les prisons comme Marion et Florence sont nécessaires pour maintenir sous contrôle les "prisonniers à problème", classés comme "hauts risques pour la sécurité". En fait, beaucoup de prisonniers arrivent à Marion ou Florence parce qu’ils luttent activement pour leurs droits, serait-ce seulement parce qu’ils déposent "trop" de plaintes concernant les conditions de détention, participent à des grèves dans les ateliers ou s’investissent pour leurs droits religieux et politiques.
Les prisonniers politiques Ray Levasseur et Yu Kikumura de l’Armée Rouge Japonaise ont été envoyés à Marion immédiatement après leurs condamnations. Mutulu Shakur de l’Armée Noire de Libération (BLA) y fut transféré parce qu’il organisait déjeunes prisonniers noirs.
4. Unicor est l’entreprise industrielle étatique.