11/09/2006
« Les motifs de ma protestation »
Merci beaucoup à tous :
Le 11 septembre 2006, après 35 jours de grève de la faim, les démonstrations de solidarité que je reçois me surprennent et m’émeuvent. Je sais bien qu’une partie seulement est pour moi.
Il ne peut pas en être autrement : les démonstrations de solidarité que nous avons reçues jusqu’à maintenant, dans une certaine mesure du fait de ma situation, sont adressées à tous les prisonniers et réfugiés politiques, pour tous ceux qui souffrent de la répression de nos idées.
Solidarité, oui : contre l’immobilisme de ceux qui nient la parole du Pays basque ; contre ceux qui ont construit de nouveau le délit d’opinion ; contre ceux qui appliquent le droit pénal dont l’auteur a les caractéristiques des régimes fascistes ( droit pénal qui révulse tout étudiant en première année de Droit) ; contre ceux qui mettent sur la table deux lois : une pour l’ennemi et le dissident politique, et l’autre pour l’ami, le corrompu, le « galgo » , le néo-nazi, le financier, le tortionnaire, le sujet de la raison d’État.
Il y a des amis qui ont passé plus d’années que moi derrière les barreaux. Certains souffrent d’un cancer ou d’autres maladies, comme punition supplémentaire. A d’autres encore, il est appliqué l’aberration juridique connue sous le nom de « doctrine Parot ». Je veux leur adresser à tous une embrassade chaleureuse : je sais ce que sont ces démonstrations pour eux et que cette solidarité continuera aussi longtemps qu’il restera un prisonnier derrière ces murs de béton et d’acier.
Quatre motifs m’ont conduit à mener cette grève de la faim indéfinie :
D’abord : j’ai la ferme conviction que ce qui est fait avec moi et, ainsi, la jurisprudence qui s’instaurera à partir de ce cas, comme c’est arrivé dans le passée, aura une influence sur la liberté d’expression et sur la dissidence politique, en plus d’en avoir sur moi-même.
Ensuite : je suis convaincu qu’en prenant cette décision, je ne fais de mal à personne. Au contraire, s’il y a des conséquences bénéfiques, ce sera pour tout le monde. Si elles sont négatives, ça ne le sera que pour moi.
Troisièmement : la nécessité urgente de se lever, de se rebeller et de lutter contre toute injustice. La question est de ne pas rester indifférent ou résigné (je ne sais pas lequel des deux est pire). Au cours de ces vingt dernières années, j’ai été une marionnette médiatique et, en tant que tel, ils m’ont frappé, insulté et détruit. Ils ont intoxiqué les gens, au grand jour ou furtivement, sur ma situation personnelle, académique et politique. J’ai souffert et je souffre de tous types de disqualifications. La grève de la faim est le seul moyen que j’ai à disposition pour porter un coup symbolique sur la table et dire « ça suffit ».
Enfin : très simple. Je devrais être dans la rue depuis le 24 octobre 2004. Au cours des deux dernières années, la manipulation des rapports carcéraux, l’occultation ou l’invalidation de résolutions judiciaires définitives, la création d’autres obstacles... tous ces éléments forment la chaîne du « tout est bon », la pesante chaîne qui m’empêchera de sortir de prison, comme tant de responsables politiques et judiciaires l’ont déclaré dans les médias. Et au final, cette chose horrible : vouloir me punir de 96 ans de prison pour deux articles d’opinion, quand le juge instructeur n’a pas trouvé d’indications pénales. J’exige de sortir de prison.
Ces quatre raisons de commencer la grève de la faim sont faciles à comprendre. Et la preuve est dans les démonstrations de solidarité. Elles n’ont pas d’autre intension, ni d’autre interprétation.
Je veux les remercier à toutes, par mon petit apport, dans cette lutte historique des prisonniers politiques pour leurs droits. En même temps, je promets de répondre à la situation comme cela se doit, que je ne décevrai pas tant de personnes solidaires, que je donnerai tout ce que j’ai.
Vive le Pays basque libre !
Vive le Pays basque socialiste !
Algeciras, 11 septembre 2006.
Iñaki de Juana Chaos